Dix ans après sa mort, Arafat vit toujours en Palestine... à travers ses photos

Dans le camp de réfugiés d'al-Jalazoun en Cisjordanie occupée, Yasser Arafat reste omniprésent dix ans après sa mort: les Palestiniens conservent religieusement l'image de celui qui incarne leur combat. Reportage.

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Affiches, t-shirts, assiettes, Yasser Arafat est partout. Crédit AFP

« Arafat est le père de la cause palestinienne, il a porté haut le nom de la Palestine et les droits des réfugiés », lance fièrement Ahmed Massoud, 90 ans, qui a fui lors de la Nakba, (la catastrophe), en 1948 lorsque l’Etat d’Israël a été créé. Chassé de son village proche de l’actuelle Tel-Aviv, il a trouvé refuge près de Ramallah, dans le camp d’al-Jalazoun où il entretient jalousement la mémoire d’Abou Ammar, le nom de guerre de Yasser Arafat.

« Ce que j’aime en lui c’est que c’est une figure historique et nationale », poursuit-il, en montrant un tirage photo le montrant aux côtés du leader palestinien vêtu de son traditionnel habit militaire et la tête recouverte de son inséparable keffieh noir et blanc. « Il est pour toujours dans nos coeurs et dans nos esprits, lui et les idées qu’il a portées », poursuit le vieil homme dans un filet de voix.

Son petit-fils, Jamal, n’avait que six ans quand Yasser Arafat est mort le 11 novembre 2004 dans un hôpital parisien. Aujourd’hui, à 16 ans, il le voit aussi comme le « symbole de la Palestine ». « C’est grâce à lui qu’on a parlé de la question palestinienne, il a essayé de nous libérer et de nous construire un Etat palestinien », affirme le jeune homme à l’AFP.

Parce qu’Arafat a littéralement incarné la lutte palestinienne et personnellement combattu les Israéliens avant de devenir leur interlocuteur dans un difficile processus de paix désormais au point mort, conserver sa photo représente un pied de nez aux soldats israéliens, affirme Kamel Doueik, fonctionnaire dans un ministère de l’Autorité palestinienne. « Quand les soldats perquisitionnent une maison et tombent sur une photo des habitants posant avec Arafat, la première chose qu’ils font c’est de la déchirer, de la piétiner et de frapper son propriétaire », jure ce réfugié palestinien de 38 ans. En fait, dit-il, « c’est comme si on leur disait: ‘Arafat est toujours vivant parmi nous, que vous le vouliez ou non' ».

Yasser Arafat sur une coque de portable
Crédit AFP/ABBAS MOMANI

 « Il nous manque cruellement »

Kamel se rappelle avoir posé aux côtés d’Arafat en 2000. Il a caché tous les clichés pour éviter qu’ils ne soient découverts au cours des fouilles menées lors des incursions de l’armée israélienne dans son camp où vivent 13.000 réfugiés venus de 35 localités palestiniennes désormais habitées par des Israéliens. « Yasser Arafat est encore vivant dans nos esprits et il nous manque cruellement, surtout ces dernières années, car sa mort a porté un coup dur à la cause palestinienne », affirme-t-il.

Un peu plus loin, Kamel montre le petit studio de Jihad Nakhlé, le premier photographe à avoir ouvert boutique à Al-Jalazoun. Un temps employé par l’agence de presse officielle, il se rappelle qu' »à chaque déplacement d’Arafat, tout le monde voulait se faire photographier avec lui et ils voulaient tous les clichés tout de suite ».

Car, de retour de 27 ans d’exil, Arafat posait volontiers devant les objectifs aux quatre coins de la Palestine. Visites aux familles de « martyrs », libération de prisonniers, tournées dans les camps de réfugiés, les villes et les villages palestiniens… Tout était l’occasion d’agrandir cet immense album de famille hétéroclite, raconte Jihad.

« Je pense qu’aucun président au monde n’a posé avec autant de ses concitoyens que Yasser Arafat », jure-t-il. « Même ses opposants ont une photo avec lui ».

Majeda El-Batsh/AFP

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