Footeux, confinés et bons samaritains

Le monde du football s’est arrêté de tourner à cause de la pandémie de coronavirus. Au Maroc comme ailleurs, les stars du football sont assignées à résidence. Comment font-ils pour garder la forme ? Seront-ils prêts pour la reprise ?

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Le monde du football vit une crise sans précédent. En Europe, avec la pandémie de coronavirus, tous les footballeurs ont été priés de rester chez eux. Les compétitions ont été suspendues, et plusieurs stars ont été testées positives au Covid-19.

Même son de cloche au Maroc. Fort heureusement, à l’heure actuelle, aucun joueur marocain n’a été testé positif au virus. Mais tous ont tous rejoint le mouvement de sensibilisation.

Journal de confinement

Pour donner l’exemple aux plus jeunes, les sportifs ont tous pris la sage décision de rester chez eux et ne pas prendre de risques. Actifs sur les réseaux sociaux, à l’image de leurs clubs, les joueurs multiplient les messages de sensibilisation quant aux dangers du coronavirus.

Pour garder la forme et être prêts pour un probable retour en avril ou en mai, certains adoptent un rythme de vie drastique. Faire comme si la compétition ne s’était jamais arrêtée est d’ailleurs le secret de Saad Lameti. Pour TelQuel, la vedette de la surprise de la saison, la Renaissance de Zemamra, explique qu’il est dans l’obligation de respecter un programme pour garder la forme.

“Notre préparateur physique nous envoie tous les jours notre programme, selon les besoins et l’état physique de chacun”

Saifeddine Alami Bazza

À l’image de tous les Marocains, j’ai été surpris par cette décision. Mais on ne peut que la respecter pour le bien de la nation. Du coup, tous les matins, je me réveille à la même heure comme si on avait entraînement. Je prends mon petit-déjeuner, et j’en profite pour passer du temps avec ma petite famille”, nous raconte Saad Lameti. Et de détailler sa journée : “Ensuite, je me suis préparé un petit programme pour un entraînement personnel. Au menu, pompes, gainage, alimentation saine, et… séries TV (rires).”

Au Maroc ou à l’étranger, le confinement est le même. Exemple en Roumanie, avec Saifeddine Alami Bazza. Actuellement joueur du Rapid 1923 en deuxième division roumaine, les joueurs du championnat local se sont tous enfermés chez eux depuis l’arrêt des compétitions. L’ancien joueur du Raja et du Paris FC explique qu’il profite de ces moments pour passer du temps avec sa femme et son bébé de quelques mois. “On a été notifiés dans un premier temps pour un confinement de 15 jours. Mais les choses ont vite évolué, aujourd’hui, on ne sait pas quand on pourra reprendre”, raconte-t-il.

“J’ai cette chance de pouvoir sortir m’entraîner et taper dans le ballon, comme si rien n’avait changé”

Soufiane Rahimi

En revanche, contrairement à Saad Lameti, ce n’est pas lui qui s’est programmé ses séances d’entraînement en solo, mais le préparateur physique du club. “Notre préparateur physique nous envoie tous les jours notre programme, selon les besoins et l’état physique de chacun d’entre nous”, précise Saifeddine Alami Bazza qui espère que cette crise passera le plus vite possible. En attendant, il insiste sur le fait de rester chez soi en écoutant les directives des instances sanitaires.

Ilias Haddad, le défenseur central du Raja a quant à lui préféré rejoindre sa famille dans son pays natal, les Pays-Bas. “On était en concentration d’avant-match dans un hôtel casablancais lorsque le président nous a informés de l’arrêt des activités footballistiques au Maroc. J’ai dû vite faire mes bagages pour rentrer”, se souvient l’ancien joueur de l’AS FAR, qui a pu rejoindre les Pays-Bas via Bruxelles.

Pour ma préparation personnelle, ici le confinement n’est pas obligatoire, donc on a le droit de sortir courir. Et pour voir le bon côté des choses, ces vacances forcées me permettent de passer du temps avec mes parents et mes enfants, que je n’ai plus vus depuis longtemps”, confie à TelQuel le joueur formé au club néerlandais d’Excelsior.

Au niveau du confinement, certains ont plus de chance que d’autres. Soufiane Rahimi, aujourd’hui vedette de l’attaque du club vert casablancais, est un cas à part. Fils du chargé de matériel historique du club, Mohamed Rahimi alias Yoori, il habite toujours avec ses parents, au siège du club. “C’est une période difficile qu’on vit, à l’image de tous les joueurs de la planète. J’espère que cela ne va pas durer plus longtemps. J’ai cette chance de pouvoir sortir m’entraîner et taper dans le ballon, comme si rien n’avait changé. J’ai aussi la salle de fitness du club à disposition, je m’entraîne tous les jours pour garder la forme en respectant le programme fourni par notre préparateur physique”, explique le joueur de 23 ans, qui vit sa meilleure saison au Raja avec 7 buts et 6 passes décisives en 22 matchs joués. Qu’en disent les spécialistes ?

Match à domicile

Nul doute que cet arrêt surprise du football aura son impact sur la suite de la saison (si elle se poursuit). En attendant, les joueurs peuvent garder la forme chez eux, en suivant des programmes d’entraînement précis, préparés par leurs entraîneurs ou faits par leurs soins. L’essentiel est d’être prêt pour la reprise, assure à TelQuel Youssef Dahbi, football performance coach à Al Shamal club, équipe de deuxième division qatarie et l’une des plus anciennes du pays.

