"L’harga fabor" : La ruée des candidats à l'émigration clandestine vers les "pateras Phantom"

Plusieurs plages du nord ont été le théâtre de rassemblements de jeunes candidats à l'émigration clandestine ce week-end. Une rumeur propagée sur les réseaux sociaux promettait une traversée gratuite jusqu'en Espagne, à bord de pateras super-puissantes.

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Des immigrés maghrébins arrivés en Espagne (archives). Crédit: EFE

Il a suffi d’une folle rumeur lancée sur le web pour voir des centaines de jeunes Marocains affluer vers différentes plages du nord du Royaume. À Al Hoceima, plusieurs personnes ont investi dans la nuit de dimanche à lundi 24 septembre, les plages de Zabadia, Sfiha et Souani dans l’espoir de traverser le détroit de Gibraltar, clandestinement et à titre gracieux.

Selon l’agence de presse espagnole EFE, ils étaient des centaines de candidats, des « jeunes en majorité ». Dans le lot, des femmes aussi, arrivées sur les lieux avec leurs bagages. Tous ont attendu jusqu’à 3h du matin l’arrivée promise des « pateras Phantom» censées les emmener de l’autre côté de la frontière, en vain. Selon un des jeunes interrogés sur place, les forêts avoisinantes étaient « pleines » d’autres candidats qui espéraient immigrer gratuitement, comme promis dans les publications relayées sur Facebook.

« L’Harga fabor »

Des scènes similaires ont été observées la veille du côté de la plage de Martil, au nord-est de Tétouan. Plusieurs vidéos montrant des foules de jeunes Marocains, réclamant « l’harga fabor (immigration clandestine gratuite) » ont été publiées sur le web.

« Tout le monde veut partir. Ouvrez-nous la route et laissez-nous passer. Ici, il n’y a pas de travail pour nous. On veut partir », confie un jeune, la trentaine, au micro de Hiba Press. « Vive l’Espagne ! On veut immigrer. On ne veut plus rester dans ce pays où il y a beaucoup d’oppression et de mépris. Personne ne doit rester ici. Donc, on attendra le zodiac jusqu’à sa venue », déclare un autre, adolescent.

D’autres témoins assurent avoir vu le zodiac en question s’approcher de la plage. Des passagers seraient montés à bord de l’embarcation de type « Phantom», après avoir nagé quelques mètres, mais une intervention de la marine royale aurait fait fuir celle-ci, d’après plusieurs autres témoins.

Lundi, la marine royale a d’ailleurs annoncé avoir fait avorter, en collaboration avec la gendarmerie, une opération d’émigration clandestine à partir de la plage de Martil, dans la nuit du 22 au 23 septembre. Une unité opérant en Méditerranée a poursuivi une « embarcation de très grande vitesse », qui tentait de rejoindre la plage de Martil pour récupérer des candidats à l’émigration clandestine, a fait savoir l’Etat-major général des Forces armées royales, dans un communiqué.

Epaulée par deux embarcations rapides de la gendarmerie, l’unité de la marine royale l’a ensuite contrainte à prendre la fuite vers le large. Aucun candidat à l’émigration clandestine n’a pu être embarqué, selon la même source.

Les premiers bruits sur ces pateras Phantom qui transporteraient gratuitement les immigrés jusqu’en Espagne remontent à environ deux semaines. Des vidéos montrant une embarcation appelant les jeunes désirant immigrer à monter à bord sont devenues virales. La scène aurait eu lieu sur la plage Dalia de Tanger.

Une autre vidéo où l’on voit, cette fois, la même embarcation débarquer une dizaine de Marocains sur une plage espagnole a également été publiée sur les réseaux sociaux.

Selon la presse espagnole, les propriétaires de l’embarcation seraient de nationalité espagnole, à « en juger par leur accent ». La plage où les immigrés marocains ont été débarqués serait celle de Los Lances, à Tarifa, dans le sud de la péninsule ibérique.

Selon EFE, neuf embarcations transportant 103 Marocains ont été recensées entre le 19 et le 21 septembre. Depuis le début de l’année, le nombre d’immigrés clandestins à avoir « mis les pieds » en Espagne a considérablement augmenté, assure la même source, citant des statistiques du ministère de l’Intérieur espagnol.

Selon ce dernier, les Marocains représentaient en début d’année 16,9% des clandestins arrivés sur les côtes espagnoles. Cette proportion est passée à 17,55% en juillet, à 22,22% en août, puis à 36,76% durant la première quinzaine de septembre. « La tendance est maintenue », selon des sources policières espagnoles. Au total, entre janvier et mi-septembre, 6.433 Marocains seraient parvenus à traverser le détroit de Gibraltar, ce qui représente près de 20% des 33.215 immigrés clandestins ayant débarqué en Espagne par voie maritime durant cette même période.

Du côté du gouvernement marocain, les chiffres communiqués le 20 septembre dernier ne concordent pas avec ceux de Madrid. Selon Mustapha El Khalfi, le nombre de Marocains impliqués dans les tentatives avortées d’émigration clandestine avait baissé à 13% à fin août 2018, contre 20% un an auparavant. Ce chiffre serait passé de 8.200 personnes à fin août 2017 à 7.100 à fin août dernier, avait-il indiqué lors d’un point de presse à Rabat.

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