Cinq enseignements à tirer des premiers pas de Coach Vahid avec les Lions

Pour ses deux premières sorties sur le banc des Lions de l'Atlas, Vahid Halilhodzic a opéré une large revue d'effectif et entamé le changement de cycle de la sélection. Débrief.

Par et

AFP

Pour leurs deux premières sorties sous l’ère Vahid Halilhodzic, les Lions de l’Atlas ont laissé un sentiment mitigé avec un match nul obtenu in extremis contre le Burkina Faso (1-1) et une maigre victoire sans saveur contre le Niger (1-0). Quelques mois après le choc d’une élimination prématurée en Coupe d’Afrique des nations encore fraîche dans les esprits, le nouveau sélectionneur a opéré une revue d’effectif et déjà livré son premier constat : “L’équipe marocaine n’a aucune chance de se qualifier pour la prochaine Coupe du Monde”.

De petits perdants…

En prenant les rênes de l’équipe nationale, Vahid Halilhodzic a promis d’accorder une chance à tous les joueurs qui la méritent. Avec les blessures des cadres (Belhanda et Saïss) et l’indisponibilité de jeunes promesses engagées avec l’équipe olympique (Mazraoui et Hakimi), plusieurs joueurs ont pu obtenir du temps de jeu avec les Lions lors des deux derniers matchs amicaux contre le Burkina Faso (6 septembre) et le Niger (10 septembre).

Certains sont pourtant passés à côté de leur sujet et risquent de voir leur avenir en équipe nationale se compliquer. Issam Chebbake est l’un d’entre eux. Le latéral droit de Malatyaspor a manqué l’occasion de s’illustrer face au Niger qui avait pourtant déployé une défense très basse.

Autre joueur en danger, l’attaquant d’Angers Rachid Allioui qui n’a pas su négocier les rares occasions qu’il a pu se procurer contre le Burkina Faso. Sofyan Amrabat, le cadet de Nordin, a également raté l’occasion de se mettre en valeur devant le nouveau sélectionneur. Formé en tant que milieu relayeur, et aligné en sentinelle devant la défense, et le nouveau joueur du Hellas Verone n’a pas véritablement convaincu. S’il a été assez adroit au niveau des passes et sur quelques anticipations, il n’a pas eu assez d’impact lors de la récupération et raté certaines de ses interventions. A sa décharge, remplacer un Karim El Ahmadi est loin d’être une tâche aisée.

… et de grands gagnants

Certains joueurs ont néanmoins saisi leur chance pour prouver au nouveau sélectionneur qu’ils ont bien leur place dans la tanière. Jawad El Yamiq, Zouheir Feddal, ou encore Abdelkrim Baadi et Walid El Karti ont tous marqué des points. El Karti a marqué le but de la victoire face au Niger d’une superbe frappe de plus de 25 mètres. Les autres joueurs cités ont été corrects dans leurs interventions défensives, relances et passes vers l’avant.

Adel Taarabt qui effectuait son grand retour en sélection a évolué dans une position inhabituelle de relayeur. Un nouveau poste où il a fait apprécier la qualité de sa vision de jeu. En revanche, les avis sont mitigés quant à l’apport du joueur du Benfica au niveau de la récupération et du pressing.

D’autres noms divisent également. Walid Azaro, Amine Harit et Anouar Tuhami à titre d’exemple n’ont pas eu de véritable impact, mais l’envie démontrée par ces joueurs pourrait leur valoir de nouvelles convocations dans les mois à venir.

Qui pour contrôler l’empire du milieu ? 

Voilà assurément l’un des principaux chantiers auxquels Vahid Halilhodzic devra s’atteler. Sur ces deux rencontres, s’il y en a bien un dont l’absence s’est fait ressentir, c’est bien Karim El Ahmadi, véritable clé de voûte du système Renard. Le milieu de terrain de l’Ittihad Jeddah se distinguait par son sens de l’anticipation, son activité incessante dans l’entrejeu, et un travail de sape sur les adversaires.

Autant de qualités qui ont manqué à Sofyan Ambrat lors de ces deux sorties des Lions de l’Atlas. Intéressant lors des phases offensives des Lions, le jeune joueur a semblé bien nerveux au moment d’endosser le rôle de sentinelle. La faute peut-être à un manque d’expérience – voire de roublardise – dans ce compartiment du jeu. Une chose est certaine, à 23 ans, le joueur du Hellas Vérone a le temps de s’aguerrir s’il souhaite s’installer dans la durée. Titulaire lors des deux matches, il a semblé à la peine face à un Niger sans impact, et a affiché des lacunes défensives plus criantes face aux Étalons burkinabés.