C’est une première dans l’histoire. Surtout que c’est arrivé lors d’une période compliquée où les équipes jouent leurs saisons et atteignent des stades avancés dans leurs compétitions respectives”, note le coach. Il nous explique qu’à Doha, le championnat est arrêté depuis une semaine. Les entraînements ont également été arrêtés par mesure de précaution.

“Malheureusement, au Maroc, il y a un manque de parcs et de lieux d’entraînement. Les joueurs sont obligés de rester confinés, ce sera plus compliqué”

Youssef Dahbi, football performance coach

Ici, on ne manque pas de moyens. En première ou en deuxième division, certains clubs utilisent les dernières technologies pour effectuer les suivis”, affirmant que certains clubs optent pour la vidéo. Les joueurs doivent filmer leurs séances à domicile et les envoyer aux entraîneurs. Au Qatar, la décision de reprendre les entraînements de groupe a été prise par le comité olympique, à condition que les entraînements se fassent sans ballon, sans contacts et avec des petits groupes.

À titre personnel, j’ai confié un programme individuel à chaque joueur. Pour minimiser les risques, je leur ai proposé de s’entraîner en groupe, un jour sur deux en alternant avec les entraînements personnels. Au Maroc, il faut que les joueurs prennent les programmes de leurs préparateurs physiques. Des programmes qui ressemblent à ceux qu’ils appliquent entre les matchs durant la saison, où ils respectent les microcycles”, explique ce spécialiste en préparation physique, passé par le Wydad de Casablanca.

Les microcycles sont les qualités physiques travaillées entre les matchs en respectant une chronologie donnée. “Malheureusement, au Maroc, il y a un manque de parcs et de lieux d’entraînement. Les joueurs sont obligés de rester confinés, ce sera plus compliqué”, conclut-il, en demandant aux joueurs marocains de prendre exemple sur grandes stars européennes, qui investissent dans du matériel de préparation physique pour chez eux.

“Il faut que le travail se fasse au niveau du renforcement musculaire pour que les joueurs restent en forme”

Jaafar Atifi, préparateur physique

Jaafar Atifi, ancien préparateur physique à l’AS FAR et au Raja, est du même avis que Youssef Dahbi. Il préconise l’entraînement à domicile, à condition qu’il soit effectué dans de bonnes conditions. “Il faut que le travail se fasse au niveau du renforcement musculaire pour que les joueurs restent en forme. On ne peut pas réellement imposer un programme aux joueurs tant qu’on ne sait pas combien de temps le confinement va durer”, martèle Jaafar Atifi, qui ajoute qu’en cette période, il faut que les joueurs fassent particulièrement attention à leur alimentation.

On sait que les athlètes mangent généralement beaucoup, mais brûlent tout autant de calories grâce à leurs entraînements réguliers. Aujourd’hui, s’ils mangent comme d’habitude, ils se retrouveront en surpoids, ce qui peut pénaliser leur retour”, a-t-il conclu.

Footballeurs bons samaritains

La Fédération royale marocaine de football a récemment fait don de 10 millions de dirhams au fonds pour la gestion de la pandémie, pour soutenir l’économie et ceux qui en ont le plus besoin.

Abderrazak Hamed Allah a annoncé la prise en charge de 1.000 familles en difficulté durant la crise

C’est le cas de milliers de serveurs travaillant dans des cafés ou restaurants qui ont dû fermer boutique et limoger du personnel. Plusieurs familles se sont alors retrouvées privées de revenus en cette période de confinement obligatoire, et certaines peuvent compter sur le soutien de joueurs de football. Ces derniers acceptent parfois de recevoir eux-mêmes les demandes d’aide de familles en difficulté financière, ou comptent sur leur entourage pour leur faire parvenir les messages, dans la plus grande discrétion.

Au-delà des messages de sensibilisation, les joueurs mettent véritablement la main à la poche dans un geste de solidarité inédit. C’est le cas de Abderrazak Hamed Allah, la vedette du club saoudien Al Nassr, qui a annoncé la prise en charge de 1.000 familles en difficulté durant la crise. L’ancien international marocain, Abdesslam Ouaddou a quant à lui fait le généreux don d’un million de dirhams au Fonds spécial de gestion de la pandémie. La donation de l’ancien joueur de Fulham sera dédiée aux étudiants de la ville rurale d’Alnif, pour qu’ils aient accès à Internet durant cette crise sans précédent, comme il l’a expliqué dans une vidéo publiée sur sa page Facebook.

Des joueurs du Raja et du Wydad ont eux aussi annoncé la prise en charge de personnes ayant perdu leur poste

Des joueurs du Raja et du Wydad ont eux aussi annoncé la prise en charge de personnes ayant perdu leur poste à cause de la pandémie. Hamid Ahaddad, le joueur du Raja prêté par le Zamalek, a été le premier à ouvrir le bal. Mouhsine Moutouali, le capitaine des Verts, Abdellatif Noussair, le capitaine des Rouges ont également donné l’exemple.

Et d’autres ont suivi. Badr Benoun, Mohamed Makaazi, Ibrahim Nekkach ou encore Soufiane Rahimi et une dizaine d’autres stars de la Botola se sont montrées solidaires en faisant la même annonce. Un élan de solidarité ressenti dans les quatre coins du pays.