“Je suis fan de Nass El Ghiwane”

Smyet bak ?

Euh, je ne sais plus, attendez, je l’ai au bout de la langue …

 

 

Smyet mok ?

Ah ça non plus ça ne vient pas, donnez moi quelques minutes…

 

 

Nimirou d’la carte ?

C’était quelque chose … Je ne m’en rappelle plus du tout. D’ailleurs on vient de me dire que je dois faire une nouvelle, la biométrique. J’ai encore l’ancienne, énorme et plastifiée.

 

 

Vous avez parfois la nostalgie du Maroc ?

Non, parce que je n’ai pas le sentiment de l’avoir quitté. J’ai encore de la famille à Casablanca, et des amis d’enfance, avec qui je suis toujours en contact. Et je me suis fait construire une villa avec piscine à Marrakech, mon rêve d’enfant (rires) ! J’y viens dès que je peux. Et croyez-le ou pas, c’est là-bas que je suis le plus inspiré pour écrire.

 

 

ça vous arrive d’aller faire un tour incognito dans les quartiers où vous avez grandi à Casa ?

Oui j’adore ça ! Je mets des lunettes de soleil et une casquette et le tour est joué, je peux me balader tranquillement. J’aime beaucoup marcher, me perdre, et observer les gens. Mais ce qui me fait toujours autant halluciner, c’est la folie de la circulation. Casa, c’est la seule ville au monde où ce sont les piétons qui doivent mettre une ceinture de sécurité (rires).

 

 

Vous trouvez qu’il y a une différence entre le public marocain et français ?

Bien sûr. Ils ne rigolent pas toujours aux mêmes blagues. Mais j’adore jouer au Maroc, on m’accueille avec énormément d’amour et d’affection. Lors de mes dernières représentations, j’avais l’impression d’être Mick Jagger ! ça me mets également beaucoup plus de pression que n’importe où dans le monde. C’est comme jouer devant sa propre famille.

 

 

En décembre dernier, vous avez été élu 2ème personnalité préférée des Français. ça vous a fait quoi ?

J’étais très content. Par contre ma mère a râlé parce que je n’étais pas le premier ! Je plaisante, mes parents étaient très fiers. Personnellement, je suis toujours heureux quand je reçois des récompenses, surtout quand elles viennent directement du public. ça te pousse à aller plus loin.

 

 

Il paraît que vous êtes fan du groupe Nass El Ghiwane ?

Oui, et la mort de Paco il y a quelques mois m’a beaucoup touché. Je les ai vraiment découverts à travers le documentaire Transes de Martin Scorsese. Ils étaient vraiment dans un délire particulier, à la fois spirituel et surréaliste. Ils ont une histoire fascinante, on dirait qu’ils ont vécu dans un autre temps, dans un autre Maroc.

 

 

Vous écoutez d’autres artistes marocains ?

Quelques-uns. Je suis toujours curieux de découvrir les artistes qui font le buzz. Par exemple, ces derniers temps, j’écoute un peu Don Bigg. C’est vraiment intéressant ce qu’il fait. J’aime bien aussi Hoba Hoba Spirit, leur côté créatif et ludique. Sans oublier Oum, qui a une voix superbe. Je lui avais proposé un jour de faire ma première partie, mais on s’est perdus de vue.

 

 

En 2012, vous avez cartonné dans votre rôle de footballeur dans Les seigneurs. Vous aimez le foot ?

Pas spécialement. Les Marocains m’ont toujours demandé pour quel club j’étais, alors un jour j’ai décidé arbitrairement que c’était le Wydad. Il fallait trancher (rires). Sûrement parce que le nom de ce club m’inspirait plus que celui du FUS ou du Kawkab. Mais j’emmène souvent mon fils au stade, c’est un grand supporter de Lyon.

 

 

Votre fils aime-t-il votre sens de l’humour ?

