Des businessmen marocains racontent comment ils ont gagné leur premier million

Ils ont rêvé d’être riches et d’intégrer le cercle des hommes d’affaires. Pour réaliser leurs ambitions, il leur a fallu leur premier million. Voici comment ils ont réussi à le gagner.

Par et

Crédit: Pictures of Money/Flickr

Le premier million est le plus dur à acquérir, le second arrive tout seul”. Tous les hommes d’affaires qui ont brassé des millions au cours de leur carrière le savent. Le premier million est aussi le plus dur à réaliser, comme pour le premier client ou le premier marché. De ces femmes et hommes d’affaires, nous apprenons que certains ont gagné cette somme en épargnant. D’autres l’ont gagné dans l’immobilier grâce à des placements judicieux. Il y a aussi les chanceux, qui ont gagné leur premier million grâce à un bon deal. Mais pour tous, le premier million en a appelé bien d’autres !

Percer le secret du premier million chez des businessmen dont la réussite est incontestable a été ardu. C’est un sujet tabou, mais nous avons quand même posé la question. Et les réponses varient. Contrairement à la culture entrepreneuriale anglo-saxonne où le succès financier est souvent loué et encouragé, au Maroc, nos femmes et hommes d’affaires entretiennent une relation très complexe avec l’argent. La preuve : sur près d’une quarantaine de businessmen contactés par TelQuel, seuls 13 ont accepté de jouer le jeu. “Je ne souhaite pas évoquer le côté financier de mon business, mais je peux toujours faire des contributions en lien avec la chose sociale ou encore culturelle si ça vous intéresse”, réplique le fondateur d’une société cotée en Bourse. Un autre entrepreneur nous explique simplement qu’il n’“aime pas” parler de lui-même. Au Maroc, le succès est entretenu jalousement dans le mystère. Tous n’ont pas le souci de la transmission et encore moins de donner l’exemple à des millions de jeunes qui nourrissent le rêve de “monter leur propre boîte”.

Adil Douiri, PDG de Mutandis

J’ai pu, en épargnant mes primes, devenir un entrepreneur et cofonder CFG Group, devenu CFG Bank

J’étais gérant de portefeuille sur le marché américain pour la banque d’affaires Paribas. Nos primes dépendaient des performances de nos sicav à Wall Street. Nous avions développé un modèle mathématique de sélection de placements qui marchait bien et nous avions une très bonne équipe. Les résultats étaient bons, donc les primes aussi. C’est comme ça que j’ai pu, en épargnant mes primes, devenir un entrepreneur et cofonder CFG Group, devenu CFG Bank aujourd’hui.

ADIL_DOUIRI_Mehdy_Mariouch_13052015173008

Ghalia Sebti, Co-gérante de Aït Manos

Purchase Order : plus de 90 000 dollars”

Paradoxalement, c’est moins le premier million qui m’a marquée que la première commande à l’export de ma boîte. En 1996, quelques mois après le lancement de nos productions de céramique, le premier bon de commande est enfin tombé, 10 000 francs français, obtenu après des semaines de phoning. Eh oui, c’était au XXe siècle, avant Internet. J’avais 28 ans. Ce chiffre m’a paru énorme et j’étais vraiment fière. Un inconnu nous a fait confiance et fait un virement bancaire à un couple de jeunes Marocains sans aucune notoriété. C’est ça, pour moi, la vraie victoire. Puis l’aventure a continué. En juillet 1998, un gros importateur de carrelages américain a envoyé un fax : Purchase Order : plus de 90 000 dollars”, avec un dollar à 10 dirhams ! Le voilà notre premier million. Tout un symbole.

Ghalia_Sebti_03082016112255

Hachemy Boutgueray, PDG de Anwar Invest

Les premiers bénéfices grâce à l’importation de matériel et de produits d’entretien

Mon premier million de dirhams, je l’ai gagné en 1996. Mon groupe opérait dans la distribution. Mais c’est grâce à notre activité d’importation de matériel et de produits d’entretien que nous avons, avec mes équipes, enregistré nos premiers bénéfices, qui ont été réinvestis dans le développement de mon entreprise. J’ai opté, à ce moment-là, pour une diversification des activités vers l’importation de produits alimentaires et frais. Ensuite, le groupe a connu un essor considérable.

