Les cinquante premiers jours de l’équipe Benmoussa

Les membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement ont dressé un bilan d’étape ce 4 février. L’occasion pour Chakib Benmoussa de faire le point sur la démarche adoptée et d’annoncer les prochaines actions.

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Chakib Benmoussa et quatre membres de la CSMD ont présenté un premier bilan le 4 février à Rabat. Crédit: Rachid Tniouni/TelQuel

Les visites de terrain des membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement dans des localités comme Taroudant, Benguerir, El Jadida, Ifrane ou Azrou avaient suscité des interrogations sur l’utilité de la démarche. Surtout que “les problèmes sont généralement connus”, comme l’ont reconnu des membres de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD). “Il ne s’agissait pas de visites touristiques, ni d’une démarche populiste”, ont-ils insisté.

À la rencontre des Marocains

Pour Mohamed Tozy, politologue et membre de la commission, “c’était un exercice important, qui a permis de se pencher directement sur le vécu des Marocains, et particulièrement leur perception des problèmes au niveau local”. Un constat confirmé par Driss Ksikes, qui a mis l’accent sur “le besoin pour les membres de prendre conscience de la gravité des attentes et de la complexité des problèmes”.

“Ces populations doivent être partie prenante du processus de co-construction du modèle”

Ahmed Reda Chami

Certes, il existe une littérature faisant l’état des lieux du Maroc, avec un diagnostic des problèmes et quelques pistes de solutions, comme l’a indiqué Ahmed Reda Chami, président du CESE, mais “ces populations doivent également être partie prenante du processus de co-construction du modèle. C’est important en termes d’appropriation”, a-t-il expliqué.

Ahmed Reda Chami, Chakib Benmoussa et Hakima Himmich.

Ces visites ont également permis aux membres de constater, de leurs propres yeux, la capacité de ces populations à “se débrouiller” pour trouver des solutions au niveau local, pour faire face à des contraintes liées essentiellement à la gouvernance des services publics de base. Par exemple, “la population d’une commune de 8.000 habitants dans le Grand Atlas a noué un contrat avec un médecin privé pour effectuer des visites médicales sur place, deux fois par mois, en l’absence de services de santé publique”, a fait savoir Mohamed Tozy.

Au-delà des symptômes

Après plus d’une quarantaine d’audiences au niveau central, parallèlement aux visites de terrain, les principales contraintes commencent à se dégager. L’objectif était d’aller au-delà des symptômes, pour identifier les causes profondes des dysfonctionnements, selon les interventions de ses membres.

Parmi les dysfonctionnements pointés : la persistance de la rente, de la corruption, des conflits d’intérêts, la complexité des relations avec l’administration…

Sur le plan économique, les retours d’expérience ont permis d’identifier les écueils. D’où l’importance de proposer une série d’inflexions à mener, afin de favoriser la relance de l’activité. Actuellement, “ce qui ressort, c’est le niveau alarmant d’attentisme des opérateurs, lié essentiellement à un déficit de confiance”, a souligné Ahmed Reda Chami.

Parmi les dysfonctionnements pointés : la persistance de la rente, de la corruption, des conflits d’intérêts, la complexité des relations avec l’administration… Les opérateurs veulent que les règles du jeu soient clarifiées, et que les institutions soient garantes du bon fonctionnement de ces mécanismes. S’y ajoute l’urgence de remédier à la rareté des ressources humaines, accentuée par la fuite des cerveaux. Un problème qui risque d’entraver certaines stratégies, notamment dans le secteur des TIC qui souffre d’une pénurie d’ingénieurs.

Si la mobilisation de ressources humaines qualifiées est décisive pour tout modèle de développement, le scepticisme des jeunes a particulièrement bouleversé les membres de la CSMD. “Ils ont parlé avec franchise et ont mis à nu les problèmes dont ils souffrent”, a noté Hakima Himmich. Premier obstacle évoqué : la faible maîtrise des langues. La plupart d’entre eux considèrent également que “l’université ne joue plus le rôle d’ascenseur social”.

Plusieurs témoignages ont aussi insisté sur “l’absence de libertés individuelles et sexuelles”. Pour certains, “même le rêve est devenu inaccessible”. Ces jeunes ont plaidé en faveur de la mise en place au niveau local d’espaces de création, de rencontre, de débat… “C’est un besoin qui a été fortement exprimé”, selon Driss Ksikes.

Modus operandi

Après leur retraite dans la région d’Ifrane, les membres de la CSMD reprennent les audiences dès ce mercredi 5 février, avec des représentants de la HACA et des professionnels de la presse. Des ateliers fermés avec des experts sont également au programme, pour se pencher sur des questions pointues.

Les membres de la CSMD se réunissent tous les lundis, en plus des deux jours de retraite à la fin de chaque mois

Parallèlement, les rencontres qui seront organisées par certaines ONG pourront être labellisées CSMD, sur la base d’un cahier des charges. Leurs conclusions seront reprises par la commission. Une plateforme électronique interactive sera également lancée la semaine prochaine.

Le délai fixé à fin juin 2020 pour soumettre le rapport de la commission au roi sera-t-il respecté ? “Nous faisons tout pour être dans les délais”, a assuré Chakib Benmoussa. Le président de la CSMD a insisté sur l’importance de l’organisation adoptée, notamment avec des groupes thématiques qui se réunissent deux à trois fois par semaine.

Les membres de la CSMD se réunissent tous les lundis, en plus des deux jours de retraite à la fin de chaque mois. Une équipe de soutien a été mise en place, composée de 15 jeunes, dont une dizaine mise à disposition par des départements comme la Primature, les Affaires étrangères, l’Intérieur, ou encore par des établissements publics.