“Dieu est mon seul refuge”

Smyet bak ?

Hammadi Hakkaoui.

 

 

Smyet mok ?

Fatima Fouad.

 

 

Nimirou d’la carte ?

B 550730

 

 

Ça vous fait quoi d’être la seule femme du gouvernement ?

Je trouve ça dommage, j’aurais bien voulu qu’on soit plus nombreuses. Surtout que je pense être beaucoup plus observée que les autres ministres du fait que je suis la seule représentante du sexe féminin.

 

 

Vous voulez dire observée par les médias ?

Oui, absolument. Ils m’ont attaquée dès le début, en m’attribuant des phrases que je n’ai jamais dites ou en interprétant mal mes paroles. Je pense que ça les a dérangés de voir une femme voilée à la tête d’un ministère, ils ont donc voulu détruire ma crédibilité. Je ne me reconnais pas dans l’image que les médias donnent de moi. C’est de la violence politique, en particulier quand ils sortent des rumeurs incroyables.

 

 

Comme celle affirmant que vous êtes la deuxième épouse de Mustafa Ramid, le ministre de la Justice ?

Oui, a3oudou billah ! Ou encore celle disant que mon mari a une deuxième épouse. Ce n’est absolument pas vrai, mon mari n’est pas polygame. Mais heureusement que j’ai une forte personnalité et que je suis soutenue par mon parti et mon entourage. 

 

 

Et votre mari dans tout cela ? Qu’est-ce que ça lui fait d’être Monsieur Bassima Hakkaoui ?

Il le vit bien. Il est professeur universitaire d’économie, il est donc aussi occupé que moi.

 

 

Il a apprécié la rumeur “Bassima Hakkaoui deuxième épouse de Ramid” ?

Non, pas du tout. Il n’a pas trouvé cela drôle, il était affolé. Il a appelé la radio qui est à l’origine de cette rumeur, en expliquant qu’elle portait atteinte à sa personne.

 

 

Vous n’avez jamais pensé à porter plainte ?

Non, je préfère envoyer des messages de rectification. J’aime et je respecte le travail des médias, même s’ils ont parfois tendance à ne pas vérifier leurs informations…

 

 

Gravir les échelons dans un parti islamiste lorsqu’on est une femme, c’est difficile ?

Pas plus que dans une autre formation. J’ai toujours eu la confiance des membres du parti, et ils m’ont confié régulièrement des responsabilités à haut niveau. Je n’ai pas à me plaindre.

 

 

Cela fait presque neuf mois qu’Amina Filali s’est suicidée. La réforme de l’article 475, c’est pour bientôt ?

C’est en cours. Cet article va changer, c’est certain. La place d’un violeur est en prison et nul part ailleurs. Mais cela va se faire dans le cadre de la réforme du Code pénal, le chantier du ministère de la Justice. Mon ministère prépare également une loi contre la violence à l’égard des femmes. Elle devrait voir le jour en 2013, inchallah.

 

 

Vous tenez toujours à votre projet de référendum national sur l’avortement ?

Oui, mais pas tout de suite. Avant cela, il faut qu’il y ait un débat national entre des acteurs bien définis tels que les médecins, les ouléma, les sociologues et les militants associatifs. Il doit d’abord y avoir concertation entre ces différents corps pour proposer un projet de loi qui tienne la route. Après, je pense que ce sera au peuple de trancher.

 

 

Et vous avez un plan concernant les mères célibataires ?

J’y travaille. Les associations font un travail énorme pour les soutenir mais, jusqu’à présent, l’Etat n’a pas trouvé de solution pour les aider à s’intégrer dans la société ou à faire en sorte que leurs enfants aient une existence normale et épanouie.

 

 

En juin dernier, sur Al Jazeera, vous avez scandalisé l’opinion publique en affirmant que “les matchs de foot attirent les enfants des rues, qui restent coincés dans la ville faute de moyens pour rentrer chez eux”. Vous pensez toujours cela ?

Vous savez, je maîtrise le dossier des enfants des rues. Ma thèse en psychologie sociale, je l’ai faite sur les enfants mendiants, et cela m’a pris six ans de travail. Je les ai suivis sur le terrain, je leur ai parlé et j’ai vu comment ils vivent. C’est l’une des très rares études académiques sur le sujet. Je considère donc que je connais bien cette question.

 

 

Votre dernier passage sur Moubacharatan Maâkoum sur 2M vous a valu une poursuite en justice de la part du chercheur Saïd Lakhal, que vous avez accusé de ne pas être “un homme pieux”…

Il faut remettre les choses dans leur contexte. J’ai fait un lapsus, je vous l’accorde, mais je l’ai rectifié immédiatement. Tous ceux qui ont vu l’émission le savent très bien. Je voulais expliquer à une intervenante égyptienne sur le plateau qu’il n’était pas islamiste comme elle le pensait. Je sais que je n’aurais jamais dû dire qu’il n’était pas “pieux”. Je n’ai pas à juger son degré de foi religieuse. Mais je me suis excusée tout de suite, je ne comprends donc pas pourquoi il m’attaque en justice.

 

 

Les passages télévisés en direct ne vous réussissent pas vraiment …

Vous savez, ce n’est pas facile d’être invitée dans une émission où vous êtes encerclée par des intervenants qui sont clairement contre vous et votre parti. Malheureusement, nos émissions de débats ne respectent pas la pluralité politique, il n’y a aucun équilibre. Les invités de Moubacharatan Maâkoum ne représentaient pas le véritable paysage politique marocain.

 

 

Vous pensez aussi, à l’instar de Benkirane par exemple, que la direction de l’information de 2M n’est pas très fan du PJD ?

Ce n’est pas nouveau. Il suffit de regarder leurs émissions. Mais les téléspectateurs ne sont pas stupides, ils sont conscients de tout cela. Ils savent que le traitement fait par 2M nous concernant n’est pas impartial.

 

 

Le voile, vous l’avez mis quand ?

En 1982, quand j’étais à l’université. Avant, je n’étais pas très pieuse, je me posais beaucoup de questions existentielles. J’ai essayé d’avoir des réponses à mes questions et je les ai trouvées dans la religion. J’ai fini par admettre qu’il y avait un Dieu créateur. Quand la conviction s’installe, vous vous sentez soudainement très proche de Dieu. Dieu est réellement mon seul refuge, je me tourne vers lui dans les situations difficiles.

 

 

On vous reproche souvent votre style vestimentaire austère. Vous avez déjà pensé à changer de look ?

Oui, mais je n’y arrive pas. Au désespoir de ma couturière, qui me propose toujours des vêtements plus originaux. Mais c’est plus fort que moi, je reviens toujours à mon style habituel.

 

 

Vous êtes radicalement différente de Nezha Skalli, votre prédécesseur. Quel genre de relations entretenez-vous ?

Elles ne sont pas fameuses. Nous avons souvent été amenées à travailler ensemble lorsque nous étions parlementaires. Mais lorsqu’elle était ministre, elle trouvait que j’étais trop agressive avec elle, alors que je faisais simplement mon travail en tant que députée de l’opposition. Et je ne lui ai jamais manqué de respect.

 

 

Antécédents :

 

1960. Naissance à Casablanca

 

1996. Obtient son diplôme d’études supérieures en psychologie sociale

 

 

2002. Elue députée pour la première fois

 

2005. Décès de sa petite fille Hiba

 

2012. Est nommée ministre de la Solidarité, de la Femme et de la Famille au sein du gouvernement Benkirane.

 

 

 

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer