Chaque semaine, MasterChef Maroc rassemble sur 2M plus de huit millions de téléspectateurs, soit plus de 50% de parts d’audience. TelQuel a pu assister au tournage de l’émission spéciale Côte d’Ivoire, diffusée ce mardi soir, et vous raconte tout ce que vous n’avez pas vu à l’écran!
« Prime 8. Prise 1 sur 1. Abidjan. » Un premier clap synchronise le début de l’enregistrement. Coiffé d’un canotier, vêtu d’un t-shirt blanc aux motifs africains, Chef Moha déclame son message d’introduction. « Akwaba, w bonne arrivée en Côte d’Ivoire. Nous sommes au bord de la lagune Ébrié », commence le charismatique présentateur, dans un sabir fait de baoulé, de français et de darija. Avant de bafouiller. « Coupez! » Il va falloir refaire la prise, au grand dam des concurrents. Debout derrière leurs fours et leurs éviers mobiles, ils essuient leurs fronts transpirants, s’éventant comme ils peuvent avec leurs plateaux et leurs spatules en plastique. Le thermomètre affiche plus de 30°C, pour un taux d’humidité dépassant les 80%.
Après sept épisodes de cette quatrième saison, ils ne sont plus que sept survivants. Tous cuisiniers amateurs, ils se disputent le titre de MasterChef 2018 – outre le prestige, celui-ci est accompagné d’une prime de 400.000 dirhams et d’un stage professionnalisant de six mois. Comme chaque année, deux tournages se déroulent à l’étranger. Après Madrid, Dakar ou encore Libreville, le choix pour cette édition s’est porté sur Abidjan. « Nous avions à cœur de faire connaître la culture culinaire ivoirienne », explique Fouad Loukili, « Artistic Producer » du programme, comme l’indique son polo orange et noir floqué de ses initiales. Documentariste expérimenté, c’est lui qui a importé le concept de MasterChef au Maroc, après en avoir racheté les droits par l’intermédiaire de Medprod, la société de production audiovisuelle qu’il a co-fondée en 2010.
Initialement prévu dans le nord du pays, puis dans la forêt urbaine du Banco, le filmage a finalement été relocalisé dans deux des plus grands complexes hôteliers de la capitale économique. Pour ce premier jour, c’est l’hôtel du Golf qui a été choisi. Célèbre pour avoir servi de « présidence bis », lorsque le candidat Alassane Ouattara s’y est réfugié pendant cinq mois après l’élection présidentielle contestée de 2010, il est idéalement situé, en plein milieu de l’estuaire du fleuve Comoé.
La trentaine de techniciens a installé les caissons de cuisine entre la piscine et la plage. Sous les objectifs des cadreurs de Medprod et de la Radiotélévision ivoirienne (RTI), venus prêter main forte avec leur grue, les candidats découvrent les barracouda, tilapia et autre saumon blanc de leur « boîte mystère ». Ils courent à « l’épicerie », aménagée sous une tonnelle de bois, pour les agrémenter d’ananas, d’aubergines sauvages, de gombo, de manioc, d’ignames, de patates douces, de graines de soumbala… Tous ces ingrédients proviennent des marchés, fournisseurs et supermarchés des environs, conjointement sélectionnés par Chef Saïd, cheville ouvrière de l’émission, et Chef Gnogbo Laurent Karamoh, second du restaurant du Golf et ex-cuisinier de l’équipe nationale de football ivoirienne.
Aucun des prétendants n’étant déjà venu en terre d’Éburnie, ils ont dû faire des recherches et consommer des heures de vidéo sur Youtube, pour avoir une chance de s’approprier toutes les composantes de la gastronomie nationale. La plupart ayant vécu dans différents pays étrangers, ils savent innover en mixant les saveurs. Alireza, bijoutier maroco-iranien de 26 ans, se lance dans une carpe sautée à la mangue, agrémentée d’acras de barracudas et de purée de pommes de terre pimentée. De son côté, Simohamed, expatrié en Allemagne puis à Dubaï, avant de revenir à Casablanca ouvrir son cabinet de conseil en marketing et communication, concocte une papillote de saumon blanc sur un lit de banane, de manioc et d’ananas, servi avec une salade assaisonnée à la mangue et au lait de coco.
Étonnamment amicaux et didactiques – contrairement à l’image cathodique qu’ils peuvent renvoyer – les membres du jury entament le décompte, après une heure d’efforts en pleine touffeur. « Khamsa…rabaa…tlata…jouj…wahed…top! » Seuls trois participants lèvent les mains, comme l’exige pourtant la règle. Seront-ils disqualifiés? Asthmatique, l’un s’accroupit en s’aspergeant les cheveux pour ne pas s’évanouir. Exténuée, une autre s’éloigne en se tenant la gorge, à deux doigts de vomir son petit déjeuner. La séquence est retournée quelques minutes plus tard. Magie de la télévision, tous terminent cette fois-ci dans le délai imparti, à la seconde près. « Si les plats ne sont pas présentables, on ne peut pas les montrer et ça ne sert à rien », justifie l’organisation.
Après quelques interviews « à chaud », les assiettes sont transportées à l’intérieur, à l’abri des mouches. Elles sont soigneusement préservées devant le climatiseur, tandis que les aspirants dévalisent le buffet. Quelques instants de répit leurs sont accordés, avant de replonger dans l’étuve du dehors pour la dégustation.
Les trois juges doivent repasser au stand maquillage, que la moiteur a la fâcheuse tendance de faire couler. « Il faut le refaire très régulièrement pour éviter la brillance et les tâches », explique Karima, guettant la moindre imperfection, son sac rempli de fard à joues et de rouge à lèvres sous le bras. Habituée des plateaux de cinéma, celle qui est aussi coiffeuse se réjouit que deux de ses trois sujets du jour lui épargnent des soins capillaires trop poussés.
Chacun se soumet à la critique du comité d’experts, exceptionnellement rehaussé de la présence du Chef Ludovic Yapi. « Les mélanges sont réussis. J’ai le palais qui vivote dans tous les sens », s’enthousiasme le maître hôtelier du Golf, agréablement surpris. Estimant qu’un bon marmiton doit « se nourrir à toutes les sauces », il se demande pourquoi il n’essaierait pas lui-même de faire prendre la télé-réalité culinaire en Côte d’Ivoire. Malgré un budget conséquent, le modèle économique est plus que rentable, avec toutes les dépenses couvertes par les recettes publicitaires engrangées grâce aux placements de produits.
La journée n’est pas finie pour les compétiteurs, qui doivent encore passer au « confesse ». Devant l’un de ces fameux fond vert qui permettent d’incruster n’importe quel arrière-plan au montage, ils sont soumis aux feux des deux « journalistes » de Medprod. Sous la houlette d’une rédactrice en chef, ces derniers assistent à toutes les scènes, prenant des notes et posant des questions dans le but de « raconter une histoire ». « Par exemple, Karima avait carte blanche pour intervertir les boîtes mystères de ses rivaux. Pourquoi a-t-elle choisi de donner plutôt celle-là à celui-ci? Comment l’a-t-il perçu? Ce sont sur ces ressorts narratifs que nous pouvons nous appuyer pour créer du suspense », développe Mounia Elgoumi, jeune rédactrice de 26 ans. Les entretiens se prolongent jusqu’à une heure avancée de la soirée.
Le lendemain, changement de décor. Un car achemine tout le staff dans les jardins du Sofitel. Les caissons sont remontés sous le gigantesque fromager du parc. Un drone, interdit la veille à cause de la proximité de la résidence présidentielle, filme la présentation de cette deuxième épreuve par équipes, face aux immeubles en verre du Centre des affaires du Plateau – à deux pas du chantier du réaménagement de la baie de Cocody, projet futuriste confié à l’entreprise publique marocaine Marchica Med.
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En parallèle de la compétition, un chef ivoirien offre une « masterclass ». Imperturbable derrière une table en équilibre précaire sur des parpaings, il détaille chaque phase de la recette qu’il a imaginée spécialement pour l’occasion, intitulée « duo de terrine de mérou de nos côtes et banane plantain aux saveurs ivoiriennes ». « Il y a trois jours, mon supérieur m’a appris que j’allais participer à cet événement. J’étais vraiment fou de joie! J’attendais ça depuis fort longtemps. C’est un grand départ pour moi de passer sur une chaîne internationale », témoigne Chef Colombe Jean-Marie Logbo, un sourire béat illuminant son visage. Contraint de travailler à un seul appareil – contre trois à domicile – le caméraman marocain, à peine remis du dernier acte sous la neige d’Ifrane, rougit à vue d’œil sous les coups de soleil.
Entre-temps, l’humoriste Oualas, qui vit à cheval entre « Babi » et Casa, est arrivé pour goûter les mets des deux camps. Même s’il a grandi dans le centre nord de la Côte d’Ivoire, l’Ivoiro-Marocain est impressionné par la taille des escargots qu’on lui propose, gros comme le poing. Extraits de leurs coquilles, bouillis, découpés puis revenus à la poêle, ils ont été relevés de fines herbes. L’invité semble apprécier.
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Cet ultime test réussi, les protagonistes n’ont plus à que la pastille inaugurale à réaliser. N’ayant pas eu le temps de le faire pus tôt, ils doivent ré-enfiler leurs tenues de la veille, pour ne rien laisser paraître à la diffusion. Rôdé, Chef Moha récite son discours d’une seule traite. Tout le monde applaudit, se congratule. Chef Meryem se laisse même aller à une roue sur le parvis. Pas le temps de célébrer davantage. Il faut déjà ranger ses affaires et remballer tout l’équipement, pour ne pas rater le vol de nuit de la Royal Air Maroc, annoncé à 1h45 du matin. La dernière « épreuve sous pression » éliminatoire aura lieu dans les studios de Benslimane. Avant d’enchaîner par quelques étapes au Maroc. Puis de redécoller vers la Russie, pour la seconde expédition à l’étranger, programmée fin février.
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