« Prends ton envol!« , c’est le slogan du premier webzine de voyage féminin au Maroc lancé par Nadia Stoti et Houda Chaloun le 15 décembre. Le site est la déclinaison du groupe Facebook « Les Voyageuses » qui compte aujourd’hui près de 120.000 abonnés. À travers ce projet, les deux globe-trotteuses invitent les Marocaines non seulement à oser réaliser leurs rêves de voyage, mais surtout à s’émanciper. Entretien.
Telquel.ma: Comment est né le projet ?
Nadia Stoti : En 2014, nous sommes parties en tour du monde à quelques mois d’intervalle. À l’époque nous ne nous connaissions pas vraiment. Nous nous suivions juste sur les réseaux sociaux, car on faisait le même type de voyage. Après notre tour du monde, on s’est rencontrées en décembre 2016 au Maroc. On s’est raconté nos aventures et on a voulu donner à notre expérience une dimension plus globale. En fait, on voulait partager nos expériences et nos conseils avec le plus de monde possible. C’est là que l’idée du webzine est arrivée.
Houda Chaloun: Moi j’avais déjà lancé le groupe Facebook « Les Voyageuses » quelque temps avant, en juin 2016. L’idée était déjà de créer un lieu de partage pour les voyageuses en tout genre et plus seulement les blogueuses connues qui font des voyages incroyables, car elles en ont les moyens. Je voulais créer un espace de discussion qui parlerait à toutes les voyageuses, de la petite voyageuse du dimanche à la globe-trotteuse! Le groupe est ensuite devenu la plus grosse communauté de voyage féminin au Maroc. Créer notre webzine à partir de cette communauté allait donc de soi.
C’est quoi l’idée ?
N.S : L’idée, comme le disait Houda, est de donner la parole à des femmes de tous horizons et couches sociales. Car il y a des tas de profils de voyageuses: en solo, en couple, en famille… Il y a aussi des voyageuses handicapées.
Ce ne sont pas nos histoires personnelles que l’on va raconter, mais celles de toutes. On veut que tout le monde s’identifie à ce webzine et que les femmes comprennent que voyager ce n’est pas seulement pour les « femmes d’exception », tout le monde peut le faire.
On parle beaucoup de voyage, mais on parle en fait de l’émancipation de la femme marocaine et africaine à travers le voyage. Car le voyage est un moyen de se découvrir, de sortir sa zone de confiance et d’apprendre autre chose. Donc de s’émanciper. En fait, ce qu’on dit aux femmes ce n’est pas vraiment de voyager, mais plutôt de réaliser leur rêve, quel qu’il soit. De prendre leur envol!
Quel est le modèle de financement du site ?
N.S : Le magazine sera en grande partie financé par la publicité ciblée autour du tourisme et du voyage. On a aussi, parallèlement à ce projet, lancé une agence de communication spécialisée dans le voyage.
L’idée est d’aider les agences à revoir leur stratégie de communication. Mais on tient à ce que la publicité qui sera diffusée sur le site soit en accord avec notre ligne et notre façon de voir le voyage.
Pour ce qui est des collaboratrices, on en a une dizaine aujourd’hui. Ce sont des filles que nous avons ciblées parmi les membres de la communauté. Nous avons choisi les plus passionnées et celles qui avaient une bonne plume.
On a ensuite vu avec elles les sujets ou idées innovantes que l’on pouvait traiter. Nous allons bientôt lancer un appel à candidatures pour recruter des collaboratrices et chroniqueuses. Comme nous, elles sont pour l’instant bénévoles
Quelle est votre expérience personnelle respective?
H.C : En 2014, j’ai pris une année sabbatique pour effectuer un tour du monde. J’ai visité l’Amérique latine, puis je suis revenue au Maroc pour démissionner de mon poste d’ingénieure en informatique et repartir en voyage. Je suis ensuite allée m’installer dans une communauté spirituelle au Brésil.
Là, je reviens juste de quelques mois en Turquie et en Iran. Je voyage toujours en solo et je fais beaucoup de volontariat. Pour moi, le voyage est un cheminement intérieur et initiatique. Cela a vraiment été un facteur d’émancipation. Et avant même de partir en voyage quand on est dans les préparatifs, on prend conscience de notre rapport au matériel et à l’argent.
Voyager c’est vivre dans le changement perpétuel. On apprend à se détacher émotionnellement et à être davantage dans la gratitude lorsqu’on rencontre l’autre. J’ai dépassé beaucoup de peurs grâce au voyage.
N.S : Moi je n’ai pas voyagé en solo, mais en couple. En avril 2014, on a tout quitté mon mari et moi. Je bossais moi aussi comme ingénieure en informatique, dans une agence de pub multinationale à Montréal au Canada. Nous avons vendu toutes nos affaires, puis on a tout laissé.
Au début on partait juste pour une année de voyage en sac à dos, mais finalement… on n’est jamais rentrés. Et on est devenus ce que l’on appelle des nomades digitaux. La deuxième année, on a commencé à travailler pour financer nos voyages. Moi je faisais du marketing digital auprès des auberges et des hôtels et mon mari créait des sites web.
On gagnait peu, mais l’idée était surtout de pouvoir continuer à voyager et de vivre au rythme des populations locales. Par exemple, en deux ans et demi, on est allés 2 fois à l’hôtel. On restait beaucoup chez l’habitant et dans des auberges de jeunesse pour rencontrer d’autres voyageurs.
On a commencé par l’Amérique du Sud nous aussi. Puis plusieurs îles pacifiques, l’Océanie, l’Asie du Sud-est, le Népal. Aujourd’hui, j’ai un pied à terre à Rabat et on voyage par intermittence. Surtout au Maroc en ce moment !
Quels sont les futurs défis du webzine ?
N.S : Justement de faire découvrir le Maroc autrement aux étrangers, mais aussi aux Marocains eux-mêmes. Ces derniers voient l’étranger comme un eldorado. Nous qui avons fait une quarantaine de pays, lorsqu’on voyage au Maroc on est abasourdies par les paysages, mais aussi par la profusion d’expériences que l’on peut avoir.
On veut essayer de montrer un autre Maroc. Montrer à la voyageuse que lorsqu’on s’éloigne des villes touristiques comme Marrakech par exemple on peut trouver des merveilles. Comme le désert d’Agafay à seulement 20 km de la ville ocre. Mais attention, on ne dit pas de ne pas aller à Marrakech, mais de prendre le temps d’y aller autrement.
H.C : C’est surtout pour pousser les gens à voyager autrement. Et plus particulièrement les femmes. Moi j’ai fait il y a quelques mois, El Jadida-Dakhla en autostop. Peu de femmes font ça ici.
Je veux encourager les femmes à se lancer, à dépasser leurs peurs. Faire du camping, de la randonnée, partir en road trip… Marocaines, sortez de votre zone de confort et prenez votre envol!
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