Elhachmi_Boutgueray_10092015001826_03082016112219

Moulay Hafid Elalamy, PDG du groupe Saham

C’était une prime de fin d’année

Mon premier million a été ma première prime de fin d’année au Canada en tant que vice-président du Groupe Solidarité Assurances. Les résultats étaient bien au-dessus du budget et le conseil d’administration nous a alloué des primes exceptionnelles.

Moulay_Hafid_Elalamy__Yassine_Toumi_16_03082016112307

Taoufik Hazeb, aka Bigg, PDG de DBF Studios

J’ai gagné mon premier million à 24 ans

C’était en 2007, à l’issue de ma première tournée. À l’époque, je n’avais pas encore conscience du potentiel que le monde de la musique pouvait offrir et apporter. D’autant que je ne faisais de la musique que pour la musique en soi, pas dans un but lucratif.

Taoufik_Hazeb_03082016112159

Mohammed Khalil, PDG de Dari Couspate

Mon premier million résulte des économies réalisées grâce à la réussite d’une mission en Mauritanie

À 43 ans, je suis parti en Mauritanie pour une courte mission de remise à niveau d’une entreprise agroalimentaire en grande difficulté. Finalement, j’y suis resté plus de 10 ans et ça a permis à l’entreprise en question de devenir le premier opérateur agroalimentaire privé du pays. Cette expérience s’est révélée être l’une des plus passionnantes de ma vie sur les plans personnel et professionnel. Mon premier million résulte des économies réalisées grâce à la réussite de cette mission. Par la suite, je les ai réinvesties à mon retour au Maroc en créant Dari Couspate, en 1996. Sortir de sa zone de confort réserve souvent de très bonnes surprises.

Mohamed_Khalil_Toumi_03082016122219

Moncef Belkhayat, PDG de Dislog

Ma chance, c’est que P&G a changé sa méthode de rémunération des expatriés

À 25 ans, j’ai eu la chance de pouvoir m’expatrier en Arabie Saoudite, à Djeddah, comme directeur régional pour Procter & Gamble [multinationale dans la grande consommation, ndlr] pour la région ouest. Une région qui valait 200 millions de dollars en termes de business (soit deux milliards de dirhams). Ma chance, c’est que P&G a changé sa méthode de rémunération des expatriés. Du coup, mon salaire est passé, en 1996, de 13 000 dirhams à 15 000 dollars, sachant qu’un dollar équivalait à 11,8 dirhams. Et c’est ainsi que j’ai réussi à économiser mon premier million de dirhams. Avec cet argent, j’ai acheté, en 1999, un terrain de 1000 m² au quartier Californie à Casablanca au prix de 1600 dirhams le m². J’ai contracté un crédit de deux millions pour compléter et dégager un budget pour construire une villa. Je l’ai revendue en 2012 à 17 millions. Voilà !

Moncef_Belkhyat_Yassine_Toumi_16032016163744_03082016112246

Mohammed Chakib Rifi, DG de Dataplus

Une avance pour un appartement dans le quartier des hôpitaux à Casablanca.

Je suis patron de mon business, mais je me considère comme salarié de mon entreprise. J’ai un salaire, je paie mes impôts normalement et je reçois des dividendes quand il y en a, à la fin de l’année. La caisse de la boîte et ma poche ont toujours été deux choses séparées et hermétiquement fermées. Quand je suis rentré au Maroc, après des études en France, j’ai commencé à travailler. En parallèle, j’ai donné une avance pour un appartement dans le quartier des hôpitaux à Casablanca. C’était juste avant le boom immobilier du début des années 2000. Du coup, j’ai revendu ce bien avec une belle plus-value d’un peu plus d’un million de dirhams. Je l’ai réinvesti dans le terrain où j’ai ma maison actuelle.

Med Chakib Rifi DR

Amine Benkirane, DG de Kitea

Mon premier million m’a permis de gagner le reste

Gagner mon premier million de dirhams a été un vrai challenge. J’ai importé de la marchandise pour lancer mon business. Je me souviens que c’était durant le mois de juillet 1993. J’avais déjà reçu un accord de principe de la part d’une banque de la place, et j’ai passé la commande pour l’importation. Mais une fois l’opération d’importation réalisée, la banque s’est désistée. J’ai donc eu recours à un deuxième établissement bancaire, qui m’a accordé près d’un million de dirhams. Pour moi, c’est ce million qui a été le plus important, car il m’a permis de démarrer mon aventure dans le business. Et de gagner le reste.

