Comprendre la crise de Tifariti en 3 questions

L'organisation d'une parade militaire par le Polisario à Tifariti, sur fond de tentative de légitimation de la souveraineté des séparatistes sur l'est du Sahara, a été dénoncée par le Maroc qui y voit une "violation" du cessez-le-feu. Une situation qui confirme la confusion au sujet de la primauté de l'accord de 1991 sur l'accord militaire numéro un.

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Défilé de militaires du Polisario dans le camp de Rabouni à Tindouf. Crédit: AFP

Regain de tension au Sahara. Moins d’un mois après l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité visant à les rapprocher de la table des négociations, le Maroc interpelle de nouveau la communauté internationale pour dénoncer de nouvelles « provocations » du Polisario dans la localité de Tifariti.

Dans un communiqué diffusé dans la nuit du 19 mai, le ministère des Affaires étrangères appelle les instances onusiennes à « assumer leurs responsabilités et [à] prendre les mesures nécessaires » contre des « agissements inacceptables« , dont la nature n’est néanmoins ici pas précisée.

Mais que s’est-il donc passé dans cette zone du Sahara pour que le Royaume dénonce, pour la deuxième fois en l’espace de deux mois, une « violation » de l’accord de cessez-le-feu ? Eléments de réponse.

Quelle est l’origine de cette crise ?

Le 17 mars 2018, un site proche du Polisario annonce l’édification d’un « ministère de la Défense » à Bir Lahlou ainsi que la précédente construction d’une « présidence » à Tifariti. Douze jours plus tard, des éléments armés du Polisario dressent des tentes dans la région de Mahbès (voir carte) à proximité de la zone tampon, selon la diplomatie marocaine. Des manœuvres dénoncées par le Royaume devant le parlement de Rabat le 1er avril, puis par les « pays amis », ainsi que devant le Conseil de sécurité de l’ONU et le secrétaire général des Nations Unies. Pour le Maroc, les agissements du Polisario témoignent d’une volonté de celui-ci de fonder un état de facto à l’est du mur de défense marocain en érigeant une « capitale administrative » à cheval entre Bir Lahlou et Tifariti.

Que s’est-il passé à Tifariti ?

Le Polisario en manoeuvre militaire à Tifariti, en février 2011Crédit: AFP PHOTO/ DOMINIQUE FAGET

Au lendemain de la diffusion du communiqué de la diplomatie marocaine, l’agence de presse algérienne APS annonce le lancement des « festivités du 45e anniversaire du déclenchement de la lutte armée sahraouie« . « Plusieurs unités, formations et bataillons de l’Armée de libération sahraouie ont pris part » à des « parades militaires » lors de cet événement qui se veut « une consécration de l’exercice de la souveraineté sur ces territoires« , précise la même source.

Parmi les convives présents ce 20 mai, des « délégations représentées par les ambassadeurs du Viêt Nam, de l’Equateur, de la Namibie, de Cuba, et de l’Afrique du Sud et de diplomates d’Ethiopie, du Kenya, d’Ouganda, d’Angola, du Nigéria« .

Ces « festivités » sont également l’occasion pour l’ambassadeur du Zimbabwe auprès de la RASD de remettre ses lettres de créance au président Brahim Ghali.

Le lendemain, c’est le ministre des Affaires étrangères des séparatistes, Mohamed Salem Ould Salek, qui est reçu par le successeur de Robert Mugabe, le président Emmerson Mnangagwa. Deux événements suggérant une continuité dans les relations entre Harare et Tindouf, malgré le changement à la tête de l’Etat zimbabwéen.

Pour le Polisario, la journée du 21 mai a également été marquée par une réunion à Tifariti du Conseil national sahraoui, équivalent du parlement où les sièges sont intégralement occupés par le mouvement séparatiste. Une séance marquée par l’adoption d’un « Code douanier« , près de deux mois après l’adhésion de la RASD à la Zone de libre-échange continentale de l’Union africaine.

Qu’en pense l’ONU ?

Au mois d’avril, le Conseil de sécurité de l’ONU a fait part de son « inquiétude » concernant la « relocalisation planifiée des fonctions administratives » du Polisario.Crédit: AFP

C’est par l’intermédiaire d’un communiqué de son secrétaire général, Antonio Guterres, que l’Organisation des Nations Unies a fait savoir qu’elle suivrait « de près l’évolution de la situation au Sahara occidental« , dans la soirée du 19 mai. La communication onusienne invite également les deux parties « à la plus grande retenue » dans l’esprit de la résolution prorogeant le mandat de la Mission des Nations unies au Sahara (MINURSO), adoptée le 27 avril dernier par le Conseil de sécurité.

Dans ce texte, l’instance décisionnelle de l’ONU fait part de son « inquiétude » concernant la « relocalisation planifiée des fonctions administratives » entamée cette année par le Polisario qui a notamment débuté les constructions d’un « ministère de la Défense » à Bir Lahlou et d’une « présidence » à Tifariti. La résolution ne requiert toutefois pas de mention d’un « retrait immédiat » du Polisario dans cette région.

Une omission qui peut être expliquée par le fait que les activités du Polisario ne contreviennent pas à l’un des textes régissant les activités militaires des deux parties au Sahara, l’Accord militaire numéro 1. Ce texte permet l’exercice d’activités civiles, comme une réunion du parlement du Polisario à Tifariti, ce dont témoigne le rapport du secrétaire général sur le Sahara publié en 2008.

 

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