Le ftour avec... Abdellah Tourabi : “Je ne suis pas théologien mais la prière de tarawih n’est pas une obligation”

Animateur de l’émission “Confidences de presse” sur 2M et ancien directeur de la publication de TelQuel, Abdellah Tourabi nous raconte ses petites habitudes ramadanesques à l’heure du ftour, et bien plus. Entretien.

Par

Abdellah Tourabi, journaliste et chroniqueur.

Avant le ftour, vous êtes plutôt sport ou canapé ?

Je suis plutôt marche. Sauf s’il y a un bon match de football à la télévision, comme le Liverpool-Barcelone d’il y a deux ans, à ce moment-là je suis plutôt canapé !

Et lorsque le ftour approche, vous êtes derrière les fourneaux ou déjà positionné à table ?

Déjà positionné à la table avec la télécommande entre les mains.

Justement, pour l’animation, vous êtes plutôt télévision ou radio sur fond de tarrab al andaloussi ?

En attendant le ftour, je suis plutôt radio et musique. C’est à l’heure du ftour que j’allume la télévision.

Et les sitcoms de ramadan, ça vous prend ?

J’essaye de suivre ce qui se passe sur les chaînes marocaines et arabes. Au bout de trois jours, ma sélection est faite.

Ce ramadan, vos dattes viennent d’où ? Vous aussi vous boycottez l’Algérie ?

Je suis pour le made in Morocco.

À l’heure du ftour, vous dévorez quoi en premier ?

Je suis quelqu’un de très traditionnel. Du lait, des dattes et un verre de thé à la fin du repas.

De quelle école êtes-vous : de ceux qui privilégient un seul repas ou plusieurs durant la soirée ?

Un seul repas. J’ai pris quelques kilos ces dernières années donc je surveille ma ligne. Je partage mon repas entre fruits et légumes.

Et vis-à-vis du shour, vous vous positionnez comment ?

Je dors. Il fut un temps où je me réveillais pour le shour, mais avec l’âge, le sommeil est devenu sacré.

Lecture spirituelle ou littéraire pour le ramadan ?

Plutôt historique. J’adore l’histoire durant le ramadan. Depuis des années, ce sont des livres d’histoire qui animent cette période de l’année. Je lis des livres sur l’histoire de l’islam et sur l’histoire du Maroc.

Dans votre fiche Wikipédia, on dit de vous que vous êtes comme un intellectuel qui ose dire haut et fort que les musulmans doivent “dépasser leurs réflexes de défense pour affronter la part maudite de la religion”. Qu’en pensez-vous ?

Je peux vous assurer que je n’ai pas écrit ma fiche Wikipedia ! Je ne sais pas si je dois remercier cette personne ! Ça doit sans doute faire référence à des éditos que j’ai écrits pour TelQuel… Mes écrits ne sont pas si audacieux, mais j’essaye de défendre un islam tolérant et ouvert sur le monde. Surtout, je fais la différence entre l’histoire de la religion et la foi qui sont deux choses distinctes.

Tarawih dans les mosquées, pour ou contre ?

Absolument contre. Je ne suis pas théologien, mais la prière de tarawih n’est pas une obligation. Je comprends que ce mois est un mois de spiritualité, mais l’intérêt général prévaut sur l’épanouissement spirituel. Dans l’islam, il y a la notion de hifd nefss (l’intégrité des gens) qui est au-dessus de tout. Qui plus est, je ne vois pas pourquoi un pays musulman chercherait à interdire l’accès à ces mosquées si ce n’est pour l’intérêt général.

Et les cafés ?

Pour moi, c’est la même chose. Il fallait fermer les mosquées et les cafés. Je pense que les décisions du gouvernement sont basées sur des données scientifiques.

Cela fait désormais près de cinq ans que vous animez Confidences de presse sur 2M. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru ?

Le trac est toujours là. Mais je me rends compte de la difficulté d’avoir un débat public de qualité au Maroc. Nous sommes en pleine année électorale et la seule chose qui a animé le débat, c’est le quotient électoral…

Justement, pensez-vous que la parole au Maroc s’est libérée ?

Il est difficile de répondre à cette question. Sur des thématiques de société, de culture et de valeur, on peut dire que le débat est plus serein. Mais sur le champ politique, le débat est de plus en plus pauvre. Pourtant, l’opinion publique s’exprime à travers les réseaux sociaux. Mais il y a un réel décalage entre le foisonnement des réseaux sociaux et l’absence d’intellectuels qui doivent contribuer à donner du sens au débat ainsi que des orientations nouvelles.