Maroc-Kabylie: un soutien de circonstance

En plaidant l’autodétermination du peuple kabyle, Rabat  vient de franchir un nouveau palier dans le conflit qui l’oppose à l’Algérie, adoptant une diplomatie plus offensive dont l’efficacité reste toutefois à prouver.

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C’est un véritable coup d’éclat que la diplomatie marocaine vient de réaliser. A l’occasion des travaux de la troisième commission des Nations Unies, le 2 novembre à New York, le diplomate marocain Omar Rabii a appelé la communauté internationale à « faire émerger les voix de huit millions de Kabyles trop longtemps maintenus dans le silence et dans l’invisibilité », ajoutant que le peuple kabyle « doit être accompagné pour qu’il puisse jouir de ses droits légitimes à l’autodétermination et à l’autonomie ».

Le Maroc, qui a toujours dénoncé toute forme d’ingérence dans ses affaires internes, a pour la première fois de son histoire dérogé à cette règle en soutenant publiquement et officiellement l’autodétermination d’une région non souveraine. Le chercheur en relation internationales Mohammed Benhammou justifie cette décision : «Oui, le Maroc s’ingère. Car c’est une évidence qu’il fallait réagir à un moment où un autre. Je dirais même que cette démarche vient un peu tard ».

Un soutien pas si nouveau

Venant du Maroc, le soutien à la Kabylie n’est cependant pas nouveau. Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire Kabyle (ANAVAD), a plusieurs fois été invité au Maroc. En 2011, Mehenni avait pris part au festival Twiza, un rendez-vous initié par le numéro 2 du parti authenticité et modernité (PAM) Ilyass El Omari pour promouvoir les cultures amazighes du Grand Maghreb.

De son côté, le leader autonomiste a exprimé son soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc pour régler le conflit du Sahara. « La proposition marocaine d’une autonomie régionale pour le Sahara me parait plus empreinte de sagesse que l’attitude rigide du gouvernement algérien sur la question », avait-il déclaré à nos confrères de l’Opinion. Toutefois, certaines mauvaises langues soupçonnent le leader kabyle d’être financé par le Maroc. Un mail dévoilé par le hacker-corbeau Chris Coleman, mais dont l’authenticité où l’exactitude n’avaient jamais pu être prouvées, laisse entendre que Ferhat Mehenni, qui vit en exil à Paris, bénéficierait de fonds provenant du royaume.

Un alibi au pouvoir algérien ?

Ferhat Mehenni s’est en tout cas réjoui du soutien du Maroc à l’autodétermination de la Kabylie.« L’ANAVAD adresse, au nom de la Kabylie, ses remerciements au Royaume du Maroc, à son peuple et à leur tête Sa Majesté le roi Mohammed VI », a réagi celui qui a également fondé le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK).

Mais mis à part l’ANAVAD et Ferhat Mehenni, aucune autre instance représentative de la Kabylie ne s’est exprimé sur le soutien apporté par le Maroc à l’autodétermination de ce vaste territoire. Certains diplomates marocains expriment même leurs réserves par rapport à la démarche marocaine.

L’ancien ambassadeur du Maroc à Alger, Ali Idrissi, a déclaré à Akhbar Al Yaoum que l’ « Algérie n’attendait que cela, elle qui après les affrontements de Ghardaïa avait pointé du doigt l’ingérence du royaume mais manquait de preuves matérielles ». Le plaidoyer du Maroc en faveur de l’autonomie de la Kabylie risque désormais de servir d’alibi au pouvoir algérien. Pire, une partie de la presse algérienne appelle désormais à soutenir l’autodétermination du Rif.

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