Contre le Burkina, son remplaçant Youssef Aït-Benasser était plus en vue. De là à en faire la seule option au poste de sentinelle sur le long terme ? Pas forcément. Si le joueur de Bordeaux s’est distingué par une qualité de relance certaine et une vision du jeu par moment convaincante, son profil semble difficilement correspondre à celui d’un aboyeur ou d’un casseur d’offensives. L’ancien Monégasque semble plus à l’aise dans un système à deux milieux axiaux que dans une configuration avec une seule seule sentinelle. Et s’il fallait tout simplement réinstaller Romain Saïss à un poste qu’il connaît bien ?

Le cas Ziyech

En équipe nationale, on a connu deux versions de Hakim Ziyech. Celle d’avant la CAN 2019 et celle d’après CAN 2019. Depuis ce penalty raté face au Bénin en huitième de finale de Coupe d’Afrique, la star de l’Ajax est méconnaissable sous le maillot des Lions.

La faute non pas à un manque de motivation, mais à un excès de zèle. Car Ziyech a voulu se racheter à tout prix auprès du public sans toutefois pouvoir concrétiser cette envie sur le terrain. En manque d’inspiration et sous pression, il a souvent manqué ses derniers gestes contre le Burkina Faso. Il a également manqué de réussite et de lucidité sur une frappe qui rase le poteau, et a ponctué sa prestation par un nouveau pénalty manqué. À Vahid Halilhodzic de trouver les mots pour redonner confiance à son meneur de jeu.

Marrakech encore et toujours?

Marrakech est l’une des plus belles villes du Royaume. Elle est certainement la plus attractive, mais ses supporters ne semblent plus emballés par les Lions de l’Atlas, alors que d’autres habitants des villes comme Agadir, Tanger ou encore Fès et Casablanca bouillonnent à l’idée de recevoir des matches de l’équipe nationale. L’ambiance n’est pas non plus au rendez-vous surtout lors des matchs amicaux où moins de 1.000 personnes achètent leurs tickets. Bilan : des gradins vides et loin d’être hostiles aux visiteurs, et des joueurs qui manquent de motivation sur le terrain. Certains supporters ont même sifflé Hakim Ziyech, lors du match contre le Burkina Faso et ont récidivé au moment de son entrée en jeu face au Niger. Un traitement “inacceptable” selon Vahid Halilhodzic alors que certains ont préféré en rire.

“Coach Vahid”, déjà en mission

On l’attendait franc, voire même intraitable. Le Bosnien n’a pas déçu. Au sortir de son baptême du feu sur le banc des Lions de l’Atlas, le constat de “Coach Vahid” ne souffre d’aucune équivoque. “Aujourd’hui, afin de ne pas nous mentir à nous-mêmes, l’équipe marocaine n’a aucune chance de se qualifier pour la prochaine Coupe du Monde”, a-t-il lâché à la presse.

Vu l’ampleur du chantier, il promet de “travailler afin d’atteindre le résultat souhaité”. “Il faut construire pas mal de choses”, avait-il déclaré en marge des deux matches, pointant notamment le manque de tranchant dans les 30 derniers mètres adverses.

Et pour faire du neuf, Vahid mise tout sur un “9”. “J’ai le nez pour ça”, a-t-il glissé au sortir du match du Niger, ajoutant qu’il irait “le chercher n’importe où, en Chine, au Japon, en Arabie saoudite, en Europe et au Maroc”, s’il le fallait. Un travail sur lequel il va s’atteler durant les prochains mois, tout en responsabilisant déjà les joueurs. “Je sais pourquoi ils ne marquent pas. Il faut de la vitesse dans le jeu, faire des appels, avoir une condition physique exceptionnelle… j’insiste sur ce dernier point”, a expliqué le Bosnien.

Une chose semble sûre. Aucune concession ne sera faite dans la tanière. C’est le principal reproche qui a été fait au mandat de Renard, accusé de trop cajoler certains cadres avec lesquels il s’est  même lié d’amitié. Vahid Halilhodzic avait annoncé l’objectif de “victoire obligatoire” sur ses deux premiers matches sur le banc des Lions. Il n’y en aura eu qu’une, sans saveur contre le Niger, et des frayeurs contre des Burkinabés bien plus en jambe.

Que retenir des premières sorties de l’ère Vahid ? Finalement, bien peu d’enseignements. La faute à des matches de septembre, souvent compliqués à manœuvrer après de lourdes préparations estivales en club. L’absence de cadres a donné cette impression que le groupe avait perdu un peu de ce liant collectif mis en place par Renard. Mais renouveau d’effectif oblige, Vahid Halilhodzic est le mieux armé pour donner et consolider certaines bases avec les nouveaux arrivants. Et gare à ceux qui seraient tentés de lui faire la leçon.