Le Palais a-t-il demandé à Nizar Baraka de briguer la tête de l’Istiqlal ? Non, répond catégoriquement l’intéressé. L’actuel président du CESE reconnaît avoir informé le souverain de ses intentions, « par politesse », précise-t-il. Rien de plus. Nous pouvons ne pas le croire sur parole, mais ce serait ignorer la genèse de sa candidature et le marathon qu’il a mené. Sa victoire tient plus du mérite que d’un obscur complot dont seul le Makhzen a le secret. Et, reconnaissons-le, les derniers complots attribués au Makhzen ne se sont pas soldés par de brillantes victoires.
Dès décembre 2016, des personnalités politiques influentes, inquiètes de la déconfiture de l’Istiqlal, nous confiaient vouloir convaincre Baraka de s’opposer à Chabat. A l’époque, l’homme hésitait. Se lancer dans une campagne c’est s’exposer, et Baraka n’est pas adepte des joutes verbales et des combats de coqs, contrairement à son rival. Finalement, il y va. Le 14 février, Baraka publie dans Assabah sa « vision d’espoir ». Le journal du parti, Al Alam, refuse de la publier. Nos confrères de Medias24 acceptent. Certains adhèrent à sa démarche, d’autres pas, il tape aux portes, essaye de convaincre. En mars, il organise une première rencontre publique avec des militants du parti, dans la maison de Mohamed Saoud à Tanger. Pour l’anecdote, l’événement a été déguisé en baptême, tellement les gens craignaient de s’afficher à ses côtés en public. Certains ont subi des représailles après. Il y a eu beaucoup d’intimidations, de menaces. Bref, les bonnes vieilles méthodes de Chabat, autoproclamé candidat antisystème, face à Baraka, que le syndicaliste a baptisé « candidat du Makhzen ».
Ceux qui tombent dans ce manichéisme ont la mémoire courte — il n’y a pas eu plus servile et plus intéressé à l’Istiqlal que Hamid Chabat — et, surtout, ils passent à côté des enjeux qui traversent aujourd’hui ce parti. Si l’élection d’un homme travailleur, fédérateur et intègre comme Nizar Baraka à la tête de l’Istiqlal est une bonne nouvelle, la composition du comité exécutif est quant à elle effrayante. Peu de profils auprès desquels Nizar Baraka pourra travailler et redorer le blason de sa maison. La domination du courant Ould Errachid — auquel Nizar Baraka doit aussi sa victoire — ne s’inscrit pas dans la logique de changement que veut insuffler le petit-fils de Allal El Fassi. Lui dit vouloir faire de la politique autrement, aller sur des sujets de fond et mener un travail de proximité auprès des citoyens. Le clan du sud lui rappelle que son parti est encore une machine électorale à la solde du mieux disant. Tout le défi pour l’ancien ministre des Finances sera de marquer clairement sa différence vis-à-vis de Ould Errachid sans que cela ne lui coûte sa place. Pour cela, il aura besoin de courage. Ses détracteurs soutiennent qu’il n’en a pas assez. A lui de démontrer le contraire