A Rabat, le Maroc célèbre une "année charnière" pour l’intégration africaine

Le ministère des Affaires étrangères a convié une importante délégation d'officiels et d'ambassadeurs africains à célébrer "la journée de l’Afrique". Une occasion pour Nasser Bourita de rappeler les principes guidant la diplomatie marocaine sur le continent.

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Crédit: AIC Presse

Le 8 juin, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération célébrait la « journée de l’Afrique « . L’événement était voulu pour marquer l' »année charnière » pour le Maroc sur le continent, selon Nasser Bourita. Le ministre des Affaires étrangères a profité de l’occasion pour rappeler, devant un parterre de diplomates africains et le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, les principaux axes de la diplomatie chérifienne sur le continent.

S’exprimant d’abord en arabe, le ministre a affirmé que la politique africaine du royaume « n’est plus confinée à une seule sous-région« , tout en rappelant que le roi Mohammed VI s’est « rendu pour la première fois dans huit pays, dont quatre en Afrique de l’Est (Éthiopie, Tanzanie, Rwanda, Soudan du Sud), deux en Afrique australe (Madagascar et Zambie) et deux en Afrique de l’Ouest (Nigeria et Ghana) ».

Diplomatie multidimensionnelle

Nasser Bourita a mis en avant les différentes dimensions de la politique marocaine en Afrique. La première mentionnée était la dimension « diplomatique » à travers laquelle le Maroc a mené une « politique du spectre complet pour la paix et le développement« . Pour illustrer cette dimension, Nasser Bourita a notamment affirmé que le Maroc agissait dans tous les cycles des conflits à savoir la « prévention à travers le développement, la gestion des crises, le maintien et la consolidation de la paix« . Le Maroc est notamment engagé dans des opérations de maintien de la paix dans huit pays africains parmi lesquels le Mali, la Centrafrique, l’Angola ou encore la Somalie.

La politique marocaine en Afrique inclut également une dimension militaire et sécuritaire, rappelle le ministre des Affaires étrangères, qui a affirmé que le Maroc procédait au « partage et à l’ échange de renseignements » avec ses partenaires sur le continent, et déployait des « équipes pour assister et orienter les services locaux« . Selon Nasser Bourita, le royaume assure également « la formation et l’initiation aux techniques de renseignements » d’autres services de renseignements africains, tout en mettant à leur disposition des « moyens logistiques et l’organisation d’exercices et de programmes opérationnels« .

À ces deux dimensions, viennent s’ajouter la dimension économique, illustrée par l’engagement des opérateurs économiques marocains sur le continent, ainsi que la dimension humaine. Une dimension qui se reflète, selon Nasser Bourita, par la volonté du Maroc d’inclure des pays africains dans « des projets spécifiques pour la jeunesse » comme des centres de formation professionnelle ou encore la promotion de l’entrepreneuriat pour les jeunes et le sport.

La diplomatie marocaine repose également, selon le ministre, sur une dimension spirituelle et cultuelle passant par « la formation des imams et mourchidates« , ou encore la construction de mosquées en Côte d’Ivoire, en Tanzanie, en Guinée ainsi qu’au Tchad. Dernière dimension de la politique marocaine en Afrique, la dimension multilatérale. Celle-ci s’exprime notamment à travers la présidence marocaine de la COP 22, celle du Forum global de lutte contre le terrorisme ou encore la coprésidence du Forum global pour la migration.

Amplifier le volet bilatéral

Le ministre a rappelé que dans le cadre de sa diplomatie continentale, le Maroc a lancé plusieurs projets régionaux « à fort impact socioéconomique« . Pour illustrer son propos, Nasser Bourita a mentionné le gazoduc atlantique Maroc-Nigeria, ainsi que la construction d’usines d’engrais en Éthiopie et au Nigeria. Il a également cité le réaménagement de la baie de Cocody, en Côte d’Ivoire, celui du Canal de Pangalanes à Madagascar, et a évoqué la construction de villes nouvelles au Soudan du Sud et en Guinée.

