Les sinistrés de Sbouya dans l'attente d'une aide providentielle

Après les dernières inondations meurtrières qui ont frappé le Maroc, les trois quarts des sinistrés survivent comme ils peuvent. Routes et ponts coupés, champ de boue…c’est grâce à l’entraide et aux associations locales que ces populations survivent dans l’espoir de jours meilleurs.  Reportage à Sbouya près de Guelmim où des familles ont trouvé refuge à la coopérative Aknari.

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Les familles sinistrées accueillies dans la coopérative Aknari à Sbouya © Tarek Bouraque
La route de Sidi Ifni/Sbouya endommagée par les inondations © Tarek Bouraque
La route de Sidi Ifni/Sbouya endommagée par les inondations © Tarek Bouraque

Guelmim : c’est l’une des région les plus touchées par les intempéries. Des crues exceptionnelles dans les oueds de cette province située à 200 km au sud d’Agadir y ont été enregistrées. Pour arriver à Sbouya, il faut compter une cinquantaine de kilomètres sur une route semi goudronnée ravagée par les inondations. A l’issu de ce périple, nous sommes accueillis par le moqadem qui après moult négociations, nous autorisera à rencontrer les quelques rescapés de la région qui ont trouvé refuge dans la coopérative Aknari (figue de Barbarie en Berbère), le tout sous escorte.

Un abri temporaire pour réfugiés sans abri

Depuis près d’un mois maintenant, six familles ont investi les locaux de cette coopérative située en plein cœur du village de Sbouya entre Guelmim et Sidi Ifni.

A l’origine, Aknari fait vivre une cinquantaine de familles de la région. Créée en 2001 à l’initiative de l’association mère « Ait Baâmrane pour le développement », elle a bénéficié à ses débuts du soutien de l’ONG canadienne Oxfam et de l’ambassade japonaise à Rabat. Une vingtaine de femmes, issues de la région de Sbouya assurent aujourd’hui le fonctionnement d’une fabrique de produits dérivés de la figue de barbarie.

Les familles sinistrées accueillies dans la coopérative Aknari à Sbouya © Tarek Bouraque
Les familles sinistrées accueillies dans la coopérative Aknari à Sbouya © Tarek Bouraque

Assis à l’entrée du bâtiment, Lahbib Boucetta, nous accueille l’air grave. Comme tant d’autres, cet habitant de Sbouya a tout perdu.

« Tout ce qui reste des maisons, c’est les équipements qui ont été abandonnés dehors. Tout ce qui nous reste ce sont nos enfants et nos petites choses. Tout les gens que vous voyez ici sont très pauvres, ils ne peuvent pas reconstruire. Ils vivaient uniquement de la figue de Barbarie et de leurs bétails. », confie-t-il encore traumatisé par les événements.

Sous un grand hangar, des matelas sont éparpillés un peu partout dans les coins. Un peu plus loin, une cuisine rudimentaire est improvisée. Ici, les rescapés ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour survivre ainsi que sur la générosité de cette coopérative qui fait la fierté du village. « Nous avons reçu des aides le premier et le second jour de notre arrivée ici, après il n’y a plus rien eu », confie l’un d’entre eux.

Tous placent désormais leurs espoirs en de potentiels bienfaiteurs. « Ils nous ont ramené ici, et on nous a dit de rester là, il se peut qu’il y ait une visite royale ou une intervention de la part du maire, et il est possible qu’on nous apporte une assistance. Ça fait 20 à 25 jours que nous sommes là, nous n’avons reçu aucune nouvelle, rien du tout », s’inquiète cependant Jamaâ Ouhrij, rescapé d’un village situé entre Guelmim et Sbouya. Ce commerçant qui a assisté impuissant à l’effondrement de ses deux maisons, partage désormais une vingtaine de mètres carrés avec toute sa famille. Sans possibilité de se chauffer, Jamaâ craint une future chute des températures.

Colère et lassitude des habitants

Si la lassitude et l’inquiétude se lisent sur les visages de ces rescapés, tous dénoncent l’absence flagrante de responsables et de nombreuses questions restent encore en suspens.

« La seule personne qui peut nous venir en aide c’est le Roi », soupire Mbara Metkhoualha qui n’a pu sauver de sa maison en ruine que quelques photos de famille et un portrait de Mohammed VI auquel elle s’accroche fermement.

Mbara Metkhoualha en compagnie de ses petits-enfants
Mbara Metkhoualha en compagnie de ses petits-enfants © Tarek Bouraque

Pour Mbara, veuve d’un ancien combattant marocain, l’unique espoir de retrouver sa vie d’avant repose sur une indemnisation qui lui permettrait de reconstruire sa maison pour ses enfants et ses petits-enfants.

Dans ce village, la majorité des infrastructures ont subi des dégâts, et plusieurs quartiers ont été totalement submergés par les eaux. « Il y a près de 1000 personnes qui sont perdues. Tout le monde a des pertes, sans exception », explique Lahbib Boucetta qui rappelle que la plupart des familles dont les maisons ont été détruites ou endommagées sont réparties de part et d’autre de la région dans des campements temporaires.

« C’est Dieu qui nous a envoyé cela et nous devons l’accepter mais quand je demande à mon père qui a plus de 104 ans, il ne se rappelle pas d’une telle catastrophe », poursuit-il.

Une maison abandonnée à cause des inondations à Sbouya © Tarek Bouraque
Une maison abandonnée à cause des inondations à Sbouya © Tarek Bouraque

Fin Novembre, les autorités provinciales avaient déclaré la province de Guelmim comme zone sinistrée, en raison notamment de l’isolement de la province suite aux débordements de tous les oueds et des dégâts sur les  infrastructures. Une décision accueillie avec soulagement par les habitants de la région puisqu’elle permet aux populations de se faire indemniser.

En attendant, à la coopérative Aknari, en dépit de la fatigue et des difficultés, on tente tant bien que mal de recréer un semblant de vie quotidienne. Quelques enfants jouent au ballon dans la cour, tandis que les femmes s’affairent autour du réchaud pour le dîner. Ici, tous entretiennent l’espoir d’une aide providentielle en dépit d’un sentiment d’abandon grandissant.

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  • Et ça vient nous soûler avec la propagande d’un Moghrib conquérant , qui s’en va prêcher son savoir faire en Afrique . Tozzz