Travail domestique des enfants : Une nouvelle loi qui ne répond pas à tout

La polémique sur l'âge minimum du travail, notamment celui des petites bonnes, occulte un autre point tout aussi important : comment retirer du marché du travail ces enfants ? Quelles perspectives faut-il leur offrir ?

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La loi polémique sur le travail domestique a finalement été votée le 31 mai en séance plénière au Parlement (49 voix pour, 7 contre). L’âge minimum de travail a été fixé à 16 ans, et les députés ont accepté de couper la poire en deux en instaurant un moratoire de cinq ans avant de relever cet âge à 18 ans, comme réclamé initialement par la société civile. Mais au delà de cette polémique qui a cristallisé les débats, comment la loi sera-t-elle appliquée concrètement sur le terrain ?

Le phénomène des enfants travailleurs est en effet bien enraciné dans la société marocaine. Le nombre des mineurs en dessous de 15 ans travaillant actuellement au Maroc s’élève à 69 000, selon les derniers chiffres de l’enquête nationale sur l’emploi du HCP (Haut-Commissariat au plan) rendus publics en 2015. Ce phénomène touche, selon le HCP, plus le milieu rural avec 62 000 enfants qui travaillent, contre 7 000 dans le milieu urbain. Les garçons sont les plus touchés avec 60.1% et 39.9% pour les filles. Pour le cas spécifique des enfants travaillant dans les maisons, notamment le phénomène des petites bonnes, il n’existe aucune statistique officielle. Pour autant, il s’agirait d’une pratique assez répandue, selon les associatifs. Et c’est à cet aspect que la nouvelle loi veut particulièrement s’attaquer.

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Le débat sur la loi des travailleurs de maison a été monopolisé par l’âge minimum, entre celui proposé par le gouvernement (16 ans) et celui défendu par la société civile, qui milite pour un âge légal de 18 ans.  «On a depuis le début mis à l’index le manque d’un dispositif de retrait des mineurs prévu par la loi» dénonce Bouchra Ghiati, présidente d’Insaf qui milite pour l’éradication du travail des petites bonnes en dessous de 18 ans. Pour elle, c’est le cœur même de leurs revendications de fixer l’âge des travailleurs domestiques à 18 ans. Elle rappelle une évidence:  «Un majeur aura la possibilité interpeller la justice et de porter plainte».

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La future loi prévoit bien un volet coercitif. Elle condamne à une amende comprise entre 25 000 et 30 000 dirhams quiconque emploie un(e) travailleur(se) en dessous de l’âge prévu par le texte (article 23). En cas de récidive, l’amende sera doublée et une peine de prison comprise entre un et trois mois de prison peut aussi être décidée par le juge.

Les sanctions seules ne suffisent pas, et c’est ce que pointe le CETPB qui réclame des «mécanismes pour sauver et accompagner les filles actuellement en situation d’exploitation dans les maisons et ceux/celles qui seront identifié(e)s après la promulgation de la loi».  Mais quelles sont ces mesures d’accompagnement ? «Il faut recenser ces enfants, les extirper du travail pour ensuite les accompagner psychologiquement pour une période transitoire dans des centres spécialisés», explique Mohamed Khattab, membre du CETPB. Après cette période transitoire, poursuit Khattab, les enfants doivent être requalifiés chacun selon son profil : «Ceux qui doivent retourner à l’école, et ceux qui doivent partir à la formation professionnelle».  À ce niveau, le CETPB se plaint que le gouvernement «évite de parler de ce point car il ne veut pas mettre la main à la poche». Pour Khattab, il faut des moyens financiers pour concrétiser ce vaste programme et permettre aux enfants déscolarisés de regagner les bancs de l’école.

Une source proche du ministre de l’emploi nous explique, pour sa part, qu’il n’ y a pas de disposition particulière à prendre puisque la loi prévoit «que tout les enfants en dessous de 16 ans doivent être à l’école», rappelant les programmes d’éducation informelle mis en place par le ministère de l’Éducation nationale.

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Autre bémol soulevé par la société civile : l’application des sanctions, même après la mise en oeuvre de la future loi et quelles que soient le mesures d’accompagnement. La loi adoptée prévoit qu’un inspecteur du travail ou une assistante sociale constatent l’infraction à la loi, tandis que la société civile appelle à privilégier le « flagrant délit ». «Cela nous paraît le plus efficace et le plus facile à mettre en œuvre, plutôt que la procédure classique et inadaptée de l’inspection du travail proposé dans le projet de loi actuel, sur le modèle du code du travail», explique le CETB dans une missive qu’il avait envoyée aux partis de la majorité.

Pour Nouzha Sqalli, député PPS,  ce n’est pas à cette loi spécifiquement de prévoir le retrait de ses enfants du monde du travail, car cela reste la mission de la police. «Pour les mineurs, il doit y avoir l’approche de la pénalisation. Par exemple, pour un crime de droit commun, on va ne peut pas envoyer un inspecteur de travail, c’est le travail de la police». Pour cela, elle propose la mise en place d’une autre loi qui prévoit des sanctions pour ceux qui font travailler les mineurs et les intermédiaires qui aident les gens à les recruter. Autant dire que le vote de cette loi n’est qu’un début, tant que le chemin reste encore long pour faire revenir les enfants déscolarisées sur les bancs de l’école.

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