Pas toujours. Ce qui est génial, c’est qu’il me dit quand il n’aime pas l’une de mes blagues. C’est pour cela qu’il assiste souvent à mes spectacles. C’est le seul qui me dit la vérité en face (rires). Mais il me donne également confiance en moi quand il apprécie ce que je fais. On a toujours besoin des proches pour nous rassurer.

 

 

Votre père est l’une de vos grandes sources d’inspiration. Il vous donne également son avis ?

Il a un regard très critique, mais il n’a pas trop le sens de l’humour. Ça, je le tiens plutôt de ma mère. Mais tout comme elle, mon père n’arrive pas toujours à trouver les mots pour me rassurer, même s’il veut le faire. D’ailleurs c’est une particularité très marocaine. On ne sait pas formuler verbalement ce que l’on ressent. 

 

 

Vous trouvez ?

Absolument. Chez nous, les gens sont très connectés entre eux, mais pas par le verbal, plutôt par l’émotif et l’affect. Par exemple, on dit souvent que quelqu’un est “ka3i”, mais on ne sait jamais vraiment pourquoi. On n’explique jamais les raisons, parce qu’on ne sait pas les formuler. C’est un véritable problème.

 

 

Vous pensez quoi des humoristes marocains ?

J’adore Hassan El Fad et Hanane El Fadili, ils sont à mourir de rire. Mais en ce moment, celui qui m’épate c’est Miz. C’est devenu mon petit frère, je ne le lâche plus (rires). Je me retrouve dans ce qu’il fait, parce que comme moi, il est dans le stand-up.

 

 

Vous êtes vraiment pote avec Jamel Debbouze dans la vie de tous les jours ?

Oui, on est vraiment proches, et cela depuis plus de 20 ans. A l’époque on était jeunes et inconnus, et on venait d’atterrir à Paris. On se donnait rendez-vous pour écrire des sketchs et on se demandait comment on allait faire pour percer. J’espère vraiment qu’un jour on fera un vrai projet ensemble.

 

 

Vous êtes devenu une figure incontournable du cinéma français. Vous suivez un peu le cinéma marocain ?

Bien sûr. Dernièrement, j’ai vu Les chevaux de Dieu de Nabil Ayouch. Un film fort et courageux, qui m’a vraiment bouleversé. Ayouch a une réflexion intelligente, il cherche plus à poser des questions qu’à trouver des réponses. En tant que gamin de Casa, ce film m’a fait particulièrement mal au cœur. C’est vrai que je n’ai jamais vécu dans la misère, mais les destins des enfants casablancais me préoccupent vraiment. C’est d’ailleurs pour cela que je suis impliqué avec SOS village d’enfants, qui essaie de les protéger au maximum.

 

 

On dit que vous êtes quelqu’un de très stressé et anxieux. C’est vrai ?

Honnêtement, je suis beaucoup moins angoissé que par le passé, j’ai fait beaucoup de travail sur moi. J’ai appris à relativiser avec l’âge. Mais bon, je suis quand même d’un tempérament anxieux, je ne suis pas le mec le plus relax de la terre.

 

 

Vos spectacles sont un véritable message de tolérance religieuse. La montée en France de l’antisémitisme et de l’islamophobie, ça vous touche ?

Je suis conscient de ce phénomène, et cela me préoccupe beaucoup. Je pense sincèrement que les personnes qui crachent sur un mec en kippa ou sur une femme voilée sont ignorantes. Les campagnes antiracisme, les manifestations, c’est bien, mais c’est à l’école où tout se joue. Il faut commencer à apprendre aux enfants l’histoire des peuples, pas juste celle de leur pays.

 

Antécédents

 

1971.  Naissance à Casablanca.

 

1988. Quitte le Maroc pour aller étudier à Montréal.

 

1997.  Présente son premier spectacle en solo, Décalages.

 

2000.  Naissance de son fils Noé.

 

2011. Obtient un rôle dans Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne de Steven Spielberg.

 

 

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