Développement durable : un potager dans la cité

Les initiatives pour une alimentation alternative fleurissent dans tout le pays, à l’image du mouvement international Les Incroyables Comestibles, implanté depuis maintenant dix mois au Maroc.

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Photo : DR

Tout a commencé par un voyage en France. Mohamed Chafchaouni, qui y passe ses vacances d’été, découvre des bacs potagers disposés dans les rues. De retour au Maroc, il se renseigne sur l’initiative. Il découvre son nom, Les Incroyables Comestibles, et contacte son coordinateur français, François Rouillay. Mohamed Chafchaouni est lui-même vice-président de l’association Ibn Al Baytar, qui aide les femmes productrices d’huile d’argan, et membre de Slow Food International, qui milite pour un meilleur circuit alimentaire. Dans ce cadre, il participe activement à leur opération « 1000 jardins potagers en Afrique », lancée en 2010, dont le Maroc est un pays pilote. « L’idée des Incroyables Comestibles, c’est un retour à la terre avec des techniques de développement durable. J’ai pensé que c’était tout à fait complémentaire avec notre travail pour Slow Food », raconte le fondateur des Incroyables Comestibles Maroc.

Pour contourner les problèmes administratifs qu’occasionneraient une grande ville, il se lance dans un petit village, Labrachoua, à 50 kilomètres de Rabat. Là, une association est déjà présente, les Jeunes agriculteurs modernes, des étudiants originaires du village qui ont déjà commencé la sensibilisation et sont plus qu’enthousiastes. Lancé en septembre 2013, le mouvement prend, en quelques mois, une ampleur inespérée. Vingt-trois des soixante familles du village ont créé leur propre jardin potager bio. Elles vendent du poulet « beldi » via la coopérative ainsi née. « Nous avons consolidé les liens entre les familles et créé une force », se félicite Mohamed Chafchaouni.

Les femmes au centre

L’un des points névralgiques de cette action, ce sont les femmes, qui en sont aussi les premières bénéficiaires. Selon le responsable des Incroyables Comestibles au Maroc, ce sont elles qui font vivre le foyer et fructifier les ressources financières. « Tout développement démarre par les femmes », assure-t-il. Amina Bellil, responsable du Centre de consolidation des compétences féminines, ne le démentira pas. Avec l’ESPOD (Espace point de départ), association pour la promotion de l’entreprise féminine, elle a fondé ce lieu de formation au cœur de l’ancienne médina de Casablanca. Le centre, qui abrite aussi une école maternelle, permet aux participantes de se former à un métier et de devenir autonomes. Broderie, pâtisserie, cuisine, elles acquièrent un savoir-faire en un peu moins d’un an. L’un des éléments phares du projet se trouve sur la terrasse du bâtiment. Un potager de plantes aromatiques et de légumes bio que les femmes et les enfants apprennent à rendre durable. Les graines, fournies par l’association Terre et Humanisme, sont récupérées et replantées. « Nous voulons être un exemple pour amener tous les gens de la médina à créer leur propre espace vert, même si leur habitat est insalubre », avance Amina Bellil.

Sortir de la détresse

Au-delà du retour à la nature, ces initiatives ont en fait un objectif plus large. A travers les plantes, ce sont les mentalités qui sont visées. « Développer l’amour pour la plante permet de se sentir mieux », explique Amina Bellil, dont le but avoué est de « sortir la population d’un état de détresse ». En ce sens, le Maroc est un terrain favorable à ce genre d’actions alternatives. D’autant que les sols et le climat s’y prêtent. « Il y a une effervescence indescriptible autour du Maroc », soutient Abbès Benaïssa, coordinateur de projets au sein de Terre et Humanisme au Maroc. Il cite l’exemple des Swani Tiqa, jardins maraîchers agro-écologiques à Shoul, près de Rabat. Ou ce jardin pédagogique dans la commune de Dar Bouazza, à la sortie de Casablanca. Ou encore ce projet immobilier incluant des tours végétales à Casa Anfa. A Rabat, l’arrivée des Incroyables Comestibles en zone urbaine est prévue pour la rentrée 2015. Mohamed Chafchaouni est confiant : « Je suis persuadé que ça va réussir. Nous sommes nombreux à militer pour un nouveau monde ».

Elina Baseilhac

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