La structure de la Banque mondiale chargée de l’arbitrage international, le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), a enregistré le 14 mars une requête du holding suédois Corral Morocco Holdings AB à l’encontre du Maroc.
Filiale de Corral Petroleum, propriété de l’homme d’affaires Saoudien Al Amoudi, Corral Morocco Holdings AB est l’actionnaire majoritaire de la Samir depuis 1997, la seule raffinerie marocaine, en cessation d’activité depuis l’été 2015 et en liquidation judiciaire depuis mai 2016, après l’échec d’un règlement à l’amiable.
Dans cette nouvelle procédure engagée à Washington, il est représenté par le cabinet Gibson (New-York et Londres). Elle vise le Chef du gouvernement marocain, ainsi que les ministres des Affaires étrangères et de la Justice.
Le CIDRI arbitre des litiges liés aux investissements entre États ou ressortissants d’États membres de la convention de Washington de 1965, ratifiée la même année par le Maroc. Le tribunal arbitral se constitue 90 jours après la notification de l’enregistrement de la requête et se compose soit d’un arbitre unique soit d’un nombre impair d’arbitres. Il statue à la majorité des voix de ses membres. Sa décision est motivée et doit répondre à tous les griefs soumis au tribunal.
Al Amoudi invoque la convention de promotion et de protection des investissements signée en 1990 entre le Maroc et la Suède. L’article 8 de cet accord dispose que « si un différend d’ordre juridique relatif à un investissement naît entre une partie contractante et un investisseur de l’autre partie contractante, il sera autant que possible réglé à l’amiable entre les parties au litige« . Or, en février 2016, le tribunal de commerce de Casablanca s’était déclaré incompétent pour statuer sur la demande de règlement à l’amiable déposée par la Samir. La convention Maroc-Suède prévoit qu’en cas d’impossibilité d’un règlement à l’amiable, les parties contractantes consentent à soumettre leur litige à l’arbitrage du CIRDI.
Depuis 2015 et une lettre adressée au chef de gouvernement de l’époque Abdellilah Benkirane, Al Amoudi brandissait la menace de saisir le CIRDI, reprochant à l’État marocain de lui mettre des bâtons dans les roues et estimant qu’il « subit encore des entraves et un traitement injuste concernant son investissement« . Exemples : la saisie des comptes bancaires de la Samir et l’interdiction pour les bateaux d’accoster au quai de déchargement. Selon Al Amoudi, la suspension en août 2015 de l’activité de raffinage n’était que la conséquence directe de ces entraves. Le Maroc, de son côté, réclame le paiement de sa dette estimée à 45 milliards de dirhams.
Ce n’est pas la première fois que le Maroc est partie prenante dans un litige arbitré par le CIRDI. En 1972, Holiday Inn a eu recours au CIRDI pour cessation de paiement de la part du Maroc. La procédure prend fin en 1978, avec l’adoption d’un accord à l’amiable. En 1999, c’est au tour du Consortium R.F.C.C d’attaquer le Maroc auprès du CIRDI, à travers la société Autoroutes du Maroc (ADM). Il reproche au Maroc d’avoir fait acte de « favoritisme » en attribuant un marché au profit d’un groupement économique national. Le tribunal arbitral avait débouté le plaignant. La dernière affaire en date remonte à 2001. Elle oppose la société italienne Salini Costruttori au ministère de l’Équipement marocain au sujet du décompte d’un chantier. Le Maroc a été condamné au paiement des dommages résultants des frais générés par les travaux.
La sentence du CIRDI a la force d’un jugement prononcé par des tribunaux nationaux. Elle peut même faire l’objet d’une exécution forcée. Dans cette affaire de la Samir, le tribunal arbitral pourrait reconnaître le bienfondé des griefs et imposer les conditions d’un règlement amiable au Maroc. Al Amoudi pourrait aussi être débouté de sa demande pour faits non avérés. Enfin, d’un commun accord, les deux parties pourraient se désister de la procédure d’arbitrage et régler le litige en dehors de l’instance. Litige qui traine maintenant depuis 2015.
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