Lois organiques : Le gouvernement en retard mais pas “hors la loi”

Trois lois organiques, dont celle concernant l'Amazigh, n'ont toujours pas été adoptées par le gouvernement, quelques semaines avant la fin de son mandat.

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Plus de 240 textes de loi ont été adoptés en 2014. Crédit: Yassine Toumi

La date butoir de la fin de la législature pointe son nez. Elle est fixée au 7 octobre 2016. D’ici là, le gouvernement Benkiran est tenu de respecter ce que prévoit la Constitution. En effet, l’article 86 du texte fondamental adopté en 2011 dispose que : « les projets de lois organiques prévues par la présente Constitution doivent avoir été soumis pour approbation au Parlement dans un délai n’excédant pas la durée de la première législature suivant la promulgation de ladite Constitution ». Si pour certains, le gouvernement est « hors la loi » puisqu’il est obligé de faire adopter les trois lois organiques avant le 7 octobre, d’autres, en revanche, font une autre lecture de cette disposition. « Ce texte oblige le gouvernement à soumettre les projets de lois organiques devant les commissions parlementaires mais pas à les faire adopter », nuance Me Salima Farraji, députée du PAM (opposition) au sein de la commission de la  justice, de législation et des droits de l’homme.

Sur les onze lois organiques ayant déjà été adoptées depuis la promulgation de la constitution en 2011, il demeure trois textes qui n’ont pas été déposés auprès des parlementaires.

La loi organique portant sur l’officialisation de la langue amazighe, telle que prévue par l’article 5 de la Constitution, doit notamment définir le processus de mise en œuvre du caractère officiel de cette langue. De même, il est attendu de ce texte de fixer les modalités de son intégration dans l’enseignement et aux domaines prioritaires de la vie publique. La loi est toujours dans les tiroirs du gouvernement, et devrait être présentée d’ici la fin de la législature. « Cette loi apporte son lot de complications. Durant l’adoption de la loi organique sur le droit d’accès à l’information et celle portant sur les pétitions, nous avons proposé des amendements pour introduire la langue amazighe », raconte Me Salima Farraji. Ces modifications n’ont pas été apportées, selon la députée. Résultat : bien après l’adoption de la loi organique sur la langue amazighe, il faudra amender les lois sur le droit d’accès à l’information et celle relatives aux pétitions.

La loi organique portant sur le recours d’une exception d’inconstitutionnalité reste également à être déposée. Elle vient accompagner la loi organique relative à la cour constitutionnelle (déjà adoptée). L’article 133 de la constitution en dresse le champ d’application. Ce recours peut être soulevé « au cours d’un procès, lorsqu’il est soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ». L’affaire est portée ensuite devant la cour constitutionnelle pour qu’elle puisse trancher.

Me Farraji accorde un intérêt particulier à ce texte, car l’utilisation de ce recours peut bloquer les procédures judiciaires. Elle illustre ses inquiétudes: « prenons le cas d’un dossier où l’accusé peut tomber sous le coup de la peine de mort. La défense peut arguer de l’inconstitutionnalité de la disposition du code pénal avec le principe du droit à la vie inscrit dans la constitution », expose-t-elle.  Elle préconise une synergie avec l’ensemble des textes de lois et un encadrement de ce texte. « La mise en place d’une équipe au sein de la cour constitutionnelle apte à valider la recevabilité des dossiers de recours peut constituer une mesure pour résorber les abus », suggère-t-elle.

Dernier texte, la loi organique relative à la réglementation du droit de grève. Si toutes les constitutions marocaines ont reconnu le droit de grève, celle de 2011 va encore plus loin et impose une loi organique. « Toutefois, cette loi est en contradiction avec le code pénal qui sanctionne l’entrave à la liberté de travail », fait remarquer Me Farraji.

Rappelons que cette dernière loi devrait être soumise à la commission des secteurs sociaux. Quant à celle relative au recours d’une exception d’inconstitutionnalité, elle sera déposée auprès de la commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme, tandis que la loi organique relative à l’officialisation de la langue amazighe devrait relever de la commission de l’enseignement, de la culture et de la communication.

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