Emmanuel Macron, ascension fulgurante d'un homme pressé

Inconnu des Français il y a encore peu, Emmanuel Macron, 39 ans, a surgi dans le paysage politique en conquérant l'Élysée au terme de la première campagne électorale de sa vie.

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Emmanuel Macron Crédit: PHILIPPE HUGUEN - AFP

Le centriste pro-européen est devenu le plus jeune président français en battant la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, avec 65,5 à 66,1% des suffrages contre 33,9 à 34,5%. Toujours tiré à quatre épingles, ce fils de médecins aux yeux bleus et à la mèche bien peignée est entré discrètement sur la scène politique en 2012 en devenant conseiller économique du président socialiste François Hollande.

Quand cet ancien banquier d’affaires décide en novembre de se lancer dans la course à la présidentielle après avoir démissionné de son poste de ministre de l’Économie (2014-2016), sa candidature suscite une certaine condescendance chez les politiques de tous bords.

Le flou de son programme, son inexpérience des rendez-vous électoraux, sa campagne sans parti structuré, passent alors pour des obstacles infranchissables sur la route de l’Élysée.

Mais celui qui se définit comme « progressiste » sait profiter des primaires de droite puis de gauche, qui ont désigné des candidats laissant une marge de manoeuvre au centre à son jeune mouvement « En marche! », créé en avril 2016.

Les déboires judiciaires du candidat de la droite François Fillon et son effondrement dans les sondages lui permettent ensuite de rejoindre le peloton des favoris, puis de consolider au fil des mois une base électorale longtemps fragile.

Le 23 avril, il arrive en tête du premier tour de la présidentielle, avec 24,01%, devant Marine Le Pen, longtemps donnée en tête du scrutin par les sondages.

Elève brillant des plus grandes écoles françaises, celui qui s’exprime dans un français parfois désuet dit avoir tiré de sa courte expérience du pouvoir – deux ans comme conseiller de l’Élysée puis deux ans au ministère de l’Économie – un enseignement majeur: le « dysfonctionnement » du système politique actuel.

« Macron a eu l’intuition, précisément parce qu’il était extérieur à la vie politique traditionnelle, que les partis de gouvernement (…) étaient, pour reprendre un vieux mot, usés, fatigués, vieillis », a confié François Hollande à son sujet.

Désireux de capter l’aspiration au renouvellement politique des Français, le jeune ministre fonde en avril 2016 son mouvement, « En Marche! » – ou EM comme ses initiales, avec un mode d’organisation type « start up » qu’il affectionne. Les adhésions affluent jusqu’à dépasser 300.000 adhérents, les soutiens de tous bords consolident sa candidature.

Ses meetings attirent les foules, l’omniprésence de son épouse Brigitte, son ancienne professeure de français de vingt-quatre ans son aînée, fait couler beaucoup d’encre.

Son projet est d’inspiration sociale-libérale. Son coeur de cible: les classes moyennes, qu’il juge « oubliées » par la droite et la gauche.

Son discours transpartisan, libéral économiquement et sur les questions de société, plaît surtout aux jeunes urbains et aux milieux d’affaires. L’extrême droite et l’extrême gauche le dépeignent avec virulence comme le porte-voix des gagnants de la mondialisation.

Face aux attaques de Marine Le Pen lors du débat télévisé houleux de l’entre-deux-tours, M. Macron a montré sang-froid et pugnacité. Rendant coup pour coup, il s’est présenté comme le défenseur de « l’esprit de conquête français » face à son « esprit de défaite ».

Ses détracteurs voient en lui un « illusionniste » et dénoncent son programme flou, son positionnement jugé trop proche des milieux économiques, en lui reprochant son passé de banquier – qu’il assume pleinement et qui lui a valu le surnom de « Mozart de la Finance ».

S’il a largement remporté la victoire dimanche, l’adhésion à sa personne et à son projet ne lui est pas acquise.

Au premier tour, plus de 40% de ses électeurs affirmaient l’avoir choisi par défaut. Les appels à faire barrage à l’extrême droite ont alimenté les votes en sa faveur, mais des manifestations renvoyant dos à dos son projet jugé trop libéral et le nationalisme de Marine Le Pen – aux cris de « Ni Marine, ni Macron, ni patrie, ni patron » – ont été organisées partout en France avant le second tour.

« J’ai entendu pendant toute la campagne (…) la colère sur l’Europe et l’incompréhension sur la mondialisation. Je vais la prendre en compte », a-t-il promis.

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