Les « coups de filet » des autorités marocaines contre les réseaux jihadistes sont récurrents. Une étude du centre de lutte contre le terrorisme de l’Académie militaire américaine West Point a permis de revenir sur l’évolution du profil de ces combattants, entre ceux qui sont partis rejoindre les rangs d’Al-Qaïda en 2006-2007 et ceux qui ont rallié l’organisation État islamique (EI) en 2011 – 2014.
Les premiers fichiers récupérés par l’armée américaine viennent de Sinjar, en Irak. Ils listent les 584 combattants étrangers qui ont rejoint Al-Qaïda entre 2006 et 2007. Les autres, sont 4 119 archives personnelles sur les soldats de l’EI qui avaient été dévoilées à la chaîne américaine NBC. Même si la différence de période analysée limite la comparaison, le centre précise qu’elle reste pertinente car les deux fichiers présentent des informations détaillées sur les recrues. Noms, surnoms, adresse, numéro de téléphone, date de naissance, profession, préférence de type de combat, date et lieu d’entrée. Autant de données à comparer qui donnent une image plus précise des recrues.
L’organisation État islamique, quant à elle, brasse plus large, autant dans le nombre de recrues que dans les profils et les pays touchés. Alors que la grande majorité des combattants qui ont rejoint Al-Qaïda venaient de Libye ou d’Arabie saoudite, l’EI attire des combattants de pays bien plus divers, jusqu’en Europe et en Asie. Dans les deux listes, le Maroc est bien présent.
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Des âges qui se diversifient
L’EI a réussi à attirer des recrues qui ont des âges bien plus étalés que celles qui ont rejoint Al-Qaïda. « En plus des centaines des recrues jeunes et inexpérimentées, le groupe d’Abu Bakr al-Baghdadi a attiré des personnes avec plus d’expérience, plus de compétences et des vies plus stables et établies », explique le rapport.
Au Maroc, les âges des recrues de l’EI varient de 16 à 54 ans, contre 17 à 34 ans pour celles d’Al-Qaïda. Pourtant, si l’EI attire plus de gens expérimentés, il attire aussi plus de jeunes. 10 % des combattants de l’EI ont moins de 18, contre 3 % dans les rangs d’Al-Qaïda.
Des villes d’origine plus nombreuses
Au Maroc, il y a eu un changement radical dans les foyers de recrutement. En 2006-2007, les trente-six combattants partis à Sinjar venaient seulement de quatre villes du Maroc. « Casablanca, ville la plus peuplée, était la plus grand contributrice de combattants pour Al Qaïda, avec 65 % des combattants », rapporte l’étude. Les autres venaient, pour la plupart, de la région de Tanger-Tétouan.
Mais la capitale économique ne fournit qu’à l’EI que 45 % des combattants. Fès devient le nouveau foyer des jihadistes avec 15 % des 254 combattants qui, au total, viennent de treize villes différentes.
Fès est, d’ailleurs, la ville d’origine du cerveau des attentats de 2003. La précarité, le manque d’opportunités, le faible niveau d’éducation sont les raisons évoquées par le centre pour expliquer le boom du radicalisme politique.
Les bonnes routes et les aéroports internationaux développés dans les régions pour attirer les touristes et qui facilitent le déplacement des jihadistes constituent l’une des raisons mentionnées par le centre. L’autre raison serait la forte activité policière marocaine de contre-terrorisme suite aux attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, en plus de la tentative de bombes ratée dans la grande ville en 2007.
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« La région de Tanger-Tétouan dans le nord du Maroc est aussi connue pour avoir une histoire du radicalisme. La région est probablement influencée par le manque d’opportunités économique, un accès facile à l’Europe et la familiarité avec les organisations criminelles et clandestines », détaille le rapport. Onze des vingt-sept individus impliqués dans les attentats de Madrid de 2004 étaient d’ailleurs issus de cette région.
Préférence pour le suicide à la bombe
Dans les fiches à remplir des groupes terroristes, les recrues doivent préciser leur préférence de combat, à côté de leur date de naissance et leur profession d’origine. Le Maroc est alors le pays dont le plus de recrues d’Al-Qaïda choisissent de s’engager comme kamikazes. Sur les 24 combattants de 2006, 22 sont kamikazes soit 91,7 %.
Pour l’État islamique, le Maroc tombe à la sixième place, derrière le Pakistan, le Liban la Libye, les Pays-Bas et le Koweït. Très peu de pays apparaissent sur les deux listes des pays fournisseurs de kamikazes, le Maroc en fait partie avec la Libye et l’Arabie saoudite. « Il y a donc une cohérence des recrues de ces nations à la volonté de servir comme kamikaze à travers les années », conclut le rapport.
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