Fermeture de l'école Alfitra à Tanger: le directeur saisit la justice pour abus de pouvoir

L'académie régionale de Tanger a annoncé la fermeture immédiate de l'établissement privé Alfitra à Tanger. Le directeur de l'école proteste contre cette décision.

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Montage de soutient d'un des parents d'élève à l’École privée Alfitra menacée de fermeture.

« Non à la fermeture de l’école Alfitra ! ». Parents d’élèves et professeurs se mobilisent pour protester contre la fermeture de l’école privée Alfitra, située à Tanger dans le quartier d’Aïn Hayani près de Dradeb. L’académie régionale de l’éducation de Tanger-Tétouan a annoncé au directeur de l’établissement Abdelkarim Irbaiyne, mercredi 19 octobre, sa décision de fermer immédiatement de l’école.

Selon le communiqué de l’académie, quatre motifs principaux motivent cette interdiction : « l’exploitation de locaux pédagogiques sans autorisation », « l’absence de sécurité et de police d’assurance pour les élèves et le non respect des orientations officielles en matière de pédagogie ». Selon, Mohammed Aiwaj, directeur de l’AREF Tanger-Tétouan-Al Hoceima, des travaux d’agrandissement ont été entrepris dès 2013, sans autorisation : « Toute école a le droit d’ajouter un pavillon, mais elle doit nous fournir un dossier préliminaire de demande d’autorisation puis, une fois les travaux finis, un dossier disposant que l’agrandissement est en règle. Aucun de ces documents ne nous a été fourni ».

L’académie accuse également le directeur de ne pas respecter les programmes, et plus particulièrement d’avoir introduit des modules d’enseignement religieux en français, une modalité qui nécessite une autorisation particulière auprès des ministères de l’Éducation nationale et des Affaires islamiques. Mohammed Aiwaj affirme, par ailleurs, que la séparation des filles et des garçons dès la troisième année du primaire est « contraire à notre idée de l’école marocaine mixte » : « Il y a quelques exceptions, bien sûr, pour les écoles islamiques par exemple. Mais dans ce cas là, l’école Alfitra dépend de notre direction d’académie ».

Le directeur de l’école, Abdelkarim Irbaiyne, un marocain né en France revenu au Maroc pour fonder cette école en 2010, dénonce « l’abus de pouvoir exercé par les autorités régionales ». Selon lui, les membres de l’académie régionale seraient venus lui annoncer la fermeture de l’établissement dès le lundi « à l’improviste et sans avis écrit », explique-t-il, affirmant avoir été « très surpris par l’annonce » : « C’est un peu comme si des policiers étaient rentrés sur une scène de crime pour trouver des preuves alors qu’il n’y a pas de crime ! ». Il décide donc d’introduire deux recours en justice : le premier, en référé, pour arrêt d’une décision administrative (première audience prévue le 28 octobre), le second en annulation d’une décision administrative pour abus de pouvoir (l’audience a été fixée le 4 novembre).

Le directeur de l’académie affirme au contraire avoir été « très patient et concilient ». Selon lui, le directeur de l’école a reçu trois avertissements depuis le début des travaux : « La commission d’inspection s’est réunie à trois reprise depuis 2013. Dès le début, ces fautes étaient pointées du doigt ». Selon le directeur de l’académie, les efforts d’Abdelkarim Irbaiyne n’ont « pas été suffisants » et les autorités ont pris la décision de fermer définitivement l’école.

Si le directeur de l’école conteste le retrait d’autorisation, il reconnaît aussi certains de ses torts : « C’est vrai l’école, autorisée à recevoir 140 élèves, en compte 217 ». Mais il s’en justifie : « Nous avons commencé des travaux en 2013 pour agrandir l’école. La demande d’autorisation a été déposée mais le processus a été retardé car nous étions en procès avec un voisin qui a porté plainte contre l’établissement à cause du bruit ». En ce qui concerne les modules d’enseignement religieux en français, le directeur continue de se défendre : « La plupart de nos élèves sont binationaux. On a donc mis en place un planning des fêtes religieuses de l’islam pour expliquer les grands événements nationaux, comme la Marche verte, à tous nos élèves de manière égale ». Un module qui existait déjà en 2012 lorsque l’école est homologuée.

En attendant la décision de justice, l’école continue de recevoir les élèves « dans l’illégalité, car le jugement n’est pas suspensif », explique le directeur de l’académie. « Il a refusé de s’adapter et maintenant il refuse de remettre les dossiers des élèves », poursuit la même source. Si la justice valide la décision de retrait d’autorisation, l’école devra définitivement fermer ses portes.

L’académie régionale a déjà proposé aux parents d’élèves de placer leurs enfants « dans n’importe quelle école privée ou publique de Tanger » explique Mohammed Aiwaj. Mais si « un peu plus d’une dizaine de parents ont accepté, continue-t-il, la majorité parents d’élèves ont refusé, expliquant que cette école a des spécificités inexistantes ailleurs ». Par exemple ? l’accueil des enfants en situation de handicap ou encore l’absence de notation.

Ces parents continuent de se mobiliser contre ce qu’ils considèrent eux aussi comme étant une « fermeture abusive »La pétition en ligne a déjà recueilli presque 1 800 signatures. À cette mobilisation s’ajoute celle des nombreux MRE, dont les enfants sont inscrits dans l’école. Certains d’entre eux ont décidé d’interpeller le consulat marocain de leurs pays de résidence.

 

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