Comment le PJD tisse sa toile sur le Web et les réseaux sociaux

À deux mois des législatives, le PJD est pointé du doigt par ses adversaires pour avoir monté une « armée électronique », prompte à défendre le parti de la lampe coûte que coûte, parfois avec des moyens peu avouables. Qu’en-est-il vraiment ?

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Site PJD. Crédit : Tniouni

Scandale des terrains des « serviteurs de l’État », fuite d’une vidéo montrant Mezouar en boîte de nuit, tapage autour de l’importation de déchets d’Italie… Dans toutes ces affaires et bien d’autres, les réseaux sociaux ont joué un rôle important. Parfois pour le meilleur et parfois pour le pire. Ces agoras numériques sont désormais décisives dans la bataille des idées au Maroc. Le PJD l’a bien compris, en investissant Facebook et Twitter et en lançant une opération séduction qui vise « les influenceurs » de la webosphère nationale. Dans toutes ces affaires, et malgré ses démentis énergiques et répétés, le PJD a été pointé du doigt pour avoir, assurent ses détracteurs, au moins soufflé sur les braises, si ce n’est orchestré lui-même une campagne digitale. Pour le parti de la lampe, il s’agirait d’initiatives individuelles de ses membres qui n’engagent en rien les dirigeants. Dans les affaires les plus médiatiques, comme celle de la vidéo de la boîte de nuit, le parti islamiste a même montré patte blanche en publiant un communiqué dans lequel il dénonce une « atteinte à la vie privée ».

Les soupçons sur la constitution d’une « armée électronique » par le PJD ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. TelQuel avait mené l’enquête en 2015 pour savoir qui se cache derrière les cyber-militants pjdistes, et comprendre comment la formation a étendu son influence sur le Web.

Le PJD a été parmi les premiers partis politiques marocains à se rendre compte de l’importance des réseaux sociaux, et notamment du pouvoir du « peuple bleu », en référence à l’opinion publique active sur la plate-forme Facebook. Ainsi, Abdelilah Benkirane avait reçu, le 13 juin 2015, une quinzaine de jeunes actifs sur la Toile, à l’occasion du lancement de sa page officielle sur Facebook. L’objectif était de séduire ces jeunes et en faire des relais des idées du PJD. Une nouvelle étape dans la stratégie du parti islamiste pour la conquête des internautes. Une mission confiée à la division information et relations publiques, dirigée par Slimane El Omrani.

Le monsieur médias du PJD nous avait reçu dans les locaux situés à deux pas de la préfecture du quatrième arrondissement de Rabat. « Le terme (armée) électronique n’a aucune pertinence au Maroc. Il a été créé par le régime de Bachar Al Assad, puis récupéré par les Frères musulmans en Égypte et même par Al Sissi, suite à son coup d’État. Pour qu’il y ait une armée électronique, il faut la mobilisation d’un très grand nombre de personnes sur les réseaux sociaux, un lancement de plusieurs hashtags et campagnes. Cette définition ne correspond pas au PJD », analysait Marouane Harmach, consultant spécialiste des médias sociaux. « Si vous enlevez les trois secrétaires et le chauffeur, il ne vous reste plus que quinze personnes. On ne constitue même pas une brigade avec ce chiffre », braille-t-il. Depuis, la division information et relations publiques s’est agrandie, employant 25 salariés, dont 12 journalistes, nous confie Slimane El Omrani.

À la pêche aux jeunes

Bien que le PJD accorde une importance particulière à sa division information, celle-ci n’est qu’un pan d’une stratégie de communication plus globale. Elle comporte deux autres divisions : les relations extérieures et l’encadrement des citoyens. La première se décline en plusieurs spécialisations, dont celle des relations avec le monde artistique, chapeautée par le comédien et parlementaire Yassine Ahjam. La deuxième, dirigée par Mustapha Baba, vise un public très large à travers des manifestations sportives et culturelles organisées par le parti. Mais à l’heure d’Internet et de l’actualité en continu, la division de l’information reste le principal noyau communicationnel du PJD. La guerre de l’opinion publique se joue sur le terrain digital. Et le parti islamiste veut remporter cette bataille. Son site Internet est le 146e portail le plus visité au Maroc. Ses concurrents rament loin derrière. Pjd.ma n’a rien à envier aux portails d’information les plus en vogue : mises à jour régulières, chroniques, vidéos et autres podcasts…. C’est un outil de propagande bien huilé qui vise à véhiculer des idées et des messages conservateurs. Les locaux de la division ressemblent à une vraie rédaction de presse. Les quelque 150 mètres carrés sont divisés en quatre pièces. Au centre, un open-space destiné aux journalistes, dont Zineb, en charge de la version française du site. « Vous voyez, nous acceptons même les non voilées », lance un El Omrani taquin, tout en présentant un par un ses poulains. Une autre salle est réservée aux infographistes et au community manager, chargé de gérer les deux pages officielles du parti sur Facebook et Twitter, deux autres canaux vitaux pour la communication du parti. Et si l’on doit calculer leur succès au nombre de likes, la page compte désormais plus d’un million de fans.

Mais si 25 salariés travaillent dans les locaux de la division com’, la force du parti se situe ailleurs. « Dans chaque bureau régional et provincial, nous avons un responsable de la division, tandis que nous laissons le choix aux bureaux communaux de créer leur section par rapport aux moyens dont ils disposent », précise El Omrani. Du coup, le contingent gonfle son effectif et se démultiplie. Sans compter les centaines de militants qui interviennent sur les réseaux sociaux. Monsieur médias des islamistes admet que nombre d’entre eux, et même des sympathisants, s’avèrent très actifs sur le Net. Pour frapper fort, on vise la partie réservée aux commentaires d’articles, sur les portails d’information, surtout arabophones. Un jeu d’influence redoutable pour orienter les lecteurs et contrecarrer les adversaires.

Qu’en est-il donc du budget communication du PJD? « Deux millions de dirhams », nous a déclaré El Omrani. Un budget qui n’a pas bougé en 2016. « Chaque année, le conseil national du parti élabore un programme budgétaire pour toutes les divisions. Cette somme est principalement allouée aux ressources humaines. Le reste de l’argent est destiné aux frais de fonctionnement ».

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