Crash d'Ethiopian Airlines: Les pilotes ont suivi la procédure de Boeing

Les pilotes du vol Ethiopian Airlines qui s'est écrasé le 10 mars, faisant 157 morts, ont exécuté les procédures d'urgence recommandées par Boeing, ont affirmé jeudi les autorités éthiopiennes, sur base d'un rapport préliminaire sur ce crash qui a provoqué l'immobilisation au sol des 737 MAX à travers le monde.

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Sur le site du crash, le 10 mars, à 60 km d'Addis Abeba. Crédit: Michael TEWELDE / AFP

Ce rapport est très attendu, car il s’agit du deuxième crash en moins de cinq mois du 737 MAX 8 de Boeing, modèle phare de l’avionneur américain, dans des circonstances similaires: accidents survenus quelques minutes après le décollage à l’issue de mouvements d’oscillation brutaux et rapprochés. « L’équipage a effectué à plusieurs reprises toutes les procédures fournies par le constructeur, mais ils n’ont pas été en mesure de reprendre le contrôle de l’avion« , a déclaré la ministre éthiopienne des Transports, Dagmawit Moges, en lisant devant la presse les principales conclusions de ce rapport qui n’a pas encore été publié.

L’AFP a toutefois pu consulter des extraits d’une copie de travail du rapport, qui semblent confirmer ce que tous les experts soupçonnent depuis le crash: ce dernier aurait été provoqué par un dysfonctionnement du système de stabilisation de l’appareil (MCAS), déjà mis en cause dans le crash en octobre d’un 737 MAX 8 de la compagnie indonésienne Lion Air, qui s’était abîmé en mer de Java (189 morts). Le MCAS (« Maneuvering Characteristics Augmentation System ») a été spécialement conçu pour le 737 MAX afin de corriger une anomalie aérodynamique liée à une motorisation plus lourde.

Dans une consigne adressée aux équipages le 6 novembre dernier, après le crash de Lion Air, Boeing expliquait qu’une erreur de la sonde mesurant l’angle d’attaque (AOA) pouvait conduire le MCAS à mettre brutalement l’avion en « piqué » (nez vers le sol). Pour y remédier, il recommandait aux pilotes de désactiver le système en « déconnectant les compensateurs électriques« , et ce « jusqu’à la fin du vol« .

« Peu après le décollage, les valeurs mesurées par le capteur d’angle d’attaque sont devenues erronées« , indique un extrait du rapport vu par l’AFP. Ce dernier explique que le pilote automatique a été à un moment désactivé et que les pilotes ont à plusieurs reprises tenté de redresser manuellement l’avion qui partait en piqué. Ils ont ensuite demandé aux contrôleurs aériens la permission de faire demi-tour, ce qui leur a été accordé, mais l’avion s’est finalement écrasé dans un champs à une vitesse approximative de 1.000 km/h.

« Les autorités de l’aviation devront vérifier que la révision du Système de commande de vol de l’avion a été correctement effectuée par le fabricant », avant que la flotte des Boeing 737 MAX, clouée au sol dans le monde entier depuis l’accident, soit autorisée à voler à nouveau, a estimé Mme Dagmawit.

Le Système de commande de vol est composé de l’ensemble des éléments mécaniques et électroniques qui permettent à l’avion de voler: systèmes de contrôle et de commande dans le cockpit, capteurs d’altitude, de vitesse et d’incidence, moteurs et ordinateurs de bord, notamment. La société Boeing a indiqué qu’elle allait « examiner » le rapport.

L’avion d’Ethiopian s’est écrasé au sud-est d’Addis Abeba six minutes après son décollage le 10 mars. Tous les passagers et membres d’équipage, de 35 nationalités différentes, ont péri. Selon les extraits du rapport préliminaire vus par l’AFP, les moteurs de l’avion ont été retrouvés à une profondeur de 10 mètres dans le sol. Des morceaux de la carlingue ont été retrouvés sur une surface de 300 mètres de long pour une largeur de 200 mètres. « Il était impossible de survivre à cet accident ».

Le Wall Street Journal, citant des personnes ayant eu accès aux données des boîtes noires de l’avion, a affirmé mercredi que le commandant de bord et son copilote, confrontés à une défaillance du MCAS avaient respecté « initialement » la procédure d’urgence établie par le constructeur, avant de réactiver ce système. Une source proche de l’enquête a toutefois indiqué à l’AFP que le système avait pu se réactiver tout seul.

Pour l’heure, Boeing s’efforce de corriger le système MCAS avec l’objectif de réduire la force de son action. Après avoir retoqué lundi les premières modifications proposées, estimant qu’elles n’étaient pas satisfaisantes, l’agence fédérale de l’aviation (FAA) a annoncé mercredi avoir créé un groupe d’action commune (JATR) comprenant la Nasa et les autorités de l’aviation civile internationale pour évaluer le 737 MAX modifié.

Le directeur du Bureau éthiopien d’enquête, Amdiye Ayalew, a indiqué que le rapport complet devrait prendre entre six mois et un an à être rédigé, mais a souligné que l’enquête préliminaire n’avait montré aucun signe de « dégât causé par un objet extérieur« . Le PDG d’Ethiopian Airlines, Tewolde GebreMariam, s’est dit jeudi « très fier de l’attitude de nos pilotes, qui ont suivi les procédures d’urgence recommandées, et de leur haut degré de professionnalisme dans une situation aussi difficile« .

Pour tenter de regagner la confiance des régulateurs et du grand public, Boeing a publié mercredi une photo de son PDG Dennis Muilenburg, assis derrière deux pilotes d’un 737 MAX équipé d’un système antidécrochage MCAS modifié, dans le cockpit pendant un vol d’essai.