Les Arabes israéliens votent en nombre pour en finir avec Netanyahu

Ce mardi 17 mars, 5,88 millions d’électeurs israéliens sont appelés aux urnes, dans un scrutin qui s’annonce périlleux pour le Premier ministre sortant Benyamin Netanyahu, qui polarise contre lui le vote des Arabes israéliens.

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Benyamin Netanyahu
Benyamin Netanyahu, Premier ministre israélien. Crédit: AFP

Les Arabes israéliens ont semblé répondre massivement mardi aux appels à aller voter aux législatives pour en finir avec six années de pouvoir Netanyahu, lequel a brandi jusqu’au bout le « danger » du vote arabe.

« C’est un jour historique pour les Arabes », qui représentent plus d’un Israélien sur cinq, a lancé Ayman Odeh, numéro un de la liste commune formée par les partis arabes israéliens, devant son domicile dans la ville mixte de Haïfa.

« Aujourd’hui, nous répondons au racisme et à ceux qui veulent exclure les Arabes », après les déclarations anti-Arabes de plusieurs ténors de la droite, dit celui qui présente des candidats arabes mais aussi juifs sur sa liste formée d’islamistes, de communistes et de nationalistes arabes.

Ehab Hamam, ingénieur en informatique arabe israélien de 37 ans, a tenu à transformer la parole en acte. Dans une file d’attente, derrière une cinquantaine d’électeurs et devant beaucoup d’autres encore, il dit vouloir déposer son bulletin « pour dire à la droite et à Netanyahu qu’on est là ».

Plus que faire acte de présence, promet M. Odeh, « nous influencerons les décisions quand nous aurons nos 15 députés, personne ne pourra compter sans la troisième force » du prochain Parlement. « Demain, Netanyahu et la droite se retrouveront dans l’opposition », martèle cet avocat assuré d’emporter mardi son premier mandat de député.

Avec Netanyahu, « jamais d’Etat palestinien »

En position inconfortable dans un scrutin qu’il a lui-même provoqué en dissolvant sa coalition gouvernementale, M. Netanyahu a répondu en postant une vidéo alarmiste sur sa page Facebook le jour même du vote, bien que la campagne ait officiellement pris fin lundi soir : « Le pouvoir de la droite est en danger. Les électeurs arabes se rendent en masse vers les bureaux de vote », dit-il, assis devant une carte du Moyen-Orient, qui vit selon lui sous la double menace jihadiste et iranienne.

La veille, le Premier ministre sortant a fini la campagne électorale en écartant pour la première fois aussi clairement la création d’un État palestinien s’il est réélu.

Benyamin Netanyahu a aussi tenté de mettre les questions controversées de Jérusalem et de la colonisation au cœur du débat. Il a promis de continuer à construire des logements pour colons à Jérusalem-Est, partie palestinienne annexée et occupée de la ville, avec le but déclaré d’empêcher que les Palestiniens n’y établissent la capitale de l’État auquel ils aspirent.

« Les associations de gauche amènent [les électeurs arabes] par bus entiers », a-t-il fait valoir, poursuivant en clamant : « Nous n’avons que vous : allez voter, amenez vos amis, votre famille, votez Likoud pour combler l’écart avec les travaillistes », en tête des sondages avec leurs alliés centristes.

Fin de l’abstentionnisme chez les Arabes israéliens ?

A Haïfa, après six années de gouvernement Netanyahu, à l’instar de Gideon Leber, un retraité ashkénaze [Juif originaire d’Europe, ndlr], beaucoup votent « pour le changement ». Et cet Israélien de 73 ans l’assure, il n’a « jamais vu une queue aussi longue devant un bureau de vote ».

Dans la ville mixte de Chafa Amar, sur les monts de Galilée, Ahmed Hamdi, un militant de la liste arabe assure que la participation a déjà atteint 27%. « Et traditionnellement, c’est plus tard dans la journée que les électeurs affluent », dit-il.

Selon les sondeurs, l’union historique des partis arabes israéliens pourraient faire grimper de 10 points la participation des Arabes, traditionnels grands abstentionnistes. « Aujourd’hui, on va changer les règles du jeu », s’enthousiasme-t-il.

Yoram Barak, psychiatre à Tel-Aviv, hésite encore entre le Meretz, « le seul parti vraiment socialiste », et la liste arabe commune. « Parce qu’il n’y a qu’en s’unissant avec l’autre − nos voisins et nos partenaires arabes que nous pourrons amorcer un véritable changement social en Israël ».

Le bloc arabe, possible faiseur de majorité

Pour Jihad Ghanim, un Arabe israélien de 65 ans qui vote à Jérusalem, « il n’y a pas d’autre choix: en tant qu’Arabe ayant la nationalité israélienne, je vais voter pour la liste arabe commune » de M. Odeh.

« Mon choix repose sur la question qui me tient le plus à cœur : la question palestinienne », dit-il. « J’espère que les Arabes pourront faire partie d’un bloc anti-Netanyahu ».

M. Odeh assure que rien n’est joué de ce point de vue pour le moment. Depuis que les sondages leur promettent la troisième place, les Arabes israéliens, descendants des Palestiniens restés sur leur terre à la création d’Israël en 1948, laissent planer le suspense : soutiendront-ils ou pas une coalition gouvernementale emmenée par le travailliste Isaac Herzog ?

Interrogé par l’AFP, M. Odeh a répondu, sibyllin : « Après les élections, nous écouterons ce qu’Herzog a à proposer et alors seulement nous déciderons ».

Dans le système israélien, ce n’est pas forcément le chef de la liste arrivée en tête qui est appelé à former le gouvernement mais celui, parmi les 120 députés élus, qui sera le plus à même de constituer une coalition. Les derniers sondages vendredi donnaient une avance de quatre sièges à la liste conduite par M. Herzog (25 ou 26) sur celle du Likoud de M. Netanyahu (21 ou 22).

Les résultats définitifs sont attendus d’ici jeudi après-midi, a indiqué à l’AFP le porte-parole de la commission électorale.

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