Le PDG de KITEA, Amine Benkirane, pose, le 11 ao˚t 2002, dans son magasin de Casablanca. CrÈe en 1992, KITEA est le premier rÈseau de distribution de mobilier en kit au Maroc. AprËs huit ans d'existence, cette sociÈtÈ possËde un rÈseau de 11 magasins rÈpartis sur l'ensemble du territoire. AFP PHOTO ABDELHAK SENNA / AFP PHOTO / ABDELHAK SENNA
Le PDG de KITEA, Amine Benkirane. AFP PHOTO ABDELHAK SENNA / AFP PHOTO / ABDELHAK SENNA

Aziz El Hajouji, fondateur et président de Oro Mécanica

J’aurais pu avoir 1000 m² au quartier l’Hermitage, à Casablanca. Mais j’ai préféré ouvrir mon magasin dans l’ancienne médina

J’ai mis douze ans à épargner ce montant. J’ai commencé à travailler dans l’univers de la joaillerie très jeune. J’ai été apprenti chez un mâalem de joaillerie où je terminais le boulot vers 16 h. Puis, je continuais ma journée chez un autre. Je gagnais dans les 1500 dirhams la semaine grâce à ma rapidité d’apprentissage et à ma créativité. J’ai ainsi pu épargner 12 000 dirhams que j’ai investis, en 1970, pour me lancer à mon propre compte. J’aurais pu avoir 1000 m² au quartier l’Hermitage, à Casablanca. Mais j’ai préféré ouvrir mon magasin dans l’ancienne médina, à Bab Marrakech. Les fournisseurs m’ont fait confiance. Ils m’ont donné de l’or sans contrepartie et je les payais après avoir vendu la marchandise. Ce n’est qu’en 1982 que j’ai pu parvenir à mon premier million de dirhams.

Aziz_El_Hajouji_Oro_Mecanica_RT_03082016112208

Redouan Bayed, PDG de M2M Group

On s’est adaptés aux besoins locaux, jusqu’à l’apparition de nouveaux marchés

Je ne m’y attendais pas. C’était en 1991. Une année auparavant, au démarrage de M2M, nous avions voulu introduire la technologie de la carte à puce au Maroc. Avec notre petit bâton de pèlerin, nous avions fait la tournée des banques, contacté le ministère de la Santé, les assurances, les PME/PMI, etc. Rien à faire. On s’est adaptés aux besoins locaux, jusqu’à l’apparition de nouveaux marchés, notamment celui des paiements électroniques. La fraude par carte à piste magnétique avait atteint son paroxysme. À partir de là, ce n’était plus le premier million de dirhams, mais des centaines de millions de dollars qui ont transité par nos systèmes de traitement de transactions électroniques sécurisées.

redouane_Bayed_M2M_03082016112218

Saloua Karkri-Belkeziz, PDG de GFI Maroc

J’ai gagné mon premier million de dirhams en 2003

J’ai créé mon entreprise en 1987 grâce à mon solde de tout compte. Je venais de quitter l’entreprise Bull Maroc et reçu 50 000 dirhams. C’est ainsi que Professional Systems est née. Ensuite, j’ai gagné mon premier million de dirhams en 2003, quand j’ai ouvert le capital de ma société à GFI France.

Salwa_Belakziz_(1)_(2)_10022016172322

Karim Tazi, DG de Marwa

J’ai ainsi gagné mon premier million dès la troisième année d’existence de l’entreprise

Un de mes premiers jobs était “chargé de mission auprès du directeur général” dans une entreprise de textile familiale, d’où j’ai été rapidement viré. Cette première expérience m’a permis de réaliser qu’il n’existait pas au Maroc de structures assurant la liaison “culturelle” entre les donneurs d’ordre internationaux et leurs fabricants marocains. De ce constat est née ma première entreprise en 1991. ASPIH, un bureau de liaison et de contrôle dans l’industrie de l’habillement, a connu un succès quasi instantané auprès des distributeurs internationaux. J’ai ainsi gagné mon premier million dès la troisième année d’existence de l’entreprise. En réalité, j’ai la conviction que tout peut arriver quand il y a la conjonction de trois éléments : une équipe soudée et motivée, un projet innovant et un environnement porteur. Et beaucoup, énormément de passion.

Karim_Tazi_03082016112221

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer