Yassir Khalil, un architecte qui privilégie les projets à taille humaine

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Ce bâtisseur de talent appartient au club très fermé  des 50 meilleures agences mondiales consacrées par Green Planet Architects*. La clé de son succès ? Des projets à taille humaine, sensibles et respectueux du développement durable.

Il utilise le pronom « nous » pour parler des réalisations de son agence et a suggéré d’illustrer cette interview avec les œuvres de YKS plutôt qu’une photo. Consacré à plusieurs reprises, ce jeune architecte de 44 ans semble allergique aux feux de la rampe. Il a pourtant remporté le concours international pour la réhabilitation de la place Lalla Yeddouna à Fès, projet nominé au World Architecture Festival, à Singapour, et primé au MIPIM de Cannes.

Yassir Khalil Studio compte également à son actif la future gare TGV de Casablanca, la Maison des Arts, l’hôtel Ziryab, l’hôtel Strelysia et bien d’autres projets. Discussion à bâtons rompus.

PROFIL

1995 : Diplômé de l’Ecole Spéciale d’Architecture (DESA Paris)

1995  : Collabore avec l’architecte Roland Simonet (Paris)

1997  : Architecte auprès de l’Agence urbaine de Casablanca

2001 : Crée Yassir Khalil Studio (YKS)

2014 : Consacré par Green Planet Architects [/encadre]
Vous avez été propulsé par Green Planet Architects dans le classement des 50 meilleures agences d’architecture dans le monde. Qu’est-ce qui, à votre avis, vous a valu cette distinction ?

Ce prix nous honore. Il nous a été attribué essentiellement pour notre approche dans les différents projets réalisés ou en cours, dans lesquels nous avons tout mis en œuvre en vue de toujours réduire l’usage de l’énergie dans le bâtiment, y compris dans sa maintenance.

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Une approche bioclimatique environnementale donc. Comment cela se concrétise-t-il ?

C’est d’abord user de manière passive de tout ce que peut offrir la nature, comme l’ensoleillement par exemple. Ainsi, une maison bien orientée est une maison qui consommera moins de chauffage et de climatisation. Ce sont juste quelques aspects de la relation du bâtiment à la nature à prendre en compte. Il y a aussi des manières plutôt actives de réduire la consommation d’énergie lorsqu’on sait que celle du bâtiment totalise 30% de la consommation mondiale en énergie.

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Pouvez-vous nous expliquer ?

En installant par exemple des brise-soleil qui atténuent les rayonnements en été et les laissent chauffer votre intérieur en hiver. L’isolation des bâtiments est importante afin de ne pas avoir de déperdition. D’autres actions actives sont développées dans les réalisations de l’agence : systèmes de captage solaire et photovoltaïques lesquels permettent par exemple de faire fonctionner l’éclairage, l’eau chaude, le chauffage… la réutilisation des eaux usées dans les chasses d’eau et dans l’arrosage du jardin, après les avoir traitées bien sûr. Quant aux matériaux, nous essayons de n’utiliser que ceux qui proviennent d’entreprises soucieuses du respect de l’environnement, de la nature et du dégagement de CO2 dans leur production, etc. On ne veut plus réfléchir à un bâtiment juste d’un point de vue architectural.

On dit justement que le propre d’un architecte, c’est d’être ingénieux, écologique…

De toute façon, l’avenir ne nous laisse pas le choix, il faut être écologique. Autant il est difficile de convaincre un promoteur immobilier d’utiliser l’architecture active, à savoir d’acheter des panneaux photovoltaïques, etc., autant il est facile d’intégrer l’architecture passive dans nos conceptions, en utilisant, à titre d’exemple, ce que l’on appelle un puits canadien. Il s’agit d’un système naturel qui permet de garder la maison, à peu près toute l’année, à une température modérée. En revanche, pour les particuliers qui décident de construire, il est intéressant de réfléchir au prix de la maintenance autant qu’au prix réel. Le gardiennage, le chauffage, la climatisation, le jardinage… tout cela revient de plus en plus cher. De surcroît, il existe aussi des concepts de confort climatique ingénieux qui cloisonnent la maison tel un thermos. Résultat : on préchauffe durant une heure via un système de programmation et l’on empêche la chaleur de se dissiper.

Quelles sont vos aspirations pour l’avenir de l’architecture dans notre pays ?

Je me réjouis de voir une jeune garde marocaine, dotée d’un esprit de compétition et friande de concours, qui donne libre cours à sa créativité. Ce qui augure des réalisations beaucoup plus intéressantes et prometteuses pour l’avenir, parce que l’émulation est de rigueur. L’architecture marocaine a pris un cheminement intéressant. Nous ne sommes pas en train de revenir au passé mais, au contraire, de regarder vers l’avenir avec, parfois, un clin d’œil aux acquis du passé qui étaient ingénieux et auxquels il est possible de trouver un usage plus intéressant, plus contemporain. Ainsi, construire à Marrakech, où il y a une véritable histoire architecturale, n’est pas construire à Casablanca qui est un laboratoire où l’on peut s’exprimer sans retenue (soit en reprenant des éléments de l’architecture coloniale, soit en innovant). A Tanger ou dans une vieille médina telle que Fès par exemple, il y a dans l’architecture ce que personnellement j’apprécie : c’est toujours un nouveau contexte qui va dicter une nouvelle approche.

C’est donc l’environnement qui définit l’architecture adéquate et non pas le contraire…

Parfaitement ! Construire à Dakhla n’est pas construire à Casablanca ou ailleurs. Notre approche réside toujours dans une relecture de l’histoire de l’architecture du quartier, de la ville… Nous pouvons autant privilégier la rupture que l’intégration, en fonction du lieu. Le contexte urbain et sociétal devrait faire partie de l’œuvre architectural ou du moins se refléter en elle.

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Alors, comment qualifieriez-vous votre approche architecturale ?

Je suis pour une architecture intemporelle. Mais si l’histoire est intéressante pour le projet, elle ne doit surtout pas être un frein à l’imagination, à l’avant-gardisme. Le plus important pour nous, c’est de ne pas nous enfermer dans un style. Nous avons plutôt envie d’être contextuel. Nous aspirons à ce que les usagers d’un bâtiment s’y sentent bien, y soient bien intégrés. Ensuite, le bâtiment ne doit pas déranger la ville dans laquelle il est construit mais plutôt s’y fondre. Cela reste l’ultime finalité de notre travail.

Propos recueillis par Asma Chaïdi Bahraoui

*Premier réseau mondial des architectes durables.

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