Dans un courrier adressé jeudi 26 mars à Othman Benjelloun, président du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj, constate “des écarts et des situations en décalage” avec les principes d’accompagnement des entreprises par les banques pour traverser cette crise exceptionnelle.
“L’impact de ces écarts, s’ils ne sont pas rattrapés, pourrait être fatal à de très nombreuses entreprises, pourtant aptes à retrouver leur rythme de croisière après cette crise”, écrit le président de la CGEM, qui a également envoyé cette lettre au gouverneur de Bank Al-Maghrib et au ministre de l’Économie et des Finances.
Le patron des patrons liste ensuite une série d’irrégularités relevées au niveau des institutions bancaires ayant un impact négatif sur la santé économique des entreprises déjà fragilisées par cette période de crise. Et en premier lieu, “le traitement au cas par cas des entreprises”, que la CGEM considère être “en décalage” avec la situation, “sauf demande expresse” des clients des banques.
Maintenir les PME exportatrices
“D’autres banques ont décidé de refondre leur appréciation des risques et réduisent les lignes de PME jusque-là clientes, ce qui leur est fortement préjudiciable”, alerte Chakib Alj. “Le cas des PME exportatrices est également préoccupant. Ces unités doivent impérativement être maintenues puisqu’elles permettront, dès la reprise en Europe, à la fois d’assurer quelques dizaines de milliers d’emplois, mais aussi de rapatrier des devises aujourd’hui rares”, fait-il valoir.
Autre demande formulée par Chakib Alj : la mise en place, en urgence, du dispositif de financement en fonds de roulement à un niveau suffisant “pour rétablir un sentiment de sécurité des entreprises”. “À défaut, nous subirons la disparition de nombreuses entreprises et de très lourdes pertes d’emplois”, prévient le président de la CGEM, rappelant qu’en Europe, certains crédits exceptionnels de trésorerie, remboursables sur 5 ans à taux zéro et construits sur la base d’un plan de trésorerie avec zéro recette pendant 3 mois, ont été mis en place.
Déficit de traitement
“De même, les unités de service aux entreprises, caractérisées par une masse salariale lourde, souffrent d’un déficit brutal de traitement de la part de certains de vos confrères (revenant sur leurs autorisations de découvert, par exemple)”, relève encore le patron de la CGEM.
“Nous tenons également à souligner que le report des échéances de crédits moyen terme et de leasing est généralement bien suivi. Néanmoins, nous relevons la difficulté d’accès de certaines entreprises à leur responsable clientèle, impactant le délai de réponse à leurs requêtes”, ajoute-t-il. Aussi, “il apparaît que certains de vos confrères annonceraient des pénalités ou intérêts supplémentaires, et d’autres n’accepteraient le report qu’à compter du mois d’avril. En comparaison, certains pays européens reportent, à la fin des contrats, les échéances de 6 mois”, note le président de la CGEM.
Augmentation des marges
Enfin, certaines banques “ont augmenté leurs marges et la tarification des emprunts. Le taux de refinancement des importations sont parfois passés de 1,5 % à 3,5 % (pourtant, BAM a réduit son taux de base et les taux de base sur le dollar et l’euro sont à des niveaux historiquement bas). Les taux de change sont parfois sans rapport avec les cours pivots et certaines salles de marché sont fermées”, déplore-t-il.
“Nous sommes convaincus que le CPBM est parfaitement conscient de l’extrême gravité de la situation pour les entreprises et qu’il se tiendra à leur côté (…) pour dépasser cette situation de crise exceptionnelle”, conclut Chakib Alj.
Le 19 mars, le GPBM avait annoncé dans un communiqué une série de mesures proposées par les banques pour soutenir les ménages et les entreprises en difficulté à cause de la pandémie de coronavirus, notamment le report d’échéances des crédits amortissables et la couverture des besoins en fonds de roulement des petites, moyennes et grandes entreprises.