Il est 13h45 au tribunal de première instance de Casablanca. Les personnes assises dans les rangées de ce tribunal trépignent d’impatience pour suivre la troisième audience du procès de Mouad Belghouat – alias L7a9ed. Après avoir statué sur une affaire, le juge d’instruction demande à passer à la suivante. Mouad Belghouat fait son entrée en compagnie de deux policiers. L’assistance se lève. L7a9ed, impassible, se met devant la barre en compagnie de ses six avocats. « L’affaire de Mouad Belghouat reporté au mardi 10 juin car la partie civile n’a pas encore examiné en profondeur le dossier », statue le juge d’instruction.
Un report qui provoque l’ire des avocats de l7a9ed, dont Mohammed Messaoudi, qui prend à témoin l’assistance, surprise par la rapidité de la décision :
« Nous croyons que les deux premières audiences étaient largement suffisantes pour rassembler le dossier. Mais un report pour la 3e fois de l’audience de Belghouat est incompréhensible. C’est pour cela que nous demandons que Mouad Belghouat soit mis en liberté provisoire. »
Naïma Guellaf, une autre avocate de Belghouat, glisse vers une critique – en des termes mesurés – le fonctionnement même de la justice :
« Parmi les conditions d’une justice équitable, on trouve le fait de prononcer le jugement dans une délai raisonnable. »
Hors de la salle d’audience, l’effervescence des manifestants
Durant ces plaidoiries, l7a9ed écoute, restant silencieux et ne transmettant aucun signe de colère ou de désespoir.
Pendant ce temps, à l’extérieur du tribunal d’Aïn Sebaâ, l’ambiance est aussi tendue qu’à l’intérieur. Des militants du 20-Février et des amis du chanteur, à qui on a refusé d’assister à l’audience, manifestent. Munis de banderoles sur lesquelles on peut lire « Tout le peuple est en rage, liberté pour l7a9ed », les manifestants se sont mis devant les forces de l’ordre pour illustrer leur soutien à Mouad, à l’image de Rabii, qui se présente comme militant du 20-Février :
« Nous sommes venus manifester contre l’injustice exercée à l’encontre de l7a9ed ainsi que sur les 11 militants du 20-Février qui sont maintenant en prison à cause de leur participation à la marche des syndicats du 6 Avril. Nous allons poursuivre le combat et organiser à chaque fois des manifestations devant ce tribunal jusqu’à ce que justice soit faite. »
La version officielle écornée
Au sein du tribunal, le climat est plutôt serein, alors que la défense déroule ses arguments. « Alors que nous sommes ici pour plaider l’innocence de Mouad Belghouat dans le respect et dans le calme, il y a des militants qui crient à l’injustice de l’autre côté », explique, de manière impulsive, N. Guellaf. « La détention provisoire est un jugement contre la liberté et nous demandons la liberté provisoire pour Belghouat qui peut être présent par la suite à toutes ses audiences. Nous vous en donnons notre parole d’honneur », déclare-t-elle, solennelle.
Remarquant l’ardeur avec laquelle les avocats défendent l7a9ed, la partie civile souhaite rétorquer. Le procureur a pris la parole d’un ton terme, rappelant la gravité du chef d’inculpation :
« La poursuite d’un individu en état de détention est conforme à la loi. Toutes les personnes qui sont accusés de violence à l’encontre d’un policier pendant l’exercice de ses fonctions connaissent la même procédure. »
Douche froide sur le public
La réaction de la défense ne s’est pas faite attendre. M. Messaoudi remet en cause la régularité de la procédure :
« Il n’y a même pas lieu de parler de détention ou de liberté provisoires. Mouad Belghouat est innocent et je peux prouver à la partie civile que leurs preuves sont fausses. Le rapport de police comporte des données contradictoires. Celui-ci a été écrit à 15 h10 alors que la victime (le policier, ndlr) raconte qu’il a été agressé à 15 h. Autre élément suspicieux : le certificat médical a été délivré par l’hôpital Moulay Youssef ; or dans le rapport, on remarque que le policier a été soigné à l’hôpital Mohamed Bouafi. »
Ces éléments révélés par l’avocat réconfortent l’assistance, qui commence même à s’enthousiasme. Cet optimisme est de courte durée : le juge n’accorde pas la liberté provisoire à Belghouat.
Comme au début de l’audience, ce dernier n’essaie pas d’exprimer son indignation, mais préfère rester impassible. Il se contente de se retourner vers le public, où il compte bon nombre d’amis et de militants sympathisants, et de faire le signe de la victoire. Comme pour leur donner rendez-vous à la prochaine audience, le 10 juin.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer