Déclaration gouvernementale. Retour sur terre !

L’Exécutif a finalement adopté une attitude (trop) prudente dans la rédaction de sa déclaration gouvernementale. Peu créative et assez généraliste, elle fait passer l’équipe Benkirane pour un gouvernement de continuité. Aïe !

Les partis de l’opposition n’ont pas attendu longtemps avant de dégainer. 24 heures à peine après la présentation du programme de l’équipe Benkirane au sein du Conseil de gouvernement, beaucoup sont montés au créneau pour fustiger “une déclaration d’intention” vague et peu chiffrée. “Le texte présenté par le Chef du gouvernement n’a pas les fondamentaux d’un vrai programme gouvernemental. C’est plutôt un mélange assez hasardeux des idées défendues par les quatre partis de la majorité”, soutient Rachid Talbi Alami, président du groupe parlementaire du RNI. Même son de cloche du côté du PAM, qui dénonce un “programme léger qui installe une économie basée sur l’assistanat et sur l’aumône”. Une impression de légèreté également partagée par Hassan Tarik, député USFP. Selon lui, “le programme présenté par M. Benkirane est digne d’un gouvernement de gestion des affaires courantes et non d’un gouvernement de changement”. En face, le gouvernement reste serein et dit avoir présenté les grandes lignes de son programme d’action. “Le Chef du gouvernement a annoncé près de 600 mesures concrètes en plus de l’instauration de 10 caisses de solidarité. Sans oublier une série de lois et de lois organiques pour la mise en œuvre de la nouvelle Constitution”, répondait récemment Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.

La Constitution d’abord !
Il faut dire que le programme gouvernemental est le premier véritable test pour le nouvel Exécutif. Pendant plus de quatre semaines, une commission composée de représentants du PJD, du MP, du PPS et de l’Istiqlal a planché sur la rédaction d’une première plateforme commune, qui fixe les priorités du gouvernement durant les cinq prochaines années. Que doit-on en retenir ? D’abord (c’était prévisible), c’est à l’actuel Exécutif qu’il revient de préparer puis de voter les lois prévues par la Constitution. Un chantier titanesque puisqu’il s’agit de lois organiques complexes. C’est, par exemple, le cas du projet de régionalisation. Le gouvernement promet de sortir, au plus vite, les textes relatifs à la nouvelle organisation et aux nouvelles prérogatives des collectivités territoriales.
Autres lois très attendues : celles relatives à l’installation du Conseil suprême de l’autorité judiciaire, la réforme du Code pénal ou encore l’installation de l’Instance centrale de l’intégrité et de la prévention contre la corruption. La déclaration gouvernementale évoque, pêle-mêle, un nouveau Code de la presse, une loi réglementant l’accès à l’information ou encore une loi pour la protection et la valorisation de la langue arabe. Une “surcharge législative” qui a obligé le Chef du gouvernement à promettre de réserver une attention particulière aux cadres du Secrétariat général du gouvernement (SGG), à qui il reviendra d’étudier ces textes et de les corriger avant leur soumission au vote des députés.

Gouvernement de continuité
Le gouvernement a ensuite été obligé de revoir ses prévisions de croissance à la baisse. Oubliez les 7% promis lors de la campagne électorale ! L’Exécutif se contente d’un 5,5%, plus réaliste vu la conjoncture économique nationale et internationale. Idem pour le chômage, que l’équipe de Benkirane compte porter à 8% au lieu des 7% promis auparavant par le PJD et le PPS. Pour y arriver, le gouvernement mise en premier lieu sur l’amélioration de la gouvernance publique. Le gouvernement promet “d’œuvrer pour lutter contre l’économie de rente et les monopoles”. Cela passe, selon Abdelilah Benkirane, par “la mise en place de cahiers des charges qui viendraient remplacer les agréments de transport, de pêche, d’exploitation des carrières de sable”.
Autre aspect de cette gouvernance, l’harmonisation des plans de développement sectoriels. Le Chef du gouvernement a, par exemple, décidé de reconduire ou de poursuivre l’application du Plan Maroc Vert, de la Vision 2020 pour le tourisme, de la stratégie Emergence ou encore du plan de développement de l’Artisanat. Mais attention, “le gouvernement redéfinira les priorités dans le cadre d’une vision économique intégrée”, promet Benkirane. C’est-à-dire ? “Aujourd’hui, les plans sont pensés par les différents départements d’une manière autonome. Il s’agit d’harmoniser ces différentes stratégies et d’en fixer les priorités pour une meilleure efficacité”, explique un membre du gouvernement. L’Exécutif ne touchera pas à la politique des grands chantiers. Le département de l’Equipement, dirigé par Abdelaziz Rebbah, achèvera les projets en cours et se penchera sur un programme de routes rurales. Le gouvernement ne remet pas en cause non plus le projet du TGV. Mieux, il prévoit le lancement des études de la deuxième tranche reliant Casablanca à Marrakech.
Se pose alors une question : où le gouvernement compte-t-il trouver l’argent nécessaire pour financer son programme ? La formule magique tient en quelques mots : rationalisation des dépenses et équité fiscale. L’Exécutif envisage en effet de revoir le système fiscal dans sa globalité. Serait-ce la fin des exonérations fiscales, qui coûtent près de 30 milliards de dirhams à l’Etat ? Pas si vite, semble répondre le Chef du gouvernement, qui promet simplement la réduction progressive de ces exonérations. Qu’en est-il de la défiscalisation de l’agriculture ? “Nous ouvrirons un débat sur la question”, répond sobrement Abdelilah Benkirane.

Des nouveautés mais …
Le gouvernement marque, malgré tout, quelques points. La déclaration gouvernementale prévoit la création d’une agence nationale et indépendante de la statistique, censée fournir une information fiable et acceptée par l’ensemble des intervenants politiques, économiques et sociaux. Le gouvernement promet également d’appliquer les jugements émis contre l’administration par les tribunaux du royaume. La mesure permettra de clore le dossier des femmes médecins en litige avec le ministère de la Santé depuis des années. Sur le registre de l’habitat, le gouvernement annonce la création de logements commercialisés à 800 000 dirhams destinés à la classe moyenne, en plus d’autres en faveur des jeunes. Le gouvernement s’engage aussi à instaurer des indemnisations pour perte d’emploi, mais ne dévoile ni l’agenda d’exécution ni les modalités de cette mesure.
Abdelilah Benkirane promet ensuite la création d’une caisse de couverture sociale pour les plus démunis et une caisse de solidarité, financée par des dons spontanés. On regrettera enfin l’absence d’engagements fermes dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Le gouvernement promet (appréciez la formule !) d’étudier la possibilité de construire de nouveaux centres hospitaliers, et n’évoque à aucun moment le recrutement de personnel médical ou paramédical (comme promis auparavant). Idem concernant le chantier prioritaire de l’éducation. La déclaration gouvernementale ne fait aucune référence au fameux Plan d’urgence pour l’éducation, et ne propose pas d’alternatives non plus, se contentant d’affirmer vouloir redonner à l’école la place qu’elle mérite dans la société.

 

Objectifs. Les engagements chiffrés
• Un taux d’analphabétisme de 20% en 2016, contre près de 40% aujourd’hui ;
• Un taux moyen de croissance à 5,5% (4,5% sur les cinq dernières années) ;
• Un taux de chômage à 8% contre 9% aujourd’hui ;
18 millions de touristes à l’horizon 2020 et la réalisation de quatre nouvelles stations balnéaires avant 2016 ;
• L’ouverture de 600 km de voies rapides avant 2015 ;
• Allocation de 1% du PIB national (8 milliards de dirhams) à la recherche scientifique ;
• Réduire le déficit en matière de logements de 840 000 à 400 000 unités ;
• Mobilisation d’une assiette foncière dédiée au logement de 20 000 hectares sur cinq ans ;
• Augmentation du nombre de bénéficiaires de l’Assurance maladie obligatoire à 10 millions de personnes contre environ 8 millions aujourd’hui.

 

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