Législatives 2016: une timide avancée pour les femmes parlementaires

Malgré l’instauration d’un quota obligatoire en 2002 et en 2011, les marocaines restent peu nombreuses à la Chambre des représentants.

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Crédit : Yassine Toumi / TELQUEL

Lors du scrutin législatif du 7 octobre, seulement 10 sièges* ont été remportés par des femmes sur les listes locales. A ce chiffre s’ajoute les 60 sièges qu’assure le quota obligatoire ainsi que les quelques femmes présentées sur la liste nationale des jeunes (dont Telquel.ma n’a pas pu déterminer pour l’heure le nombre avec exactitude). Pour élire un maximum de femmes, le PAM avait d’ailleurs fait le choix de placer 29 femmes sur les 30 candidats imposés sur cette liste. Une stratégie qui a payé puisque sept d’entre elles ont été élues vendredi. Un chiffre qui vient s’additionner aux 14 élues issues de la liste nationale réservée aux femmes et aux 5 autres issues des listes locales. « Cela représente 25,4 % du total des sièges obtenus par le parti. C’est bien plus qu’en 2011 ! », analyse Khalid Adnoun, porte parole du parti du tracteur.

Avec un total de 72 sièges sur 395, sans compter les élues de la liste nationale des jeunes, les femmes seront donc plus nombreuses à la Chambre des représentants qu’en 2011 où elles occupaient seulement 67 sièges. Pour la nouvelle élue PJD de la circonscription Aïn Sbâa Hay Mohammadi, Nezha El Ouafi, il s’agit d’une victoire en demie-teinte : « C’est une avancée pour le Parlement mais le chiffre reste insuffisant ». Un sentiment que partage la candidate FGD de la liste nationale pour les femmes Fatima Tamni qui n’a, elle, pas obtenu de siège vendredi dernier. La jeune femme, qui milite pour le droit des femmes au sein de l’Union national des étudiants du Maroc (UNEM) depuis l’âge de 18 ans continue de s’insurger : « Le parlement est censé représenter équitablement la société. Il devrait donc y avoir autant de femmes que d’hommes ! ».

Source: Tafra/Union interparlementaire (nb: les chiffres sont arrêtés à début août 2016 et ne comprennent donc pas les résultats des législatives 2016 ).
Malgré la création de la liste nationale des femmes en 2002, le Maroc reste à la traîne. Avec 67 députées pour 395 sièges à la Chambre des représentants, soit seulement 17 %, le pays arrive à la 109ème place du classement mondial du 1er août 2016 de l’Union interparlementaire sur la représentation des femmes dans les parlements nationaux. Un combat qui mobilise les marocaines et au-delà. Jeudi 6 octobre, dans le cadre du programme « Femmes Leaders de demain » initié par l’Association Actions in the Mediterranean, plusieurs élues belges sont venues accompagner des candidates marocaines aux élections législatives du 7 octobre. Yasmine Kherbache, députée belge d’origine algérienne, a rencontré Fatima Tamni candidate FGD sur la liste nationale. L’idée : partager avec des candidates marocaines l’expérience de femmes élues au niveau législatif en Belgique. « Maintenant que nous avons acquis une certaine égalité des sexes en Europe, il est de notre devoir d’aider les pays qui se battent encore pour ce droit universel ! ».

« Un monde d’hommes »

Pour Fatima Tamni et les autres, arriver jusqu’ici a souvent été le résultat d’un combat acharné. L’ancienne élue PPS et ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité Nouzha Skalli, a mené un combat acharné pour obtenir son premier siège de députée. Cette figure féminine de la politique marocaine explique qu’elle a dû se présenter sept fois avant d’être élue pour la première fois aux municipales de 1997. « J’ai très vite compris que les portes du Parlement étaient fermées aux femmes. J’ai alors décidé de militer au côté de la société civile pour soutenir la mise en place d’un quota ». Quota qui lui permettra en 2002 d’accéder au siège de députée.

Un combat de longue haleine que la plupart des femmes politiques marocaines ont mené explique Nezha El Ouafi, qui affirme elle aussi avoir bataillé pour « faire ses preuves dans un monde d’hommes ». Pour l’élue PJD, les femmes doivent sans arrêt prouver qu’elles méritent leur place. Ce qui nécessite de fournir deux fois plus d’efforts que les hommes. « J’ai travaillé très dur pour arriver jusqu’ici, explique-t-elle, et aujourd’hui encore je m’assure de maîtriser parfaitement chacun de mes dossiers, je me rends à toutes les réunions même si je dois rentrer chez moi à minuit!  ». C’est contre cette représentation de la « femme moins compétente que l’homme » que se bat aujourd’hui Fatima Tamni : « On doit permettre aux femmes de faire des études supérieures et de se réaliser en dehors du foyer conjugal ».

Comme Fatima Tamni et Nehza El Ouafi, Nada El Harif, candidate FGD perdante de la liste nationale, pourrait devenir un exemple pour la jeune génération marocaine. Cette militante de 34 ans, plusieurs fois diplômée et aujourd’hui directrice de projets dans une entreprise publique, s’est engagée politiquement en 2009 à « l’appel au peuple de gauche » lancé par Omar Balafrej. Aujourd’hui, si elle réclame plus de femmes en tête de liste, elle appelle aussi les citoyennes à se mobiliser pour faire changer les choses. « Les femmes doivent aller voter pour encourager l’émergence de nouvelles élites », analyse-t-elle.

« Sans elles, pas de débats de société »

Si les quotas de 2002 puis de 2011 (pour les jeunes) ont quelque peu changé la donne, tout reste encore à faire selon Nezha El Ouafi. Pour l’élue, la discrimination positive a servi de tremplin aux Marocaines, leur permettant de montrer de quoi elles étaient capables. Aujourd’hui, elle estime que les femmes ne doivent plus se contenter de cette liste nationale : « C’est un acquis à défendre mais maintenant il faut aller plus loin. Pour moi une femme compétente devrait être présentée directement dans la liste locale ! ». Deux fois élue au Parlement grâce à la liste nationale, Nezha El Ouafi vient de remporter un siège sur la liste locale, dans la circonscription de Aïn Sbâa Hay Mohammadi à Casablanca. Une victoire qui devrait, selon elle, lui permettre d’accéder à plus de responsabilités politiques : « Je vais pouvoir mener un travail plus concret sur le terrain et être plus proche des citoyens. Ce que je ne pouvais pas faire quand j’étais sur la liste nationale ».

Impliquer toutes les Marocaines dans ce combat pour l’égalité, voilà l’enjeu engagé par les résultats de cette dernière élection. Car pour l’ancienne élue Nouzha Skalli, la femme politique marocaine « connue pour être moins politicienne et moins langue de bois que l’homme » est indispensable car elle a un rôle à jouer dans la lutte contre la détérioration démocratique du pays : « Sans elles, les débats sur les problèmes de société sont occultés, comme la santé des femmes, leur sécurité, le mariage précoce ou encore le travail des enfants ».

*Il s’agit de : Fatima Zahra Mansouri (PAM, Marrakech), Nezha El Ouafi (PJD Aïn Sebaâ, Casablanca ), Amina Maelainine (PJD, Hay Hassani Casablanca), Mbarka Bouaida (RNI, Guelmim), Souad Boulaich El Hajraoui (PJD, Fahs Anjra Tanger), Amal Boukir (PAM, Larache), Ouiam El Mharchi (PAM, Ouezzane), Aazouha Laarak (PJD, Dakhla), Asmae Chaabi (PAM, Essaouira), Jamila Afif (PAM, Marrakech). 

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