Face à Hamid Chabat, Nizar Baraka joue la carte de l'unité istiqlalienne

Nizar Baraka contre-attaque en alignant ses soutiens et en détaillant son programme pour l'Istiqlal. Deux fois ministre, le petit-fils du fondateur du parti de la balance met en avant ses compétences en économie et sa volonté d'unir et de rassembler la maison istiqlalienne. Ambiance.

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Nizar Baraka. Crédit: R. Tniouni

Les couloirs de la salle de conférence du ministère de l’Equipement se remplissent à vue d’œil de journalistes et de dizaines de parlementaires et cadres de l’Istiqlal ce lundi 25 septembre, date choisie par Nizar Baraka pour détailler sa vision pour diriger l’Istiqlal. Tout sourire, affable et distribuant les salam et les bises aux proches, le favori au poste de secrétaire général maintient son swab fassi à toute épreuve, mais l’on sent la volonté de montrer l’étendu de ses soutiens pour cette candidature. C’est que le petit-fils du fondateur du parti Allal El Fassi est violemment tancé par l’actuel SG qui brigue un deuxième mandat. Hamid Chabat accuse à demi-mot son compétiteur d’être le « candidat du makhzen » et de « menacer l’indépendance du parti ». Sans user des mêmes armes que son adversaire, Nizar Baraka aligne tout de même ses atouts devant la presse.

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Crédit: R. Tniouni
Qayouh à gauche, Ould Rachid à droite: Nizar Baraka au milieu s’est adjugé les seigneurs du sud. Crédit: R. Tniouni

Tajine de réconciliation

Les poids lourds du parti sont là : les puissants et richissimes Hamdi Ould Rachid et Abdessamad Qayouh arrivent ensemble sous les crépitements des flashs. L’on aperçoit aussi l’ancienne ministre de la santé Yasmina Baddou, les frères Taoufik et Omar Hjira ou encore le président de la région Dakhla- Oued Eddahab Ynja Khettat, et le chef du groupe parlementaire Noureddine Mediane.

La veille, une bonne partie de tout ce beau monde était invitée au domicile de Taoufik Hjira, autour d’un « authentique tajine marocain », nous confie ce dernier. Evidemment, il n’était pas seulement question de se sustenter avec de la bonne cuisine. Parmi les convives… Hamid Chabat et ses proches lieutenants Abdessamad El Kihel, Adil Benhamza et Abdellah Bakkali, membres du comité exécutif du parti. A la fin des retrouvailles, une photo de groupe est publiée sur les réseaux. On y distingue Nizar Baraka au beau milieu, bras dessus bras dessous avec Kihel.

Cette volonté d’unité s’illustre aussi lors du chant patriotique istiqlalien, durant lequel les istiqlaliens se sont tenus côté à côté, déclamant à l’unisson l’hymne de la formation. D’habitude réservé, l’on aperçoit un tout autre Nizar Baraka chantant très fort.

Il s’agit de montrer une image d’unité de la famille istiqlalienne et de dire que les divergences ne signifient pas l’éclatement du parti, nous explique Hjira. La possibilité d’un éclatement du parti semble sincèrement effrayer les militants du parti que nous avons croisé. Mais ces images bon enfant ne signifient pas l’enterrement de la hache de guerre. « Il serait naïf de le croire », nous confie une source proche de Baraka. D’ailleurs, nous notons l’absence du trio Kihel, Bakkali et Benhamza.

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Attentisme, Baraka!

« Votre présence aujourd’hui et la preuve de la pertinence de l’approche présentée et de ma candidature au secrétariat général de l’Istiqlal », lance Nizar Baraka en conférence de presse, après avoir détaillé les principaux points de sa vision pour l’Istiqlal (voir encadré). Le candidat Baraka veut un programme qui « rassemble et unit » les istiqlaliens et qui « redonne au parti sa place » au sein du paysage politique national, et qui le sort de son « isolement ». « Aujourd’hui, nous ne sommes ni dans l’opposition ni dans la majorité. Ce n’est pas clair », alerte-t-il. Plus globalement, il estime qu’il y a une « crise de confiance et d’encadrement » envers les partis et que dès lors, l’autocritique est nécessaire. Il en veut pour preuve les élections partielles de Tétouan qui ont enregistré un faible taux de participation de 5%. Sans citer nommément Chabat, il multiplie les griefs contre le bilan et la méthode de l’actuel secrétaire général, et à travers lui toute la vague de leaders politiques populistes. « Il est temps d’en finir avec la politique du spectacle et du surf sur les sentiments ! (…) L’insulte n’est pas dans les mœurs istiqlaliennes », lance-t-il.

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Aux accusations d’œuvrer contre « l’indépendance décisionnelle du parti », il renvoie la balle à son adversaire. « Pour juger si quelqu’un est indépendant ou non, il faut bien examiner des indicateurs, n’est-ce pas ? Voir si les décisions prises sont lunatiques, en fonction des ordres reçus et examiner si elles versent dans le sens de l’intérêt personnel et conjoncturel », dit-il, avant d’égrener ses exemples : quand le parti s’est rangé aux côté de l’opposition, puis de la majorité après l’arrivée du PJD en pole position des élections, le refus de la réforme de la caisse de compensation, puis l’acceptation de cette réforme et d’une politique encore plus poussée de libéralisation des prix…. « Autre indicateur : quand un parti devient une annexe d’un autre », ajoute-t-il. Une référence à peine voilée au PJD, avec lequel Nizar Baraka réitère pourtant sa proximité idéologique pour ce qui est du référentiel islamique.

Sévère avec le bilan de l’exécutif, Nizar Baraka regrette le climat « d’attentisme » et estime que « nous avons perdu 5 ans ». Celui qui est toujours président du CESE (Conseil économique social et environnemental) et qui fut à deux reprises ministre (Economie et finances et Affaires générales) fait parler son affinité avec l’économie. Il regrette que durant la précédente législature, près de 30 000 PME ont fermé leur porte et que la jeunesse « n’a plus espoir de trouver un emploi ». Aussi, « 18% des femmes ne cherchent pas un emploi dans les villes », alors qu’elles sont diplômées. Autant de signes qui présagent de « grands dangers » auxquelles il faut s’atteler dès maintenant.

Demandez le programme

39 mesures, déclinées en cinq axes « pour un parti de l’Istiqlal acteur dans la transformation sociétale« . C’est ainsi que Nizar Baraka résume son projet pour l’Istiqlal si les militants le choisissent pour présider aux destinées du troisième parti en terme de sièges au parlement. Selon l’ancien ministre istiqlalien, un « changement dans les méthodes de travail et dans la gouvernance du parti est devenu nécessaire ». Objectif : une offre politique « forte et participative« , qui se veut inclusive de tous les istiqlaliens, avec pour objectif « l’amélioration du rendement du parti » et « renforcer sa présence dans le paysage politique national ». Parmi les 39 mesures, signalons celle-ci qui se distingue par son originalité : demander à chaque militant du parti de consacrer une journée par mois au bénévolat, pour réaliser un travail d’intérêt commun. On sent que l’expérience du CESE est passée par là.[/encadre]

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