Botola : Il en FUS ainsi !

Le FUS de Rabat a remporté en 2016 pour la première fois de son histoire le titre de la Botola. Un sacre logique pour un club qui a chamboulé les codes de gestion du foot national. Secrets d’une réussite.

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Le 4 juin 2016 est désormais une date historique pour le FUS de Rabat. 70 ans après sa création, le club rbati a remporté pour la première fois le titre de la Botola. En battant le Mouloudia d’Oujda (MCO) lors de la dernière journée du championnat, il a régalé les quelques supporters présents au stade Moulay Hassan à Rabat, accompagnés d’un bon nombre de fans de l’AS FAR, l’autre club de la capitale.

Grâce à un parcours exemplaire, le FUS a pu confirmer sa suprématie sur les équipes traditionnelles du championnat d’élite, notamment les clubs de Casablanca, le Wydad et le Raja, ainsi que l’outsider de la saison, l’Ittihad de Tanger (IRT). Pendant la saison en cours, le club a signé une saison modeste en Botola mais a pu arracher sa qualification le 7 juillet dernier au quart de finale de la coupe de confédération africaine (CAF). Derrière cette success-story, des joueurs en forme, un coaching réaliste et un management qui n’a rien à envier aux clubs européens.

 

Génération Majidi

Tout a commencé en 2008. Le secrétaire particulier du roi, Mounir El Majidi, prend les rênes du club, évoluant alors en deuxième division. Dans son comité, le gestionnaire de la fortune royale coopte des personnalités du monde des affaires et de hauts commis de l’état : le patron de l’ONEE, Ali Fassi Fihri, l’ex-ministre de la Jeunesse et des sports, Moncef Belkhayat, Moatssim Belghazi, alors patron du groupe royal ONA, Mustapha Bakkoury, ancien patron de la CDG, ou encore Abdelmajid Tazlaoui, patron d’ONAPAR, filiale immobilière du mastodonte SNI, dont il est devenu aujourd’hui l’un des hommes forts.

Objectif affiché : faire du FUS le premier club de la capitale et l’ériger en exemple à suivre, un peu à la manière de la fameuse politique royale des “champions nationaux”, déployée par le secrétaire particulier de Mohammed VI dans le business au début des années 2000. La stratégie adoptée donne ses fruits dès la première année. Un an après la grande transformation, l’équipe retrouve sa place parmi l’élite et rate de peu la coupe du trône face au rival local l’AS FAR. C’est le début de la renaissance du vieux club de la capitale. En 2010, le FUS signe même un doublé: il rafle sa cinquième coupe du trône et crée la surprise en remportant, en Tunisie, et pour la première fois de son histoire, la coupe de la CAF face au redoutable club de Sfax. Quatre ans plus tard, l’équipe rbatie, dont le président d’honneur n’est autre que le prince Moulay Rachid, ajoute une sixième coupe du trône à son palmarès.

 

Carton rouge du Wydad

Suffisamment de titres donc pour donner des soupçons aux observateurs nationaux du sport qui crient au scandale, accusant le FUS d’être privilégié par rapport aux autres clubs de la Botola. “C’est le seul club, avec les FAR, à avoir une couronne sur son logo. C’était aussi le club préféré du prince Moulay Abdellah (…) Depuis, il a coutume d’avoir des présidents proches du Palais”, explique Moncef El Yazghi, auteur de l’ouvrage La makhzanisation du sport au Maroc, qui tient toutefois à nuancer son propos, signalant que le FUS a toujours respecté les règles du jeu. “Il est vrai que le FUS profite du poids de Majidi pour garantir des rentrées stables et éviter les crises financières, mais le club n’a jamais usé de l’influence de ses hommes forts pour magouiller ou tenter de décrocher de force une victoire”, assure-t-il.

D’autres ne sont pas du même avis, à l’image du Wydad, qui s’est fait doubler à trois semaines de la fin de la saison 2015/16 par les poulains de Regragui. “Le FUS n’a pas souffert cette année des déplacements et de nomadisme puisqu’il dispose de son propre stade. C’est aussi le seul club qui travaille beaucoup avec la vidéo, qui constitue 40% du travail du staff technique pour bonifier les joueurs. Or, filmer un match avec différentes caméras est interdit par la SNRT qui dispose des droits télé”, tacle un dirigeant du club casablancais, qui n’hésite pas à qualifier cette pratique de “passe-droit”.

De la Makhzen Bank au foot

En juillet 2014, Ali Fassi Fihri quitte la présidence de la section football du FUS et cède sa place à Hamza El Hajoui pour un mandat de quatre ans. Un quadra à la tête bien faite qui a roulé sa bosse à la CDG, dans les RH puis en tant que directeur support de CDG Développement, bras armé de la vieille dame de Rabat dans l’aménagement territorial et les métiers de l’immobilier. Inconnu du milieu du foot, l’homme poursuit la stratégie de modernisation et de professionnalisation lancée par Majidi. Appuyé par un staff professionnel et déroulant une gestion corporate, il réussit à assurer une stabilité financière au club. Quand les autres grands clubs affichent des bilans dans le rouge, année après année…

La nouvelle direction avait un projet basé sur trois axes: développer notre infrastructure, assurer une bonne gouvernance et miser sur la formation des joueurs”, explique Hamza El Hajoui. Pour lui, ce sont des atouts essentiels pour construire un club professionnel. “Nous avons voulu travailler sur le long terme”, insiste-t-il. Des projets de fond sont lancés, notamment sur le volet infrastructure. Au lieu de jouer au complexe Moulay Abdellah, trop grand pour un club “sans public”, le FUS s’est offert son propre stade, flanqué d’un nom princier : Moulay Hassan.

Ouvert en 2011, le stade met à la disposition des joueurs un espace de fitness, une piscine olympique, une salle omnisports, un centre médico-sportif et une salle de conférence. Pendant ce temps-là, les autres dépensent des millions de dirhams pour renforcer leur effectif, souvent en pure perte. Une course à la perle rare à laquelle le FUS n’a jamais voulu participer. “Pour gagner des titres, nous avions deux options: acheter des joueurs très chers ou former de jeunes joueurs. Nous avons opté pour la seconde”, signale El Hajoui. L’école du FUS accueille actuellement près de 900 jeunes détectés par le club et encadrés par une équipe de formateurs qualifiés. “Nous aspirons à devenir un club fournisseur de joueurs plutôt que d’être de simples acheteurs”, explique le patron du FUS foot. Mais son ambition ne s’arrête pas là. Une académie, située dans le quartier El Fath à Rabat, ouvrira bientôt ses portes, ainsi qu’une école dédiée au football féminin.

 

L’atout jeunesse

Pour le volet technique, le comité de direction mise sur des coachs jeunes, sans grands faits d’armes : Houcine Ammouta, Jamal Sellami ou encore Walid Regragui, qui mène l’équipe depuis 2014. Un choix qui ne faisait pas l’unanimité dans les milieux sportifs, mais qui s’est avéré judicieux. “J’étais critiqué pour avoir choisi Walid comme coach, il n’avait pas d’expérience alors qu’on visait un titre majeur, confie El Hajoui. Pourtant, je n’ai jamais douté qu’il était l’homme qu’il fallait pour notre stratégie, quitte à attendre l’arrivée des titres (…) Walid était à la hauteur de nos attentes”.

Ancien latéral droit de l’équipe nationale, le jeune coach de 38 ans est un homme de caractère, un communicant hors pair. Il a surtout carte blanche sur la gestion de l’effectif. La saison dernière, il avait refusé de recruter de nouveaux joueurs. Mais en deux ans, il a transformé un inconnu comme Mourad Batna en grand buteur. Il a également redonné force et confiance à des talents comme Gnaoui, Skouma ou Baha que l’on croyait finis après des passages à vide dans leurs anciens clubs. De quoi donner confiance à Regragui pour les échéances qui l’attendent, dont les quarts de finale de la coupe de la CAF qui se joue cet été. Un test grandeur nature pour le FUS dans les compétitions africaines, avant la reprise du championnat national.

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