CSMD : opération vulgarisation à la télé

Cinq membres de la CSMD étaient les invités de l’émission Moubachara Mâakoum sur 2M, l’occasion pour eux de donner les grandes lignes du chantier de réflexion sur le modèle de développement.

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La Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) poursuit sa mission de vulgarisation de ses travaux. Crédit: Capture d'écran

Mercredi 11 mars sur le plateau de Moubachara Mâakoum de la deuxième chaîne, Mohamed Tozy, Driss Ksiskes, Mohamed Fikrat, Laila Benali et Ahmed Joumani se sont prêtés au jeu des questions-réponses pour donner au grand public une vue d’ensemble sur la portée du travail et des missions de la commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD).

Didactiques et vulgarisateurs, les cinq membres de la commission ont d’abord exposé le contexte dans lequel la CSMD a été constituée. “Il ne faut pas oublier que ce n’est pas la première fois qu’une commission spéciale est formée pour tabler sur des problématiques que les mécaniques naturelles institutionnelles ont du mal à solutionner. Il y a eu le G14, le rapport du cinquantenaire, et j’en passe”, commence par dire Driss Ksikes.

Le dramaturge énumère alors les différentes problématiques auxquelles nous faisons face actuellement, à savoir les tensions sociales, les dysfonctionnements liés à l’éducation, le manque d’espaces de culture ou encore le recul des libertés. “Dans ce sens, cette nouvelle commission est amenée à penser un modèle de développement issu de débats ouverts et où le citoyen est le maillon fort de la solution”.

Ouvrir le débat et s’ouvrir au monde

Le challenge est donc ambitieux et les attentes sont grandes, d’où l’importance pour Mohamed Tozy d’adopter une méthodologie de travail basée sur l’interaction et la cohabitation avec l’environnement. “Le travail de la commission, ce n’est pas uniquement des déplacements un peu partout au Maroc, mais c’est un travail quotidien à travers différents ateliers que nous mettons en place. Et au final, la gare d’arrivée est moins importante que le voyage de six mois que nous allons mener”, philosophe le professeur de sciences politiques.

“La clé de notre travail est l’écoute”

Laila Benali

Mohamed Fikrate, PDG de Cosumar et président de la Commission investissement et compétitivité de la CGEM, détaille : “Les diagnostics qui ont pu être faits par le passé se ressemblent et vont dans le même sens. Ils englobent des problématiques liées à la santé, l’éducation, à l’accès au travail, aux libertés… le défi pour nous est de trouver le meilleur angle pour les formuler. Car c’est ce qui va nous permettre de concrétiser les possibilités d’orientations et de solutions. Donc nous n’allons pas nous refermer sur nous-mêmes (…), nous optons pour une ouverture aux différentes franges de la population. La clé de notre travail est l’écoute”, résume Laila Benali, experte internationale en stratégie énergétique et durabilité.

Interpellé par le journaliste de l’émission Jamâa Goulahcen sur la différence entre les multiples visions stratégiques mises en place au royaume et le travail de la CSMD, le PDG de Cosumar invoque “une différence d’approche”. “Les visions sont sectorielles, or nous voulons avoir une vision globale, d’où la nécessité de faire des propositions qui font le lien entre les différents secteurs. Le facteur temps est à prendre en considération aussi. Nous tablons sur le long terme, ce qui n’est pas le cas des différentes visions”, indique-t-il.

Conscience politique des jeunes

Après près de trois mois de consultations, les membres de la commission ont d’ores et déjà fait des milliers de kilomètres (de Bab Berred à Taliouine en passant par Jerada). À chaque étape, ils ont religieusement bu les paroles d’acteurs associatifs et culturels, d’hommes politiques, de penseurs, d’institutionnels ou de simples citoyens…

Les jeunes “veulent simplement vivre dans un pays qui les accepte”

Driss Ksikes

Driss Ksikes a par exemple été happé par la maturité des revendications formulées par les jeunes rencontrés. “Chez les jeunes, la question culturelle revient à tous les coups. Une jeune fille nous a d’ailleurs dit un jour : ‘je suis consciente que vous ne pouvez pas trouver des solutions immédiates pour les questions d’éducation, mais au moins, donnez-nous la possibilité d’avoir des espaces où l’on peut s’exprimer, lire et découvrir le monde’. Ils invoquent pratiquement tous le besoin d’espaces culturels et veulent simplement vivre dans un pays qui les accepte.

Le sociologue Ahmed Joumani ajoute : “La question de la jeunesse prend une place importante dans nos débats au sein de la commission et ce que je constate, c’est que les jeunes ressentent un certain dédain par rapport aux acteurs politiques (…), mais cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas conscients politiquement.

Mohamed Tozy a pour sa part été “surpris” par les discours très structurés. “Quand on voit par exemple une femme d’une région reculée qui prend la parole et déroule avec aisance et clarté son propos, c’est le parfait exemple que le taux de conscience est grand dans différentes franges de la société”, affirme-t-il.

Mais encore ? Toujours dans le Maroc dit “profond”, Mohamed Fikrat a constaté que “les gens n’ont certes pas les moyens, mais réussissent toujours à trouver des solutions adéquates. Ce qui est important pour eux, c’est le capital humain”. Et de conclure en une métaphore : “D’où la nécessité pour nous de faire un focus sur le logiciel et non le hardware.

Rendez-vous en juin

Après les constats, quid des solutions susceptibles d’être esquissées dans le rapport que la commission remettra au roi Mohammed VI en juin ?

“C’est le citoyen qui sera au cœur du modèle de développement, et ce n’est pas qu’un slogan”

Mohamed Tozy

Prudent, Driss Ksikes répond : “Il est clair que nous nous devons d’opérer une rupture sur certains points, par exemple la notion d’État de droit ou la réédition des comptes. Nous pouvons aussi donner des signaux pour le changement de trajectoire sur les questions culturelles ou des libertés. On doit en finir avec les hésitations (…), nous ne sommes pas là uniquement pour opérer des ruptures, mais aussi pour comprendre les dynamiques et le monde dans lequel on vit.”

Dans la même lignée, Mohamed Tozy ajoute : “C’est le citoyen qui sera au cœur du modèle de développement, et ce n’est pas qu’un slogan. L’idée étant de changer d’angle de traitement de l’équation. Je vous donne un exemple : quand une institution publique annonce qu’elle a construit 500 écoles, le plus important ce ne sont pas les structures construites, mais le nombre d’élèves qui vont en sortir en sachant lire et écrire.”

Et de rappeler que le modèle de développement ne sera pas “une baguette magique, car après tout, nous sommes tous responsables pour la construction de ce modèle”.