Vers une alternative écologique aux hammams traditionnels ?

Dans le cadre du programme « Hammams durables », cinq établissements traditionnels ont été rénovés pour répondre aux nouveaux enjeux environnementaux.

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Crédit: Flickr/travelwayoflife

« Au Maroc, les hammams c’est comme le pain. On ne peut pas vivre sans ! » lance Khadija Kadiri, vice-présidente de l’association Attadamoune des propriétaires des hammams traditionnels. Son hammam est l’un des cinq à avoir été sélectionnés pour participer au programme « Hammams durables », lancé par l’association GERES et l’ONG marocaine EnSEn qui présentaient ce jeudi à la COP22 les résultats de la phase pilote du projet. Depuis le lancement de ce programme, en 2014, cinq établissements (deux à Casablanca, un à Marrakech, un à Rabat et un à Fès) ont été entièrement rénovés.

Les hammams, dont le nombre est estimé à plus de 10 000 à travers le pays, figurent parmi les plus gros consommateurs de bois-énergie et d’eau au Maroc. « On estime qu’un établissement consomme une tonne à une tonne et demi de bois par jour » explique la présidente de l’ONG marocaine EnSEn, Asmae Arbaoui. Un chiffre qui double, voire qui triple pendant l’hiver. « Les hammams émettent 2 à 5 millions de tonnes de CO2 par an, soit 4 et 9 % des émissions totales du Maroc » précise la présidente.

Même chose pour la consommation en eau. Les experts estiment que chaque établissement consomme 10 à 30 m3 par jour. Un chiffre pouvant grimper jusqu’à 120 m3 selon la taille et la fréquentation du lieu. Il faut ajouter à cela le gaspillage de l’eau, « puisée dans la majorité des cas gratuitement dans la nappe phréatique par les propriétaires des hammams » précise la présidente. La vétusté des installations thermiques ou encore les émissions de polluants restent nocifs pour la santé.

Pour limiter l’utilisation du bois, les établissements ont donc investi, dans le cadre du programme, dans le préchauffage solaire et les chaudières biomasses. « L’idée est de remplacer le bois par des noyaux d’olives ou des coques de noix par exemple. À terme, il ne faudrait plus du tout utiliser du bois », affirme Guillaume Bastard, directeur Europe-Méditerranée du GERES. Des méthodes qui ont déjà porté leurs fruits, affirme Khadija Kadiri : « Avec le préchauffage solaire, j’ai fait une économie d’énergie de 20 à 30 %. Je suis passée d’une tonne de bois par jour à 400 kilogrammes ». En moyenne, sur les cinq établissements rénovés, la dépense en énergie par jour est passée de 525 dirhams à 200 dirhams. Une victoire pour le responsable GERES qui affirme : « Avec ces cinq établissements rénovés seulement, on va réaliser une économie de 400 tonnes de CO2 en un an et 6 000 en 15 ans. »

Le projet est financé par le Fonds français pour l’environnement mondial, qui propose aux professionnels sélectionnés un prêt à taux zéro. « Le montant des rénovations va de 60 000 dirhams à 1 million de dirhams en fonction de l’établissement » explique Guillaume Bastard. Car si le travail de sensibilisation des propriétaires aux nouveaux enjeux environnementaux est en marche, il faut maintenant généraliser ce processus de mise en conformité écologique au niveau national, explique Romain Cres, chef de programme ECODEV de GERES : « Avec le programme, on a vraiment pris les propriétaires par la main. On les a aidés à identifier les problèmes, à s’équiper, à se financer (…) Maintenant, il faut trouver un système qui soit plus pérenne. »

Or, du point de vue financier, les banquiers sont encore très réticents à l’idée d’accorder des prêts aux propriétaires de hammams : « Bien que ce secteur ait créé de la richesse, il reste basé sur une économie informelle qui n’est pas du tout rassurante pour les banques » analyse Romain Cres. C’est pourquoi l’équipe a eu l’idée de fonder une société de services énergétiques, qui investirait à la place du propriétaire : « La société, contrairement au propriétaire, sera plus rassurante pour les potentiels financeurs et pourra séduire des banques de développement ou des investisseurs étrangers par exemple », continue Romain Cres.

Toujours dans cette optique de généralisation du processus, le ministère de l’Artisanat avait annoncé, il y a quelques mois, le lancement d’une grande campagne de labellisation « Hammams marocains », qui devait accorder la certification à une dizaine de hammams dans cinq grandes villes marocaines. Plus que la simple mise en conformation aux normes environnementales, le label prévoit aussi de récompenser la sécurité, la qualité des services ou encore la sauvegarde du patrimoine. L’ouverture des plis pour l’obtention de ce label, qui devait se dérouler fin septembre, n’a toujours pas eu lieu. Pour Khadija Kadiri, membre de la commission chargée de la mission, il s’agit simplement d’un léger retard : « Le cahier des charges a été rendu et validé. Maintenant, il faut que les experts qui décerneront les labels suivent une formation. L’ouverture des plis devrait avoir lieu, je l’espère, après la COP22. »

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