Yémen: l'ex-président Saleh a été tué, selon les rebelles houthis

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L'ancien chef d'État est resté 33 ans au pouvoir, avant d'en être déchu en février 2012 (Muhammed Huwais, AFP)

L’ancien président yéménite Ali Abdallah Saleh a été tué, ont déclaré lundi les rebelles Houthis, quelques jours après la rupture de l’alliance entre ces deux camps rebelles. Des affrontements meurtriers ont éclaté dans la capitale Sanaa.

La mort de l’ex-président yéménite, 75 ans, pourrait constituer un tournant majeur dans le conflit qui ensanglante le pays depuis son départ du pouvoir, en 2012. Au centre de la « pire crise humanitaire au monde », selon l’ONU, la guerre au Yémen avive les tensions régionales autour de la rivalité entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite, accusé par Ryad de soutenir militairement les rebelles Houthis – ce qu’il réfute.

« Le ministère de l’Intérieur (contrôlé par les Houthis) annonce la fin de la milice de la trahison et la mort de son chef (Ali Abdallah Saleh), ainsi qu’un certain nombre de ses éléments criminels », a affirmé la chaîne de télévision des Houthis, Al-Massirah, citant un communiqué.

À ce stade, son décès et les circonstances de cette mort n’ont pu être confirmés de manière indépendante. Une vidéo, remise à un journaliste de l’AFP par les rebelles Houthis, montre le cadavre de ce qui semble être l’ancien président Saleh.

Cette annonce intervient alors que M. Saleh et les rebelles chiites Houthis ont vu leur alliance, scellée il y a trois ans, voler en éclat au cours de la semaine écoulée. Des combats font rage depuis mercredi dans la capitale Sanaa, que les deux parties rebelles contrôlent conjointement depuis 2014, au détriment du gouvernement internationalement reconnu d’Abd Rabbo Mansour Hadi réfugié à Aden, dans le sud. Ils avaient fait jusqu’à lundi matin au moins 100 morts et blessés – des combattants mais aussi des civils – d’après des sources sécuritaires et hospitalières.

Dans un développement spectaculaire, Ali Abdallah Saleh avait même, samedi, tendu la main à l’Arabie saoudite, proposant à Ryad de « tourner la page » en échange d’une levée du blocus qui étrangle la population. Les Houthis avaient dénoncé une « grande trahison ».

Une opération en cours pour reprendre Sanaa

Face à la fin de l’alliance rebelle, l’actuel président Hadi a de son côté « donné pour ordre à son vice-président Ali Mohsen al-Ahmar, qui se trouve à Marib (100 km à l’est de Sanaa), d’activer la marche (…) vers la capitale », a annoncé lundi un membre de son entourage. Baptisée « Sanaa l’Arabe », l’opération – à l’issue plus qu’incertaine – consisterait, selon le membre de l’entourage de M. Hadi, à prendre la capitale en tenailles sur plusieurs fronts, notamment à l’est et au nord-est.

Selon des sources militaires loyalistes à Marib, sept bataillons ont reçu l’ordre de marcher sur Sanaa via le front est. Outre le soutien de la coalition sous commandement saoudien, les militaires loyalistes se sont assurés l’appui des tribus de Khawlane, qui contrôlent l’est de Sanaa, ont ajouté les mêmes sources.

Afin d’affaiblir les Houthis, le gouvernement Hadi a dans le même temps annoncé sa volonté d’offrir une amnistie à tous ceux qui cessent de collaborer avec ces rebelles. M. Hadi « proposera prochainement une amnistie générale à tous ceux qui ont collaboré avec les Houthis et décidé de se rétracter », a déclaré le Premier ministre Ahmed ben Dagher à Aden, la grande ville du sud, sous contrôle du gouvernement reconnu internationalement. Cependant, à Sanaa, les Houthis donnaient l’impression lundi de prendre le dessus sur les forces de M. Saleh, selon des journalistes présents sur place.

Le reste du pays également touché

La guerre au Yémen a fait plus de 8.750 morts depuis l’intervention de l’Arabie saoudite et de ses alliés, en mars 2015. Le pays est aujourd’hui confronté à la « pire crise humanitaire du monde », selon l’ONU. Les derniers développements font craindre des risques encore accrus pour la population, notamment à Sanaa: non seulement des affrontements entre rebelles se poursuivent, mais la capitale a été secouée dans la nuit de dimanche à lundi par des raids aériens.

Lundi, la coalition sous commandement saoudien a demandé aux civils de se tenir à « plus de 500 mètres » des zones contrôlées par les Houthis, a rapporté la chaîne de télévision saoudienne Al-Ekhbariya. Ceci laisse supposer une intensification des raids sur Sanaa. Les derniers en date auraient visé dans la nuit des cibles proches de l’aéroport international et du ministère de l’Intérieur, tous deux sous contrôle des Houthis, d’après des habitants et une source aéroportuaire. Cette dernière a affirmé que des bases rebelles proches avaient été ciblées, mais l’aéroport lui-même n’a pas été visé.

Parallèlement, d’après des habitants, les combats qui ont éclaté entre factions rivales de la rébellion se sont étendus hors de la capitale. Des sources tribales à Sanhan, ville natale de l’ancien président Saleh, au sud de Sanaa, ont indiqué que des violents combats avaient opposé les deux camps, dans la nuit de dimanche à lundi.

Après plus de trente années de règne sur le Yémen, Ali Abdallah Saleh avait été contraint de céder le pouvoir à M. Hadi en février 2012, dans le sillage du Printemps arabe. Il avait scellé deux ans plus tard une alliance avec les Houthis, issus de la minorité zaïdite – une branche du chiisme – après les avoir longtemps combattus.

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