A Beni Oukil, le combat des villageois contre une carrière de gravier

À Beni Oukil, près d'Oujda, des villageois et militants sont en lutte contre une carrière de gravier. Poursuivis en justice par le propriétaire de l'exploitation, ils ont été innocentés lundi 27 février. Récit de leur combat. 

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Treize habitants de Beni Oukil, dans la région de l’Oriental, étaient poursuivis pour « entrave à la liberté du commerce », « menaces » et « blocage de route » par le propriétaire d’une carrière de gravier. Ce dernier les accusait d’avoir attaqué l’exploitation. Les habitants réfutent cette version et nous expliquent qu’ils menaient un sit-in pacifique contre la carrière de gravier. La justice leur a donné raison. Les personnes poursuivies ont été innocentées des charges qui pesaient contre elles le 27 février par le tribunal de première instance d’Oujda, nous apprend une source proche des accusés. Parmi eux, Mohammed Akkad, militant écologiste de 31 ans et Ahmed Naïmi, un habitant de 65 ans. Les deux hommes étaient poursuivis en état d’arrestation.

Le jeune militant se plaint d’avoir été interpellé, violemment, dans le hall du tribunal de première instance d’Oujda le 14 février. Il a été présenté le lendemain au juge. D’après une source associative sur place, lors de cette audience le jeune homme était en fauteuil roulant, « ne voyant plus de son œil droit« . Si la justice a blanchi les accusés des charges qui pesaient contre eux, ils n’entendent pas abandonner la lutte contre la carrière.

La genèse de l’affaire

L’exploitation polémique est située au pied de Jbel Dchira, à quelques kilomètres d’Oujda, où les habitants mènent depuis 2014 une lutte écologique. La carrière d’extraction de gravier a émergé de terre sur le flanc de la montagne, à quelques centaines de mètres de leurs habitations, et à l’endroit où ils mènent leurs activités agricoles. Selon Mohamed Benata, militant écologiste au sein de l’Espace de solidarité et de coopération de l’Oriental (ESCO), la « montagne fait partie du domaine privé de l’État« .

L’ESCO tenait d’ailleurs un stand à la COP22 durant laquelle ses responsables expliquaient à nos confrères du Huffington Post leur combat contre l’exploitation des richesses de leur région. Ils dénonçaient déjà la vente de la montagne à un particulier. « La montagne a été acquise par le biais de signatures falsifiées« , dénonce Mohamed Benata. À ce jour, aucune preuve ne vient appuyer ces accusations.

Le propriétaire de la montagne, un dénommé Ouaali Meziane, y exploite la carrière, poursuit la même source. Joint par Telquel.ma, Ouaali Meziane nous affirme qu’il dispose des autorisations nécessaires pour exploiter le flanc de la montagne, mais ne veut pas se prononcer sur les conditions dans lesquelles il l’a acquise. Il explique également n’avoir jamais porté plainte contre les villageois, ce qui est contredit par un document consulté par Telquel.ma, où il apparaît comme plaignant dans l’affaire dont le jugement a été rendu le 27 février.

Quel impact écologique ?

Au-delà de la supposée illégalité de la transaction, les villageois dénoncent un projet qui met en péril l’environnement et les terres agricoles sur lesquelles ils sont installés et qu’ils exploitent. Selon eux, la mise en exploitation de la carrière ne respecte pas la législation en vigueur, notamment le dahir réglementant l’exploitation des carrières et la loi 12-03 relative aux études d’impact environnemental.

Le premier texte prévoit que les carrières soient exploitées à une distance minimale des habitations. Le second dispose qu’une enquête publique doit être menée auprès des habitants. Mohamed Benata affirme qu’aucune consultation n’a été effectuée auprès des habitants avant le lancement de la carrière en 2014, tandis que les bords de la carrière sont situés à moins de 60 mètres des terrains cultivés et des habitations.

C’est cette proximité avec les habitations qui inquiète les villageois. Pour eux, leur santé, leur bétail, et leurs plantations sont mis en danger par la poussière, les produits et la dynamite utilisée dans la carrière. Les ressources en eau seraient également menacées à en croire Mohamed Benata, qui cite l’exemple de carrières similaires qui ont asséché et pollué les sources hydriques.

Le poids historique de la montagne est aussi invoqué par les habitants pour s’opposer à ce projet. « C’est un lieu historique pour le Maroc, la montagne servait de caches d’armes à la résistance. C’est aussi à un pan de notre histoire que l’on s’attaque« , nous explique le militant. Une lettre a également été envoyée au Secrétaire général de la Convention internationale relative aux peuples indigènes et tribaux pour l’alerter sur la situation de la tribu des Beni Oukil.

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