L’ambassade de Russie à Londres a immédiatement qualifié la réaction britannique d'”hostile, inacceptable et injustifiée“. Theresa May a dénoncé devant le Parlement “un usage illégal de la force par l’État russe contre le Royaume-Uni” et jugé “tragique” la “voie choisie” par le président russe Vladimir Poutine, qui n’a pas répondu à sa demande d’explication sur cette affaire.
Elle s’exprimait dix jours après l’empoisonnement d’un ex-espion, Sergueï Skripal, 66 ans, et de sa fille Ioulia, 33 ans, victimes d’une attaque avec un agent innervant militaire de fabrication russe à Salisbury, dans le sud-ouest de l’Angleterre. L’escalade des tensions entre les deux pays intervient à quelques jours de l’élection présidentielle en Russie, dimanche, dont le président Vladimir Poutine est le grand favori, et à trois mois de la Coupe du monde de football en Russie. Theresa May a précisé à ce propos que Londres n’enverrait aucun représentant, diplomate ou membre de la famille royale, à la compétition. Le ministère des Affaires étrangères a par ailleurs appelé à la vigilance les Britanniques souhaitant se rendre en Russie, en raison des réactions hostiles qu’ils pourraient rencontrer.
La Russie disposait jusqu’ici de 59 diplomates accrédités au Royaume-Uni. Les 23 diplomates ciblés, considérés par Londres comme des “agents de renseignement non déclarés“, ont “une semaine” pour quitter le territoire. Il s’agit de la vague d’expulsion de diplomates russes par le Royaume-Uni la plus importante depuis 1985. Theresa May a aussi menacé de geler les avoirs de l’Etat russe. Ajoutant qu’elle suspendait “tous les contacts bilatéraux de haut niveau prévus“, elle a toutefois dit “continue(r) de croire que ce n’est pas dans notre intérêt national de couper tout dialogue“.
Cherchant à réunir le soutien de ses alliés et de la communauté internationale, au moment où le pays s’apprête à quitter l’Union européenne, la cheffe du gouvernement britannique a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, qui se tiendra ce mercredi à 19H00 GMT, a annoncé la présidence néerlandaise en exercice de la plus haute instance de l’ONU.
Peu avant l’annonce des sanctions, le Kremlin a clamé de nouveau son innocence en soulignant qu’il “n’admet pas” les accusations “sans preuves” et les ultimatums de Londres. “La Russie n’a aucun rapport avec ce qui s’est passé au Royaume-Uni“, a réaffirmé son porte-parole Dmitri Peskov. Londres avait fixé un ultimatum pour que la Russie fournisse des explications à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) sur l’agent innervant militaire utilisé, qui a expiré à minuit.
Les principaux alliés du Royaume-Uni, France, Union européenne, Allemagne, Etats-Unis, ont apporté leur soutien aux Britanniques. Le président du Conseil européen Donald Tusk a estimé à Helsinki que la Russie était “très probablement” derrière cette “attaque brutale” et annoncé qu’il allait demander à mettre le sujet à l’agenda du sommet européen prévu la semaine prochaine.
L’Otan a de son côté sommé la Russie de répondre aux questions posées par le Royaume-Uni et qualifié l’empoisonnement de Skripal de “violation flagrante des normes et accords internationaux” sur les armes chimiques. A l’issue d’une conversation téléphonique avec Mme May, le président américain Donald Trump avait estimé mardi que la Russie devait apporter des réponses “sans ambiguïté” sur cet empoisonnement, selon la Maison Blanche. “Les deux dirigeants estiment qu’il doit y avoir des conséquences pour ceux qui usent de ces armes odieuses en violation flagrante des normes internationales”, a ajouté la présidence américaine.
Retrouvés inconscients le 4 mars sur un banc à Salisbury, Sergueï Skripal et sa fille, sont hospitalisés depuis dans un état “critique“. Un policier qui était intervenu sur place reste lui aussi dans un état grave . Selon Theresa May, la substance utilisée contre eux appartient au groupe des agents toxiques “Novitchok”, mis au point par la Russie à l’époque soviétique.
L’un des “pères” des “Novitchok”, Vil Mirzaïanov, qui vit aux États-Unis, a affirmé que la Russie était le seul pays capable de produire et déployer un agent innervant aussi puissant. L’affaire a rappelé le cas de Litvinenko, ancien agent secret russe empoisonné au polonium-210 et mort à Londres en 2006, où la responsabilité russe avait été établie par un juge britannique. Dans ce contexte, le décès inexpliqué, lundi à son domicile à Londres, d’un autre Russe, Nikolaï Glouchkov, ancien partenaire en affaires du milliardaire et opposant au Kremlin Boris Berezovksi, retrouvé pendu à son domicile en 2013, a attiré l’attention des médias.
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