Le ftour avec... Asmaa El Arabi : “Au fil des années, tu fais autant le tri dans tes relations que dans ce que tu mets sur la table”

L’humoriste Asmaa El Arabi, alias The Tberguig, nous raconte ses petites habitudes ramadanesques à l’heure du ftour, et bien plus. Entretien.

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L'humoriste Asmaa El Arabi, alias The Tberguig. Crédit: DR

TelQuel : Ça fait deux semaines que le ramadan a commencé. Comment le vivez-vous ?

Asmaa El Arabi : Je suis une fervente partisane du jeûne en général. Je me sens bien, je suis contente du challenge, et je trouve que ramadan donne vraiment un sens à mes journées. C’est une vraie satisfaction de passer la ligne d’arrivée du ftour.

Justement, avant le ftour, vous êtes plutôt sport ou canapé ?

Je suis plutôt active, en cuisine à essayer de tout réchauffer, avec mon mari qui essaie d’être utile, en vain (rires). J’essaie de le pousser hors de la cuisine, mais c’est sympa qu’il veuille aider !

Vous êtes donc plutôt derrière les fourneaux qu’à table à attendre…

Je suis plutôt du genre à me lever cinq fois de table parce que j’ai oublié le jus au frigo ou la sauce soja.

Vous préférez la sauce soja au sellou ?

Au fur et à mesure des années, tu fais autant le tri dans tes relations et connaissances que dans ce que tu mets sur ta table du ftour. Sellou, je sais que c’est un ami que j’aime bien, mais je ne passe pas trop de temps avec lui, juste deux ou trois fois pendant ramadan, pareil pour chebakkia. Mes vrais amis, ce sont les plats de résistance.

Et vu que je n’ai pas un appétit de loup-garou, bien que ce soit la pleine lune en ce moment, on met un peu de tout sur la table de ftour. C’est censé être un moment zen et détox. Le but, c’est d’appréhender l’alimentation différemment, d’avoir conscience de ce que tu manges.

Vous privilégiez un ou plusieurs repas pendant vos soirées ramadanesques ?

Pour le ftour, on pose tout. Des petits salés surtout et un plat de résistance, ainsi qu’une soupe asiatique avec du poulet et du gingembre, ou de la harira, mais je la trouve un peu trop riche. Ensuite, je dors pendant la mi-temps, parce qu’en général je suis K.O après le ftour et je ne bois pas de café.

Puis il y a le match retour : je me réveille vers 22 heures pour faire ma prière et je mange ce que je ne peux pas prendre pendant la journée : chocolat, bonbons, chips… Puis je redors et me réveille pour le shour, et là c’est “à la guise de l’imaginaire” comme dirait Gad Elmaleh. Je peux manger des spaghettis comme un granola healthy.

Vous êtes plutôt sitcoms de ramadan ou Netflix ?

Je ne regarde pas vraiment de sitcoms. Je suis plus orientée vers le digital, mais j’essaie d’éviter les écrans, ayant un métier déjà très porté sur les réseaux sociaux. Il m’arrive de saturer après le ftour, donc je préfère lire.

Vous êtes plus lecture spirituelle ou littéraire ?

Je viens de finir un livre, L’architecte du sultan, d’Elif Shafak. C’est dans l’ambiance ramadanesque, ça se passe à l’époque ottomane, en Turquie. J’essaie tout de même de privilégier des lectures spirituelles. C’est un mois dans l’année, donc autant le faire à ce moment-là.

Même quand je regarde des choses sur Netlfix, j’essaie de faire en sorte que ce soit cohérent avec ma routine de ramadan. Je n’irai peut-être pas regarder The Real Housewives of Beverly Hills… Je vais rester sur des choses qui ont un peu plus de sens.

Vous êtes d’accord avec la fermeture des cafés et mosquées après le ftour ?

Je comprends la décision, parce qu’à l’échelle de l’individu, on n’a pas vraiment conscience de l’impact que peut avoir le fait de tous se rassembler. Mais ça me manque, et même aux personnes qui prennent ce genre de mesures. C’est une contrainte partagée, mais on vit avec notre temps. Même si ce côté night life pendant ramadan, surtout à Casablanca, est très sympa.

En tant qu’humoriste, est-ce qu’un responsable politique vous fait rire ou vous inspire des sketchs ?

Je ne m’inspire pas de la politique en général parce que ce n’est pas mon créneau. Je trouve ça facile pour un artiste, comme faire des blagues de mauvais goût ou libidineuses. Ce n’est pas mon style, même si ça peut être drôle.

“Je ne suis pas fan du fait de pointer du doigt les gens, j’essaie de faire de l’humour inclusif”

Asmaa El Arabi

Je ne suis pas fan du fait de pointer du doigt les gens, j’essaie de faire de l’humour inclusif, j’ai envie qu’on se sente tous concernés. C’est pour cela que je préfère parle de sujets de société ou de tendances sociales, parce qu’on s’identifie forcément à un moment ou à un autre.

Pourtant, début janvier, quand il y a eu les inondations à Casablanca, vous vous êtes filmée en train de patauger dans les flaques avec une queue de sirène. Ce n’était pas pour pointer du doigt la mauvaise gestion de la ville ? C’était un peu politique cette vidéo…

Non, mon intention n’était pas politique en tout cas. C’est bizarre à dire, mais le Maroc est mon pays, je l’accepte tel qu’il est, je n’ai pas envie de faire porter le chapeau à des personnes en particulier. Tous les pays du monde ont des problèmes. Mon but était plutôt de transformer ça en quelque chose de drôle et de divertissant.

 

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Dans l’idée de divertir, il y a le fait de faire diversion, et c’est sympa de faire diversion. J’aime bien montrer aux gens qu’on peut voir les choses sous différents angles. Ça permet d’appréhender les choses avec plus de légèreté, et la légèreté est très importante pour moi.

Vous avez sorti un sketch cette semaine sur les (t)fous du volant pendant ramadan. Qu’est-ce que cette période vous inspire ?

J’ai repris un sketch sur lequel j’avais travaillé pendant ramadan dernier, c’est une personnification d’un estomac qui s’appellerait “Maâdi”, un mix entre “maâda” (estomac, ndlr) et le prénom Mehdi. C’est une manière de montrer avec humour que notre estomac ne comprend rien à ce chamboulement, parce qu’il reçoit des quantités astronomiques de bouffe à 3 h 30 du matin et qu’il n’est pas prêt.

 

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Après plus d’un an de pandémie, qu’est-ce qui vous manque le plus du “monde d’avant” ?

Une certaine innocence par rapport à la manière d’appréhender le monde. J’ai l’impression qu’on a perdu cette innocence, parce que les choses ne coulent plus de source, parce qu’il y a une priorité de la santé et une sur-présence de la mort qui n’est pas facile à vivre mentalement. Le fait qu’on puisse s’oublier un peu, ne pas se sentir responsable de la vie de l’autre, me manque aussi.

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