Enquête: La face cachée du MUR

Le MUR se définit comme une simple association à caractère religieux et caritatif. Un écran de fumée, à en juger par les liens étroits qu’il entretient avec le PJD et ses connexions avec les Frères musulmans.

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Crédit: Rachid Tniouni

Que cache le feuilleton raté des négociations pour la formation du gouvernement ? Loin des raisons étalées dans les médias, loin des clivages idéologiques, l’élite proche du Palais ne fait plus mystère de son aversion pour les islamistes. En face, les frères de Abdelilah Benkirane, malgré quelques concessions lâchées à leur corps défendant, se tiennent encore debout. Mais, ligotés, en milieu hostile, ils n’écartent plus aucune possibilité. “Si la formation d’une majorité s’avère impossible et que nous jugeons inutile de rejoindre l’opposition, nous pourrons revenir à la prédication au sein du Mouvement unicité et réforme (MUR)”, lâche, l’air songeur, ce dirigeant du parti de la lampe. Prédication, le mot est lâché. Accusés de jouer un double jeu, d’avancer masqués, nourrissant un projet secret de khilafa, les cadors du PJD n’ignorent pas que les regards suspicieux sont dirigés vers le MUR, leur bras idéologique qui n’a cessé de les épauler depuis la naissance du parti.

Une “armée” de prédicateurs officiant dans toutes les villes, un syndicat puissant, une association estudiantine disséminée partout et un parti qui grimpe à mesure que l’establishment se démène pour le mettre à terre… voici en bref le pouvoir du MUR. “Malheureusement, ceux qui nous accusent de vouloir instaurer la khilafa ne connaissent ni notre histoire ni notre littérature ni les révisions que nous avons effectuées depuis les années 1980”, se désole Mustapha El Khalfi, ex-ministre de la Communication et membre du bureau exécutif du MUR. Pas suffisant pour rassurer le ministère de l’Intérieur, qui qualifie le MUR d’“extrémiste”, à en croire une note du gouverneur de Chefchaouen datée du 30 janvier, fuitée sur les réseaux sociaux en février dernier. “Je ne suis pas surpris, je sais que cela se fait. Cela dit, nous ne sommes ni extrémistes ni interdits et nous travaillons conformément aux lois en vigueur. Nous n’avons rien à cacher”, nous répond d’une voix calme Abderrahim Chikhi. Immersion dans ce monde qui fait tant peur au ministère de l’Intérieur.

L’union fait la force

La naissance du MUR est le fruit d’un mariage de raison et d’intérêt. Nous sommes en 1996 lorsque l’union entre Al Islah Wa Attajdid (réforme et renouveau) et Rabitat Al Moustakbal Al Islami (l’Alliance pour le futur islamique) s’officialise après une série de pourparlers. L’Alliance pour le futur islamique compte parmi ses dirigeants Ahmed Raïssouni, Mustafa Ramid et Lahcen Daoudi. Plus puissant, le mouvement Réforme et renouveau, conduit par le jeune et turbulent Abdelilah Benkirane, Saâd-Eddine El Othmani et Mohamed Yatim, est issu, lui, de la Chabiba Islamiya, relique de la Jamâa Islamiya (la nébuleuse d’obédience frériste impliquée dans l’assassinat du leader socialiste Omar Benjelloun en 1975).

Après avoir distribué des anathèmes à tout bout de champ, le couple veut faire table rase du passé en normalisant avec l’État pour sortir de la clandestinité. “Nous nous sommes trompés. Nous nous sommes trompés !”, confessait Abdelilah Benkirane dans une édition du journal Al Islah en 1988. Bref, la page est tournée en 1996. Sauf que Benkirane et certains que ses frères n’ont pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin, car, désormais, ils cherchent leur voie dans la politique. Hassan II, fin stratège mais prudent, les avaient jusque-là éconduits. Usant de sa proximité avec le Palais, le docteur Abdelkrim Khatib tente alors de jouer l’intermédiaire pour les accueillir dans son parti, le MPDC (Mouvement populaire démocratique et constitutionnel), d’abord sans succès. “Si tu veux une zaouïa, je t’ouvre une zaouïa”, lui rétorque alors Hassan II, réticent à l’idée de voir les “repentis” débarquer en politique, nous raconte Abderrahim Alaam, professeur de sciences politiques et ex-membre du MUR. Le docteur Khatib finit pourtant par obtenir gain de cause en “parrainant” ses amis, qui se fondent ainsi dans les rangs du MPDC. “À ce moment-là, le MUR devait compter quelque six mille membres et une bonne partie refusaient de sacrifier la prédication au profit de la politique”, témoigne Abderrahim Alaam.

Abderrahim Chikhi et Abdelilah Benkirane. Crédit: Rachid Tniouni
Benkirane a porté à la présidence du mouvement Chikhi, un proche qui a fait partie de son cabinet. Crédit: Rachid Tniouni

Vingt ans plus tard, le MUR est plus fort que jamais. Pour nous en parler, Abderrahim Chikhi, président depuis 2014, accepte de nous recevoir à Rabat, au siège du mouvement, érigé sur quatre étages. Affable et souriant, notre hôte en costume nous fait servir d’entrée de jeu thé, raisins secs et amandes.Après un bref rappel historique de la création du MUR, place à une question qui fâche, à laquelle aucun membre du mouvement n’a voulu répondre : le nombre de membres de l’organisation. “Il ne dépasse pas 20 000”, sourit-il. Inutile d’insister, Chikhi n’en dira pas plus. “Étudiant, j’avais choisi de faire ma thèse sur le MUR dont je faisais partie. Lorsque je leur demandais de me communiquer des détails sur les membres, on me répondait qu’il s’agissait de questions policières”, se remémore une source qui préfère garder l’anonymat. “Les membres ne doivent pas dépasser 20 000 en effet, mais ils ont beaucoup plus de sympathisants, même à l’étranger”, précise Alaam, qui a quitté le mouvement islamiste il y a plusieurs années. Couvrant tout le Maroc, l’aile idéologique du PJD a dans son giron quelque cinquante branches. On y prêche la bonne parole à travers des cours d’“orthodoxie” religieuse, des veillées de déclamation du Coran, des actions caritatives, des ateliers de formation en informatique ou en journalisme… une formation en bonne et due forme dont le programme, comme dans une école, est enseigné en 42 séances par an (à raison de 2 heures par séance au bas mot). Séances qui se tiennent, lorsque les sièges ne sont pas disponibles, chez les prédicateurs, dans le secret entre quatre murs. Objectif — écrit noir sur blanc — dans la charte du mouvement : “instaurer” la religion auprès de l’individu, puis au niveau foyer, ensuite au niveau de la société, de l’État, de la Oumma, et enfin — excusez du peu — la diffusion de l’islam au niveau mondial. “Nous sommes sur le point de fonder un centre du mouvement pour la formation”, confie Chikhi, fier du chemin parcouru.

Indépendants des écoles du MUR, d’autres établissements sont créés par des associations dirigées par des membres du mouvement. C’est le cas, par exemple, d’une école coranique lancée par l’Association Abi Qassim Al Chatibi, basée à Tétouan, qui se targue d’avoir formé quelque 1200 lauréats depuis les années 1990. La somptueuse bâtisse, qui offre actuellement, outre la formation, gîte et couvert à 400 élèves, est une source de fierté pour le fondateur de l’association, Lamine Boukhobza. “On y accueille aussi des Subsahariens et même un Américain”, s’enorgueillit le responsable du MUR. Les enfants, filles et garçons séparés, y apprennent le Coran, les sciences de la Charia et la langue arabe. Cet enseignement sert à développer le projet de société du mouvement. “La même association a lancé un deuxième projet en 2011, l’école coranique Azzahrae, qui héberge plus de 300 filles de Tétouan et ses alentours, sur une superficie de 1727 m², pour un coût de construction de 10 millions de dirhams”, promet Boukhobza, qui a bien du pain sur la planche.

L’autre domaine où agit le MUR à Tétouan est celui de la santé, via l’association Arrahma. Le mouvement est derrière trois centres médicaux, d’hémodialyse, de cardiologique, et un autre pour l’accompagnement des personnes handicapées, en partenariat avec le ministère de la Santé. “Un seul centre peut coûter jusqu’à 10 millions de dirhams chaque année, heureusement qu’on est arrivés à couvrir les besoins grâce aux donateurs”, affirme Boukhobza.

Argent halal ?

On ne reçoit pas d’argent de l’État. On préfère que nos activités ne soient pas dépendantes d’une aide dont on n’a pas la maîtrise”, explique Chikhi. Le MUR se finance grâce à la participation obligatoire des membres (composés en partie d’ingénieurs, de médecins et de cadres) qui versent 2,5% de leur salaire mensuel, le taux n’est pas sans rappeler celui de la Zakat. Autre source de revenu : les dons des mouhsinine (mécènes), qui offrent foncier ou argent liquide. “On ne peut pas évaluer la valeur de ces dons, étant donné qu’ils passent directement à l’association”, nous explique Driss El Ganbouri, chercheur spécialisé dans les mouvements islamistes et auteur de l’ouvrage Les islamistes entre la religion et le pouvoir. À cette manne s’ajoutent les bénéfices engrangés par quelques entreprises du MUR, comme l’école Ard Essalam à Salé, dont le résultat net s’élève en moyenne annuelle à 600 000 dirhams. “On avait des participations dans une école à Errachidia mais nous les avons cédées”, précise le président du MUR, qui peut en revanche encore compter sur l’imprimerie Top Press, qui a rapporté un peu plus de 200 000 dirhams en 2015. Idem pour le journal Attajdid appartenant au mouvement, redevenu hebdomadaire, dont le bénéfice a grimpé de 26 000 dirhams en 2011 à 200 000 en 2015. “Mais on ne reçoit aucuns fonds de l’étranger, même pas de nos membres, pour garder notre indépendance de décision et de financement. On est un mouvement marocain”, tient-il à rappeler. Règle dont ne semblent pas s’embarrasser les associations fondées par des membres proches du MUR. “Oui, mais on leur demande que tout se fasse dans les règles de l’art”, répond Chikhi, sans plus de précisions sur cette manne venue de l’étranger.

Un mur en cache un autre

Syndicat, association estudiantine, parti et médias gravitent autour du MUR, comme des planètes autour d’un soleil. Le MUR, ce petit État, comme le qualifie le chercheur El Ganbouri, est conscient de sa force tapie dans l’ombre mais qui se manifeste avec précaution. Exception à cette règle, les philippiques fleuries contre le projet de la Moudawana en 2000, couronnées par une manifestation géante à Casablanca qui a défrayé la chronique dans les médias internationaux. Le courroux des islamistes était tel que le ministre Saïd Saadi a dû, la mort dans l’âme, retirer illico sa réforme. La Moudawana ne sera adoptée qu’en 2004 sous l’ombrelle royale. “On n’était pas contre la Moudawana, on avait émis des réserves sur le plan d’action pour l’intégration de la femme au développement”, se défend Chikhi.

Mustapha El Khalfi (en arrière-plan) soutient que les références wahhabites ou aux penseurs des Frères musulmans ne sont plus d'actualité au sein de l'organisation. Crédit: Rachid Tniouni
Mustapha El Khalfi (en arrière-plan) soutient que les références wahhabites ou aux penseurs des Frères musulmans ne sont plus d’actualité au sein de l’organisation. Crédit: Rachid Tniouni

Rebelote en 2011, trois mois après la première marche du Mouvement du 20 Février. Sentant le vent tourner en sa faveur, le MUR choisit vite son camp, celui opposé au mouvement contestataire. Le 1er mai, s’appuyant sur son syndicat (UNTM), il mobilise dans les différentes villes pas moins de 100 000 manifestants, répétant inlassablement un slogan qui deviendra la marque du PJD : la réforme dans la stabilité. Voici deux exemples où tous les bataillons se sont mobilisés comme un seul homme pour neutraliser “l’ennemi” du moment. Pourtant, Abderrahim Chikhi brandit l’indépendance entre le parti de Benkirane et son mouvement. “Ce qui nous unit, c’est une collaboration stratégique”, argumente Chikhi. “Lors des dernières élections locales, nous avons interdit à tous les responsables du MUR de se présenter sous l’étiquette PJD, à l’exception de ceux qui étaient déjà parlementaires”, précise-t-il, insistant sur le fait que le parti islamiste et le mouvement évitent de mélanger politique et prédication. Mais le président du MUR n’a pas poussé la rigueur jusqu’à imposer sa règle aux législatives. Quand on étudie un tant soit peu le bureau exécutif du MUR, on se rend compte que la frontière est ténue, comme en témoignent les cas de Mohamed Yatim et Mustapha El Khalfi, membres en même temps du bureau exécutif du mouvement et du bureau politique du parti. Comment peuvent-ils exercer indépendamment leurs rôles dans l’aile de prédication et au sein du parti ?

Cela n’a rien à voir. Je travaille d’abord avec une logique d’homme d’État. Deuxièmement, le succès d’un politique dépend aussi du travail avec la société civile”, répond Mustapha El Khalfi. “Ce n’est pas une justification valable dans la mesure où il y a une double allégeance aux deux instances. Parfois, un membre dit une chose au sein du mouvement et son contraire au sein du parti”, analyse Driss El Ganbouri. “Ensuite, la manière dont ils parlent de cette relation entre le mouvement et le parti n’est pas claire. Certains disent qu’ils sont indépendants alors que d’autres parlent d’une relation stratégique, sans préciser la nature de cette relation”, fait remarquer le chercheur. “On soutient le PJD aux élections et nos membres exercent la politique au sein du parti. Cela ne signifie pas qu’ils contrôlent nos décisions ou qu’on contrôle les leurs. Les sièges du mouvement et les réunions de prédications ne doivent pas non plus servir de lieux de propagande pour le parti”, nous rétorque Abderrahim Chikhi.

Mohamed Hamdaoui, qui a passé deux mandats à la tête du MUR, avant de passer le flambeau à Chikhi, est aussi membre du bureau exécutif, ce qui ne l’a pas empêché d’arracher un siège aux législatives sous les couleurs de la lampe. “C’est le bureau qui a proposé ma candidature et j’ai accepté. Il y a déjà eu des cas similaires et cela n’a jamais posé problème”, se défend Hamdaoui. Autre exemple, et non des moindres : Abdelilah Benkirane, Chef du gouvernement et du PJD, est membre du MUR. Il détient même la majorité des participations dans le journal Attajdid. Qu’en est-il de l’Orema, l’association estudiantine du MUR ? On avance le même discours, ou presque. “Entre le mouvement et l’association, il existe une indépendance organisationnelle avec un programme commun, basé sur un accord annuel conclu entre les deux parties”, soutient le président de l’Orema, Rachid Eladdouni

Frères, je vous aime

Nos islamistes sont-ils — encore — d’obédience frériste ? Non, répètent-ils à l’unisson. Pas de lien organisationnel entre le MUR et les Frères musulmans, mais les relations sont au beau fixe. Il y a quelques jours, Saâd-Eddine El Othmani a été empêché de se rendre en Jordanie où il devait assister au Forum Al Wassatiya de l’Afrique, organisation réputée proche des Frères musulmans, et dont son camarade Mohamed Hamdaoui est ex-vice-président. L’ancien patron du MUR était également membre de l’Organisation mondiale Annoussra, présidée par le théologien de référence des Frères musulmans, Youssef Al Qaradawi. “Al Wassatiya n’a rien à voir avec les Frères musulmans, tous les ouléma africains, dont certains formés par le Maroc, y participent. Quant à Annoussra, il s’agissait d’un évènement unique organisé il y a dix ans après les caricatures du prophète publiées dans un journal danois”, soutient Hamdaoui. Et que dire de l’élection de Ahmed Raïssouni, figure emblématique du MUR, comme vice-président de l’Union internationale des savants musulmans (UISM), présidée par Youssef Al Qaradawi ? “Nos relations avec les Frères musulmans sont très bonnes, on n’a pas de problème avec eux”, lance tout de go Abderrahim Chikhi. Même écho du côté de Abderrahim Alaam: “Les membres du MUR sont considérés comme le prolongement du courant islamiste”.

Double discours ?

Le mouvement de prédication a bien fait du chemin depuis 1996. Mais timidement, malgré les pamphlets pro domo du visage lisse de la haraka. Mustapha El Khalfi s’est ainsi lancé dans un plaidoyer passionné en faveur des “révisions positives” réalisées depuis 1996. L’ancien porte-parole du gouvernement cite tour à tour la réforme de la loi sur l’avortement, l’apostasie, le mariage d’une fille à son violeur, la présentation des banques islamiques comme choix et non comme alternative, les libertés individuelles… Le hic, c’est que, s’agissant des libertés individuelles, certains de ses acolytes ne font pas dans la dentelle, à l’image de Fatima Nejjar, figure féminine la plus connue du mouvement, qui promettait enfer et damnation à l’étudiante qui ose élever le regard vers son camarade “pour demander un stylo”. “L’opinion est libre même si elle ne reflète pas la ligne du mouvement. Il faut nous juger sur les décisions”, poursuit El Khalfi. N’en déplaise au cadre du mouvement, il ne s’agit pas de l’unique contradiction. Le programme adopté par le MUR en 2011, baptisé Sabil al falah (Voie de la félicité), est truffé de références peu catholiques, comme Mohamed Ibn Abdelwahhab, fondateur de l’école wahhabite, Sayid Qutb, Al Albani, Ibn Taymiya ainsi que le cheikh saoudien Al Fawzan, qui s’est illustré en 2003 lors d’une conférence en décrétant que “l’esclavage est une partie de l’islam”. Ce qui fait dire à Driss El Ganbouri : “Je crois que le mouvement connaît une crise quant au courant à adopter. Ce qui est étrange, c’est que la doctrine achaarite est absente de ce programme éducatif bien que l’achaarisme soit adopté par les Marocains depuis plusieurs siècles.” Mustapha El Khalfi s’inscrit en faux, expliquant qu’il n’existe pas de courants différents au sein du MUR. Au sujet des références wahhabites ou fréristes, il nous déclare que le mouvement a rectifié le tir il y a quatre ans, organisant des conférences tour à tour sur Abou Chouaïb Doukkali, Allal El Fassi, Cheikh Ma El Aïnine ou encore El Mokhtar Soussi. “Des références qui représentent le Maroc. C’est une évolution par conviction”, réagit-il.

Réservoir électoral

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Les membres du MUR et leurs proches sont un vivier d’électeurs pour le PJD. Crédit: Rachid Tniouni

L’enchevêtrement entre le parti de lampe et le MUR n’influence-t-il pas les élections, et partant le vote des citoyens ? “On ne peut nier l’influence, mais il n’y a pas d’instrumentalisation de la prédication à des fins politiciennes. L’essentiel, c’est que le choix soit libre”, nous assure Chikhi. De son côté, Boukhobza estime “qu’il est normal que les gens votent pour le PJD vu qu’ils remarquent notre travail sur le terrain”, se référant notamment au fait que le mouvement soigne et scolarise les gens. Mais aussi “indépendantes” soient-elles, les deux entités se nourrissent l’une de l’autre. En période électorale, le MUR, fort de pas moins de 20 000 membres et au moins autant de sympathisants, met les bouchées doubles pour épauler le parti, témoignent deux ex-membres de la haraka. “Les accréditations pour les élections sont décidées au sein du mouvement et non au niveau du PJD, car c’est lui qui détermine certaines responsabilités sensibles pour les deux parties et pour l’avenir de l’activité politique qui pourrait avoir une répercussion sur le mouvement lui-même”, détaille El Ganbouri. Le trublion Boukhobza, que nous avons rencontré à Tétouan, nous confie que le “mouvement pratique une sorte de censure morale sur le parti, mais il reste indépendant”, Et de conclure, laissant planer le mystère :“Si un jour on attaque violemment le PJD, nous trouverons refuge au sein du MUR. L’intersection entre les deux entités est une immunité pour les membres contre les dérapages.

 

 

Al Adl Wal Ihsane:Le frère ennemi

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Al Adl Wal Ihsane et le MUR se sont tous deux opposés en 2000 au projet de réforme de la Moudawana. Hormis ce point de convergence, les deux mouvements islamistes ont affiché tout au long de leur histoire des divergences. Alors que le MUR s’est inspiré des Frères musulmans égyptiens, la Jamaâ fondée par Cheikh Yassine, un ancien de la confrérie boutchichiya, proclame un islam soufi ancré depuis des siècles au Maroc. Ce que les membres du MUR considèrent comme contraire à l’islam. “La sacralisation du guide chez les soufis est un grave dérapage et la cause d’impuretés. Tous leurs comportements dépendent de ce que va dire le guide, qui devient donc presque un prophète”, nous explique Lamine Boukhobza, un des leaders du MUR. L’autre point de discorde fondamental porte sur la commanderie des croyants. À l’exception de Ahmed Raïssouni, le MUR n’a exprimé officiellement aucune réserve sur ce statut. Al Adl Wal Ihsane, par contre, remet en cause le rôle de chef religieux du roi, fidèle aux idées de Cheikh Yassine qui appelait clairement à l’établissement d’un califat islamique.[/encadre]

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