Au début de la Seconde guerre mondiale, ce sont 90 000 Marocains qui ont rejoint l’armée française, pour échapper à la misère ou parce qu’ils avaient été désignés par le caïd. Faute de document attestant avec précision de leur date de naissance, certaines recrues avaient à peine 15 ans. La plupart intègrent les goums, des unités d’infanterie légère. Elles sont composées à 60 % de Berbères du Haut et Moyen-Atlas alors chargées de la sécurité intérieure. Il n’est pas alors question d’être en première ligne. En novembre 1942, cependant, le débarquement anglo-américain à Alger précipite les choses. L’Armée d’Afrique est levée, les goumiers sont envoyés au front.
Monte Cassino, une victoire entâchée de controverse
La campagne italienne de la Seconde guerre mondiale est peut-être la plus célèbre et la plus controversée dans l’histoire des goumiers. En janvier 1944, les Alliés planifient une attaque directe de Monte Cassino, l’un des points stratégiques de la ligne défensive allemande. Deux régiments de goumiers participent à l’offensive.
Emmené par le maréchal Juin, le corps expéditionnaire reprend quatre places fortes culminant à près de 1 500 mètres d’altitude. Ces victoires constituent un succès autant militaire que sportif dans la rigueur de l’hiver des montagnes italiennes. Des milliers de Marocains meurent dans les affrontements. Sous l’égide officielle du combat pour la liberté, ces soldats ont parfois été utilisés comme chair à canon.
Le courage des guerriers marocains lors de ces combats meurtriers force le respect jusque dans les rangs ennemis. Dans ses mémoires, le général allemand Senger décrit les « magnifiques divisions marocaines […] menées par des officiers français superbement entraînés, équipées à l’américaine ».
Les historiens s’accordent pour dire que cette manœuvre des goumiers a permis de reprendre Rome, à quelques kilomètres plus au nord. Cependant, l’éclatant succès des forces alliées est entaché par des allégations de crimes de guerre commis dans la région. Selon le Sénat italien, plus de 2 000 femmes et enfants ont été violés en marge des batailles. Ces chiffres ne sont toutefois soutenus par aucune archive française.
Zidou l’goudem
Les soldats marocains s’illustrent également par leur loyauté, et ce malgré les tracts largués par les Allemands incitant à quitter l’uniforme français. Il faut dire qu’en 1939, l’appel du sultan du Maroc « à soutenir le peuple français ami face au danger commun » a été largement relayé par les notables locaux et a emporté un succès populaire. Il y avait aussi le sentiment que l’ordre militaire était plus égalitaire que l’ordre colonial, malgré les discriminations qui y persistaient, comme l’avancement lent, l’accès difficile au grade d’officier supérieur et la solde inférieure des soldats « indigènes ».
7 000 soldats marocains ont été tués pendant la Seconde guerre mondiale, 30 000 blessés et plus de 18 000 faits prisonniers. Les soldats marocains tombés pour la France sur les divers champs de bataille d’Europe, d’Orient et d’Afrique du Nord reposent encore sur les lieux où ils se sont illustrés, comme c’est souvent la tradition pour de nombreux pays.
Un peu moins de 14 000 anciens soldats marocains sont encore vivants. Ils sont aujourd’hui les porte-drapeaux lors des commémorations qui ont lieu dans les grandes villes du royaume. L’antenne marocaine de l’Onac, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, à Casablanca, dirigée par Bernard Paquelier, dispose d’un budget annuel d’intervention de 1,8 million d’euros pour fournir notamment aux vétérans des soins médicaux, des médicaments et des prothèses.
Régulièrement, les présidents de la République français se fendent d’une cérémonie commémorative mettant à l’honneur les goumiers. En octobre 2013, François Hollande s’était ainsi rendu en Corse pour les 70 ans de la libération de l’île, autre théâtre de l’action héroïque des goumiers. Le président français avait décoré des vétérans marocains désormais âgés de 89 à 104 ans. Bardés de médailles, ces derniers touchent une solde annuelle de moins de 700 euros (7 600 dirhams), en reconnaissance des services rendus à la patrie reconnaissante, selon la formule consacrée. Comme ils avaient l’habitude de le chanter dans leur chant de tradition Zidou l’goudem, après avoir bien combattu :
« Goumier à la robe de bure,
Tu peux rentrer dans ta tribu. »
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