Mettons les parangons de vertu au placard, car la course effrénée vers la jeunesse éternelle a franchi un cap au Maroc. Désormais, les Marocaines ne se contentent plus de s’offrir un minois lifté ou une nouvelle paire de seins, le phénomène du moment est de se faire refaire le sexe. Réduire la taille des petites lèvres (nymphoplastie), galber les grandes lèvres (lipofilling), lifter le mont de vénus ou encore amplifier le point G – qu’ils affirment avoir trouvé – sont les interventions qui ont le vent en poupe. L’objectif : avoir un vagin pulpeux, lisse, où rien ne dépasse. « Ces techniques sont devenues courantes, car il y a une offre et une demande en constante évolution. Et finalement, l’effet de mode a dissipé les barrières morales », nous explique Aboubakr Harakat, psychosexologue.
Elles ont entre 20 et 60 ans, sont plutôt aisées et ne se gênent plus pour se ruer chez une poignée de chirurgiens et gynécologues pour se refaire une beauté intime. L’affaire n’était pourtant pas gagnée d’avance. « Au début, les patientes évoquaient la chirurgie de leurs parties intimes de manière très timide. Elles me le demandaient presque en baissant la voix. Mais aujourd’hui, cette gêne est relativement dissipée. Après tout, c’est un organe comme un autre, il mérite qu’on s’en occupe », nous explique Taleb Bensouda, chirurgien plastique spécialisé dans la chirurgie intime, en nous recevant dans sa luxueuse clinique du quartier d’Anfa, à Casablanca.
Couper les nymphes qui « débordent »
Intervention maîtresse de la chirurgie intime, la nymphoplastie consiste à réduire la taille des petites lèvres hypertrophiées (mesurant entre 3 à 4 centimètres, voire plus). Une fois tendues, les nymphes débordent sur les grandes lèvres et les cachent au point de rendre pénibles des gestes du quotidien comme faire du sport, monter à cheval ou même porter un jean moulant. « Physiquement, ça peut être très gênant pour la patiente. Et au niveau esthétique, ce n’est pas beau à voir », nous indique le gynécologue Abdelouahab Zizi. Les femmes qui cherchent ou ont recours à la nymphoplastie sont avares de témoignages, mais les langues se délient (un peu) sur Internet. Il y a les pragmatiques, comme Sam2310 qui demande simplement « où faire une nymphoplastie à Casablanca ? » et il y a celles qui optent pour la rhétorique, à l’image de Nabiloulette : « Je vous écris de la part d’une amie (je vous préviens tout de suite, ce problème ne me concerne pas et je vous demande d’être d’autant plus respectueux) qui se marie en septembre inchallah, elle est chaste et veut se faire réduire les petites lèvres.»
Réalisée sous anesthésie locale ou régionale, l’opération dure en moyenne une heure et la patiente quitte la clinique le jour même. « C’est une technique qui paraît simple, mais c’est un travail de finesse et de précision qui ne peut être réalisé que par des spécialistes expérimentés », prévient le Dr Zizi. Les séquelles d’une nymphoplastie ratée peuvent être lourdes : petites lèvres trouées, vilaines cicatrices, altération de la sensibilité… Et il faudrait attendre trois mois avant de tenter une autre opération.
Si certaines femmes décident de se faire réduire les nymphes par nécessité, d’autres le font par confort. « Il est vrai que dans certains cas c’est purement esthétique, et la meilleure façon de faire est de convaincre la patiente d’abandonner l’opération. Je n’interviens que lorsque je constate une gêne », explique le Dr Bensouda. Le chirurgien plastique traite jusqu’à trois patientes par mois : « Depuis 2014, la demande a significativement augmenté », poursuit-il avant de préciser qu’il faut compter entre 10 et 15 000 dirhams pour ce type d’intervention.
Redonner un coup de jeune à son sexe ne se limite pas à la nymphoplastie. Les spécialistes redoublent d’ingéniosité pour soutenir le marché de la plastique du vagin. C’est le cas avec le lipofilling des grandes lèvres. Photos à l’appui, Taleb Bensouda nous explique que « quand les grandes lèvres d’une patiente sont fripées, on peut leur injecter de la graisse ou de l’acide hyaluronique pour les raffermir». Toutefois, le chirurgien préconise l’injection de la propre graisse de la patiente, car « l’effet de l’acide hyaluronique est éphémère. Il dure entre neuf mois à une année, alors qu’avec la graisse, c’est pour toute une vie. » Pour un lipofilling fait dans les règles de l’art, il faut débourser jusqu’à 15 000 dirhams. Il y a aussi le lifting du mont de vénus, une manière de raffermir cette partie du corps. « Quand le pubis est flasque, on le retend. Surtout s’il y a une cicatrice de césarienne. Quand c’est un gros pubis, on fait une
liposculpture. Pour la première opération, il faut compter de 20 à 25 000 dirhams et pour la deuxième de 10 à 12 000 dirhams », explique le chirurgien plastique.
Le plaisir avant tout
Et il n’est pas question que d’esthétique. Pour accroître le plaisir sexuel, les chirurgiens opèrent l’orifice vaginal, le prépuce clitoridien et le point G. Si vous avez un prépuce du clitoris « épais et lourd » qui camoufle le clitoris, sachez qu’il est possible d’y remédier. En effet, une opération chirurgicale sur le prépuce peut être réalisée afin de mettre en évidence le clitoris. Comme des injections d’acide hyaluronique au point G, que les praticiens interrogés disent connaître, pour le mettre en évidence. Leur but est d’augmenter la sensibilité au cours d’un rapport sexuel. C’est l’opération la moins chère de la chirurgie intime (de 6 à 8000 dirhams). La vagino-plastie sert à raffermir un orifice vaginal relâché. « C’est une opération qui connaît une très forte demande, surtout de la part de femmes ayant accouché à plusieurs reprises et qui ne ressentent aucune sensation au cours de leurs rapports sexuels », nous précise le Dr Zizi. Le sexologue Aboubakr Harakat nous rappelle que « beaucoup de Marocains se plaignent de vagins larges, c’est d’ailleurs un motif de divorce. Je pense que quand c’est nécessaire, l’intervention est salutaire ». Taleb Bensouda préconise un examen de couple : « À plusieurs reprises, j’ai constaté que les vagins de mes patientes ne sont pas si relâchés que ça, que c’est plutôt les pénis de leurs maris qui sont petits ou fins. Pour cette raison, je tiens à les voir tous les deux ».
Quoi qu’il en soit, sur prescription médicale ou par coquetterie, la chirurgie plastique intime prend de plus en plus d’ampleur au Maroc. Dans cette quête à la plastique “parfaite”, Harakat prévient qu’« il faut savoir rester dans les limites de la nature» et le Dr Bensouda avertit qu’il faut se méfier du conditionnement par « les images pornographiques qui ont aussi déformé notre vision du sexe féminin. »
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