Après quelque 15 heures de débats, les sénateurs, qui votaient à la majorité simple, se sont déclarés à l’aube, par 59 voix contre 21, pour la tenue du procès de Mme Rousseff, suspendue depuis le mois de mai sous l’accusation de maquillage des comptes publics. La séance, dirigée par le président du Tribunal suprême Ricardo Lewandowski, avait débuté mardi à 09h45 heure locale (12h45 GMT).
Pour les deux camps, l’issue ne faisait guère de doute. Ce vote, largement défavorable à Dilma Roussef, laisse présager un scénario difficile pour la présidente, selon des sénateurs qui se sont confiés à l’AFP. « Ce vote démontre une majorité claire et une position définie du Sénat dans ce processus de destitution tant discuté », a déclaré le sénateur Romero Juca, à l’issue de la session.
M. Juca est issu du parti de centre-droit PMDB, conduit par le vice-président Michel Temer. Ce dernier, qui assure l’intérim à la tête de l’Etat, devenu le rival de Dilma Roussef, a assuré que celle-ci serait destituée entre le 28 et 29 août. « Elle est coupable par action ou omission », a déclaré durant son discours Miguel Reale, l’un des avocats ayant signé la demande de mise en accusation de la présidente.
La défense de cette dernière, représentée par l’ancien ministre de la Justice José Eduardo Cardozo, a appelé à l’acquittement de Dilma Rousseff et précisé qu’ « un président de la République ne pouvait être démis de ses fonctions qu’en cas d’atteinte à la Constitution. Ce qui représenterait un crime majeur ». « Je suis du bon côté de l’Histoire » a affirmé M. Cardozo.
Après cette nouvelle étape, le procès de Mme Rousseff devrait s’ouvrir le 25 août, quatre jours après la fin des Jeux Olympiques, et durer cinq jours. Il se tiendra devant le Sénat, de nouveau présidé pour l’occasion par le président du Tribunal Suprême Ricardo Lewandowski. Le vote final se fera à la majorité des deux tiers. En cas de destitution définitive de la présidente, ce sera la fin de plus de 13 ans au pouvoir pour le Parti des Travailleurs (PT, gauche). Michel Temer, 75 ans, remplacera alors Dilma Rousseff jusqu’à la fin de son mandat, fin 2018.
Mme Rousseff serait alors le deuxième chef de l’Etat brésilien à être écarté du pouvoir, après Fernando Collor en 1992. M. Collor avait démissionné trois mois après l’ouverture d’une procédure de destitution pour corruption, au moment où le Sénat s’apprêtait à le reconnaître coupable.
La présidente, réélue pour un second mandat de quatre ans fin 2014, est accusée d’avoir maquillé les comptes publics et d’avoir signé des décrets engageant des dépenses non prévues au budget sans avoir demandé au préalable l’accord du Parlement, une pratique à laquelle ses prédécesseurs ont largement eu recours. Mme Rousseff conteste formellement avoir commis un quelconque « crime de responsabilité » et dénonce un coup d’Etat institutionnel ourdi par M. Temer et la droite brésilienne.
Sur le plan strictement juridique, le parquet brésilien lui a donné partiellement raison en estimant que les tours de passe-passe budgétaires qui lui sont reprochés n’étaient pas constitutifs de crimes. L’accusation, déjà fragile, ne reposerait plus que sur la signature de quelques décrets litigieux.
Entre les nouvelles médailles olympiques de Michael Phelps, l’entrée en piste d’Usain Bolt et les attentes autour de la Seleçao de Neymar dans le tournoi olympique, les Brésiliens suivent le dernier acte de cette telenovela politique qui a plongé le Brésil dans sa pire crise institutionnelle depuis des décennies. Ce géant d’Amérique latine s’achemine vers sa plus forte récession en un siècle, au milieu du gigantesque scandale Petrobras.
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