Pourquoi le PJD paraissait-il aussi concerné par la tentative de putsch en Turquie?

La tentative de coup d’État en Turquie a été suivie au Maroc, plus particulièrement par le PJD. Le parti de la lampe se sent-t-il plus concerné que les autres acteurs politiques marocains par la situation ? Eléments de réponse.

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Crédit : Yassine Toumi / telquel

Durant le weekend qui a suivi la tentative de coup d’État en Turquie, le site officiel du PJD a consacré plus d’une cinquantaine d’articles à l’évolution de la situation en Turquie. Aziz Rabbah, membre du secrétariat général du parti de la lampe, a écrit la soirée du putsch sur sa page Facebook « Que Dieu préserve notre Oumma et notre patrie de tout malheur », avant de publier, environ une heure plus tard : « Notre Oumma a gagné, la Turquie a gagné, la démocratie a gagné, les putschistes seront déçus où ils se cachent ». Ce post intervient après l’annonce par le premier ministre turc Binali Yıldırım à la télévision que « la situation est largement sous contrôle ». D’autres dirigeants, comme Najib Boulif et Saadeddine Elotmani, ont exprimé sur les réseaux sociaux le lendemain du coup d’État, le 16 juillet, leur soulagement suite à l’échec du putsch. Le même jour, c’est le parti qui envoie une lettre au président de l’AKP turc pour « féliciter le peuple turc qui a affronté la tentative de putsch échouée » et présenter « ses condoléances aux familles des martyrs ».

Cette réactivité donne l’impression que les islamistes du PJD se sentent concernés par l’évolution de la situation en Turquie. Une impression confirmée par Abdelali Hamieddine, membre du secrétariat général du PJD : « Nous étions inquiets du sort de l’expérience démocratique en Turquie », une inquiétude justifiée par notre interlocuteur par l’onde de choc qu’aurait provoquée la réussite de ce putsch dans toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. « Le succès de putsch aurait encouragé les courants anti-démocratiques au Maroc de continuer leurs plans », note-t-il.

Une nouvelle offensive anti-islamiste ?

Pour le politologue Mustapha Sehimi, « le putsch constitue une grande alerte pour le PJD ». Selon lui, cela s’explique d’abord par un contexte régional qui a connu un « reflux de la poussée islamiste que la région avait connue auparavant ». Les États-Unis avaient, depuis plusieurs années, encouragé l’intégration des islamistes dans le jeu politique, poursuit Sehimi, mais le contexte mondial de la recrudescence des mouvements djihadistes a changé cette donne. D’un autre côté, le PJD « constate que ce reflux ne s’est pas arrêté avec Morsi, mais se poursuit dans un grand pays ».

Quid de la situation nationale ? Sehimi souligne qu’à l’approche des élections, si le putsch avait réussi, le PJD serait dans une position difficile pendant la campagne électorale où « il ne se sentirait pas à l’abri d’une politique de restriction ou de minoration ».

Mohamed Yatim abonde dans le même sens. Dans une interview diffusée sur le site pjd.ma, le fraîchement nommé responsable des relations internationales du parti a exprimé son « inquiétude » car cette tentative allait « décevoir l’espoir d’un modèle [le modèle turc, NDLR] qui a les pieds dans le monde arabo-musulman mais dont l’expérience démocratique est réussie ». Une situation qui allait « causer du tort à l’expérience marocaine », poursuit Yatim.

« Le PJD surfe sur la vague »

Aziz Chahir, politologue, lit la situation différemment. « Il n’y a pas d’intérêt particulier du PJD pour ce qui s’est passé en Turquie », affirme-t-il. Il souligne que « la prise de position des autorités marocaines a dépassé de loin en intensité celle du PJD ». Pour lui, « il y a un fossé entre l’AKP qui évolue dans un régime laïque, et dans la littérature du PJD, la laïcité n’est pas un modèle transposable au modèle marocain ». Mais pourquoi alors ces réactions des responsables du PJD envers l’évolution de la situation en Turquie ? « Le PJD tente de donner l’impression qu’il a un allié idéologique et vient se greffer à l’AKP sans avoir le même référent idéologique », analyse-t-il. Et de conclure : « Le PJD surfe sur la vague pour être propulsé au niveau international ».

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