Nasser Bourita n’a pas manqué d’évoquer le « volet institutionnel » avec les adhésions du Maroc à l’UA et à la Cédéao. Évoquant le retour du Maroc à l’organisation panafricaine, le ministre a déclaré que celle-ci avait pour but d' »amplifier l’engagement bilatéral » du Maroc tout en donnant plus de force à la coopération sectorielle au niveau continental.

Au sujet de l’adhésion à la Cédéao, Nasser Bourita a déclaré que l’organisation était un « espace d’appartenance naturel » du Maroc. Pour le ministre, l’accord de principe concernant l’adhésion du royaume à cette communauté ouvre la voie « à une insertion harmonieuse » du Maroc. Nasser Bourita a également assuré que le royaume s’inscrivait dans une logique de « codéveloppement » et de « solidarité active » et non pas de « marché » et de « profit« .

Refonte des institutions

S’exprimant ensuite en français, afin de « s’adresser aux diplomates africains« , le ministre a affirmé que la « paix reste le défi lancinant du continent« . Il a ensuite insisté sur l’importance « de travailler de manière plus décisive pour le règlement des conflits artificiels, savamment entretenus et qui hypothèquent la marche vers l’unité du continent« . Un discours qui n’est pas sans rappeler le discours officiel au sujet du conflit du Sahara qui n’a toutefois pas été mentionné de manière explicite par le ministre.

Bourita a appelé à « un plus grand usage de la coopération sud-sud » afin de relever le « défi » du développement de l’Afrique. Pour lui, la réalisation de ce défi doit s’appuyer sur les notions de « concret et de pragmatisme« . S’adressant toujours aux diplomates africains, le ministre a affirmé que le « redressement de l’Afrique » passe par une refonte des « institutions continentales » permettant « une plus grande efficacité » et « une rationalisation de l’organisation panafricaine« .

Cap à l’ouest

Le chef du gouvernement, Saad Eddine El Ohtmani. Crédit: AIC Presse
Le chef du gouvernement, Saad Eddine El Ohtmani. Crédit: AIC Presse

À l’issue du discours prononcé par Nasser Bourita, c’est le Chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani qui a pris la parole. Une intervntion qui ne figurait pas au programme de l’événement auquel ont également pris part le ministre du Tourisme, Mohamed Sajid ainsi que sa secrétaire d’État Lamia Boutaleb, le ministre délégué aux Affaires de la migration, Abdelkrim Benatiq et la secrétaire d’État aux Affaires étrangères Mounia Boucetta. Lors de son discours, le chef du gouvernement a rappelé que le Maroc célébrait cette journée de l’Afrique « alors qu’il n’était pas encore membre de l’UA » et a également évoqué le fait que le fondateur du PJD, Abdelkrim El Khatib, est à ce jour le seul ministre d’État chargé des Affaires africaines que le Maroc ait connu.

Les membres du gouvernement présents lors de cet événement ont ensuite visité le hall du ministère des Affaires étrangères qui abritait une exposition de photos prises par le photographe Hassan Maradji, et illustrant les rencontres diplomatiques africaines des rois Mohammed V, Hassan II et Mohammed VI.

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À l’issue de cette inauguration, le ministre des Affaires étrangères a tenu un point de presse lors duquel il est revenu sur l’accord de principe relatif à l’adhésion du Maroc à la Cédéao. Il a indiqué que cet accord constituait la première des trois étapes vers l’adhésion complète du Maroc. La seconde étant celle de l' »adaptation juridique« , et la dernière portant sur les « discussions techniques« . Interrogé sur le fait que le Maroc n’est pas considéré comme un pays d’Afrique de l’Ouest, le ministre a affirmé que le royaume était « plus occidental » que certains pays membres de la Cédéao rappelant que le nom du Maroc fait référence à « Maghrib Al Aqsa » ce qui signifie l’occident le plus lointain. Pour rappel, le royaume pourrait sceller son adhésion à l’organisation sous-régionale ouest-africaine lors du prochain sommet qui se tiendra à Lomé en décembre. Entre temps, le prochain sommet de l’UA devrait se tenir au mois de juillet à Addis-Abeba.

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