Hassan Semlali : “J’aurais défendu Hassan II”

Smyet bak ?

Elyazid Ben Ali.

Smyet mok ?

Fadma Aït Tajer. C’est elle qui a fait pleurer toute une salle lors des premières audiences publiques de l’IER en 2004.

Nimirou d’la carte ?

G301961.

L’affaire Anouzla vous a rendu célèbre. Ça vous fait quoi ?

Cela me prive de ma liberté, car désormais les gens me reconnaissent dans la rue, surtout mon kiosquier ! J’ai toujours été discret et je n’ai jamais couru derrière une quelconque médiatisation. Concernant l’affaire Ali Anouzla, tout ce que j’ai fait est de répondre à l’appel d’un ami de longue date qui m’a demandé de le défendre.

Est-il vrai que vous étiez l’un des avocats de l’ONA, actuelle SNI ? 

Je n’ai jamais été l’avocat de l’ONA. J’ai juste été sollicité par Marjane pour résoudre un litige foncier à Hay Riad, à Rabat. La deuxième affaire que j’ai résolue concernait le fils de Mobutu Sese Seko, l’ancien président du Zaïre, qui avait loué un local dans le même Marjane mais qui n’a jamais payé un sou de loyer. Et pas besoin de me poser la question que je devine : je n’ai jamais défendu de trafiquants de drogue !

Selon vous, le roi ne devrait-il pas laisser tomber le business ?

Dans l’absolu, un décideur politique ne doit pas cumuler pouvoir et affaires. Quand vous détenez le pouvoir, votre nom à lui seul peut influer sur le cours des choses dans les affaires. C’est la porte ouverte aux abus. Ce cumul n’est possible que dans un vrai Etat de droit, où personne n’est au-dessus de la loi.

On vous dit proche d’Ilyas El Omari, qui est omniprésent en ce moment…

J’ai connu Ilyas en 1989, au moment où il n’avait pas le sou. C’est un ami d’amis. C’est quelqu’un d’aimable et de serviable. Il a même beaucoup fait pour des gens qui n’ont jamais été d’accord avec lui. Je pense aussi que c’est son dynamisme qui le rend omniprésent comme vous dites. Il a une extraordinaire capacité de travail.

Si Hassan II avait été jugé pour les années de plomb, l’auriez-vous défendu ?

Je ne pense pas qu’il m’aurait choisi, mais je l’aurais défendu s’il n’y avait pas eu d’autre avocat pour le faire. Je pars toujours du principe que chaque homme à droit à une défense.

Vous lui en voulez pour les 15 ans que vous avez passés en prison ?

Je ne me pose même pas la question. Hassan II était un génie, mais un génie maléfique. Entre 1971 et 1973, il a réussi à rebondir après chaque épreuve alors qu’il avait tout le monde contre lui : nous les jeunes de gauche, les anciens de la résistance comme Fkih Basri et toute l’armée. Il a vaincu tout le monde.

Vous êtes tombé dans le marxisme-léninisme quand vous étiez adolescent. Racontez-nous ça.

Je lisais beaucoup et je suivais l’actualité de l’époque. Pour les révolutionnaires que nous étions, le changement ne pouvait venir que du camp soviétique. J’ai intégré le Parti communiste marocain (PCM) en 1968, le plus simplement du monde. Le propriétaire d’une boutique où j’allais lire les journaux à Kénitra m’avait dit que les leaders du PCM venaient souvent là et j’ai pu les rencontrer. Le courant est vite passé, surtout avec feu Aziz Belal.

Est-ce vrai que vous voliez des livres au Centre culturel soviétique à Rabat ?

Je signale d’abord que j’étais responsable de la bibliothèque du PCM, mais sans avoir de local. Je distribuais des tonnes de livres qui nous parvenaient de l’ex-URSS. Au Centre culturel soviétique, on volait effectivement des livres, mais les responsables fermaient les yeux. Pour eux, le plus important était de diffuser l’idéologie marxiste. Ironie de l’histoire, c’est un McDo qui a pris la place de ce centre !

Vous avez ensuite rejoint le Mouvement du 23 mars et êtes entré dans la clandestinité. Des souvenirs ?

J’ai rejoint les rangs du mouvement en 1969. Quand l’étau a commencé à se resserrer autour des militants de Kénitra, la consigne était de partir pour Casablanca. Tout le monde circulait avec de faux papiers et il nous arrivait de voler des mobylettes puisqu’on nous volait les nôtres. La direction nationale, dont je faisais partie, avait au moins cinq planques des

plus sûres à Casablanca.

Il paraît que vous vous êtes fait prendre à cause de Abdeslam Yassine…

Quand il a adressé sa fameuse lettre à Hassan II, “L’islam ou le déluge”, nous avons jugé qu’il était utile de voir ce qu’il y racontait et de la diffuser auprès des autres membres de la direction. Un camarade était venu nous voir dans une villa du boulevard Zerktouni pour prendre des copies que nous avions préparées, mais il a été intercepté par la police. Il a cédé sous la torture et donné notre adresse. Le 2 novembre 1974, à 6 h du matin, j’ai cassé une fenêtre pour prendre la fuite. C’était trop tard et cela a été le coup de massue pour toute l’organisation.

C’était comment à Derb Moulay Chrif ?

Ce n’était pas le Club Med ! Les yeux bandés et les menottes aux poings, j’y suis resté près de 15 mois. Un jour, je n’avais aucune envie d’avaler mon plat de lentilles pourries. Les geôliers ont pris mon refus pour une grève de la faim et m’ont obligé à passer un mois entier dans un couloir balayé par un terrible courant d’air. Ceci en plein mois de décembre.

Quelle était la nature de vos rapports avec l’IER ?

Je n’étais pas membre de cette instance, mais j’ai contribué à son action. Avec Driss Benzekri, Driss El Yazami et Abdelhak El Aimani (ancien procureur général, ndlr), j’ai participé à préparer les recommandations de l’IER concernant la réforme de la justice. L’essentiel de notre travail a été validé dans le rapport final. J’aime travailler pour faire avancer les choses sans faire trop de tapage.

Et le M20, qu’est-ce que vous en pensez ?

J’ai manifesté le 20 février 2011 à Rabat et je suis parti le même jour à Casablanca. J’ai été impressionné par la densité de la foule, mais, de par mon expérience, j’avais déjà décelé l’épuisement de ce mouvement.

C’était sévère comme jugement…

Un tel mouvement devait avoir un slogan fédérateur.

En Egypte, on a tout le temps brandi le slogan “Dégage !” à la face de Moubarak, qui a fini par céder. Ici, c’était pêle-mêle la monarchie parlementaire, le logement, le travail… C’était un fourre-tout. Même la classe politique marocaine a raté ce rendez-vous historique. Aucun parti n’avait de vision sur la séparation des pouvoirs par exemple. Et ils n’ont pas brillé lors de la révision de la Constitution.

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