Abdellah El Fergui: "Pour le PLF 2018, nous proposons une loi d'amnistie pour les TPE-PME en faillite"

Alors que les négociations et discussions commencent en vue du projet de loi de finances 2018 entre le gouvernement et la CGEM, les TPE-PME ont leurs propres revendications. Interview avec Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des TPE-PME.

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Abdellah El Fergui, président de la Confédération des TPE-PME / LinkedIn

Abdellah El Fergui a rencontré pour la dernière fois le chef de gouvernement le 16 juillet dernier. Depuis, malgré la promesse d’organisation une journée d’étude avec les départements partenaires pour dégager les solutions et mesures à intégrer dans le projet de loi des finances 2018 (PLF), le président de la Confédération marocaine des TPE-PME n’a pas encore reçu de date précise pour ces entretiens. « Nous avons aussi adressé deux demandes de réunion avec le ministre M. Boussaid, sans aucun retour. Il ne voit pas l’intérêt des PME et c’est grave quand on sait que plus de 95% de l’économie marocaine provient des TPE et PME« , s’indigne Abdellah El Fergui. Il rappelle les chiffres prouvant l’importance de ce secteur, pourtant en crise, avant de proposer une série de mesures qu’il aimerait voir se concrétiser dans la prochaine loi de finances.

Telquel.ma: Vous parlez de crise des TPE-PME qui sont en faillite. Comment y répondre ?

Abdellah El Fergui:  Les TPE-PME emploient 4 millions de personnes au Maroc, ce sont les premiers employeurs du royaume. Pourtant, elles sont très nombreuses à être en faillite. Les trois premiers mois 2017, elles étaient déjà 3 800. Sur l’année 2016, elles étaient 7 000, en plus des 23 000 menacées de faillite. En 2015, elles n’étaient que 5 183. Entre 2009 et 2015, les taux de faillite ont augmenté de 16 %. De nombreuses petites entreprises font faillite car elles paient les impôts et la CNSS en retard et ont des chèques impayés. Nous avons alors proposé au gouvernement une loi d’amnistie au niveau de la Direction générale des impôts (DGI) et de la CNSS dans le PLF 2018, pour les TPE-PME en faillite ou en voie de faillite.

Les délais de paiement est l’un des fardeaux pour les TPE-PME, qui les mène à la faillite. Comment résoudre ce problème ?

Il faudrait absolument que les administrations gouvernementales donnent l’exemple, alors que dans les faits ce sont eux les mauvais payeurs. Les TPE n’ont pas l’assiette financière suffisante pour supporter un retard de paiement d’un an… Car c’est bien plus d’un an qu’attendent certaines PME après avoir terminé leurs travaux ou leurs marchés pour être payées. Nous avons une administration trop archaïques sur le déblocage des fonds de paiement. Par exemple, une TPE nous a contacté car elle attendait des paiements. La cause ? Les comptables étaient partis en vacances à l’étranger. Il faut institutionnaliser le système de paiement. Il faut une loi qui exige de l’administration qu’elle paie et instaurer un fonds pour rembourser toutes les entreprises non payées.

Lire aussi : Coface: L’augmentation des délais et retard de paiement freinent les investissements

Comment faire face au problème de financement des TPE-PME ?

Il faut que le gouvernement augmente le plafond des micro-crédits accordés aux entreprises, pour qu’ils passent de 50 000 dirhams à 100 ou 150 000 dirhams. Les taux de ces micro-crédits doivent aussi être diminués. Pour cela, il faut sensibiliser la banque centrale sur le non financement des TPE. Nous avons parlé de créer une banque d’Etat, comme cela se fait ailleurs, pour financer les TPE. Les banques privées ne veulent pas le faire. Elles sont de plus en plus intéressées par les TPE-PME, mais elles demandent des garanties. C’est le cas même d’une TPE qui fait un chiffre d’affaires de 4 millions de dirhams, lorsqu’elle a recours à sa banque pour un fond de roulement de 100 000 dirhams. Ce n’est pas normal. Nous proposons aussi de créer une société dédiée au fonctionnement mutuel, pour résoudre la question des garanties. Enfin, le gouvernement doit aussi répondre au problème du foncier. Les TPE n’ont pas les moyens de se procurer des terrains industriels inadaptés, car trop grands et trop chers, que ce soit dans les grandes ou petites villes.

La CGEM propose une exonération de l’IS pour les PME créées entre le 1er janvier 2018 et 31 décembre 2020, conditionnée par la création de 2 emplois. Qu’en pensez-vous ?

On ne peut pas demander à une entreprise de créer deux emplois pour avoir une exonération d’impôt sur les sociétés. Créer des postes dépend de l’activité, du secteur et de l’encouragement de l’Etat. Cette exonération ne doit pas être dépendante du nombre d’emplois créés.

Concernant la lutte contre l’informel, la CGEM dit que cette dernière marque le pas. Que constatez-vous de votre côté ?

La loi dispose déjà du statut d’auto-entrepreneur pour combattre l’informel. Malheureusement, le problème se trouve au niveau de l’application. Une personne travaillant dans l’informel pendant 6 ans peut recevoir sa carte d’auto-entrepreneur, mais reçoit dès le lendemain un SMS de la DGI l’invitant à payer ses impôts. C’est illogique puisqu’il n’a pas les fonds. Nous demandons à ce qu’il y ait un différé de trois ou cinq ans pour les auto-entrepreneurs. Certains sont venus vers nous, pour finalement retourner vers l’informel.

Le problème vient aussi des administrations qui ne connaissent pas le statut d’auto-entrepreneur. Ces derniers n’ont aucun interlocuteur ni aucun accompagnement une fois qu’ils reçoivent leur carte. L’agence nationale de promotion de la PME, MarocPME, a été chargé de ce programme en 2013, mais tout en gardant le même budget, la même administration et le même personnel d’une centaine d’employés. Nous proposons alors la création d’une administration dédiée à ce nouveau statut d’auto-entrepreneurs, et cela doit passer par une loi.

Avez-vous des propositions en ce qui concerne la fiscalité des TPE-PME ?

Dernièrement, la DGI a rédigé un décret qui permet la révision des impôts des TPE sur dix ans d’archives. Avec une amende de 50 000 dirhams à la clé si elles n’ont pas les documents nécessaires. Mais ces petites entreprises n’auront jamais tous ces documents. Imaginez un plombier ou un électricien avec un local de seulement quelques mètres carrés. Il n’a pas la place d’archiver tous ces documents. D’autre part, il faut revoir la fiscalité pour les auto-entrepreneurs. Ils sont fixés à 1% du chiffre d’affaires pour les commerçants et 2% pour le service. Nous proposons un impôt à taux fixe pour les entrepreneurs, sachant qu’il y a un plafond de 500 000 dirhams de CA pour les commerçants et 200 000 pour les services avant de devenir une TPE.

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