Selon la Cour des comptes, le Maroc paye trop cher ses fonctionnaires

Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, l'augmentation des revenus des salariés de la fonction publique dépasse les moyens de l'économie marocaine, mais ne s'accompagne pas d'une amélioration de sa perception aux yeux des citoyens.

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Crédit : Tniouni

Dans son dernier rapport, rendu public lundi 20 novembre, la Cour des comptes dresse le bilan des initiatives prises par les pouvoirs publics depuis la fin de la décennie 1990 pour réformer la fonction publique. Un secteur qui, en 2016, employait environ 860.253 personnes, dont 583.071 fonctionnaires civils de l’État, 147.637 fonctionnaires dans les collectivités territoriales et 129.545 agents d’ établissements publics.

Déséquilibres dans la répartition

Si le taux d’administration au Maroc s’établit à 17,2‰ (le taux d’administration est exprimé en nombre de fonctionnaires pour 1000 habitants), la répartition territoriale du personnel connaît toutefois des disparités entre les régions.

Rabat-Salé-Kénitra affiche ainsi un taux d’administration de 27,8‰ en raison notamment de la présence des services centraux à Rabat. Mais ce sont les régions situées à l’extrême sud du pays qui ont les taux les plus élevés, avec 37,7‰ dans la région de Laayoune-Sakia El Hamra et 26,7‰ à Dakhla-Oued Eddahab.

Certaines régions, au contraire, se situent sensiblement en dessous de la moyenne nationale. C’est le cas de Marrakech-Safi, relativement sous-administrée, avec un taux d’administration de 13,5‰.

La Cour des comptes relève aussi d’importantes disparités au niveau de la répartition au sein des ministères. Ainsi en 2016, près de 82,5% des fonctionnaires civils étaient concentrés au niveau de quatre départements ministériels: l’Éducation nationale (49,4% de l’effectif),  l’Intérieur (20,5%), la Santé (8,4%) et l’Enseignement Supérieur (4,2%). Une répartition qui, selon la Cour des compte, »mérite d’être analysée et éventuellement revue« .

Charges plus élevées que le budget de L’État

Selon le rapport de la Cour des comptes, le rapport de la masse salariale au PIB est relativement élevé au Maroc, contrairement à ses voisins de la région MENA. Entre 2008 et 2016, la masse salariale est passée de 75,4 à 120 milliards de dirhams (MMDH), soit de 11,38% à 11,84% du PIB.

Cette masse salariale a progressé annuellement de 5,3% en moyenne, contre un taux de croissance annuel moyen de 3,92% pour le PIB. « Ce décalage montre que le volume des rémunérations servies aux fonctionnaires augmente plus rapidement que la croissance du PIB« , souligne la Cour des comptes.

Par ailleurs, entre 2008 et 2016, la masse salariale a augmenté de 59,2%, là où la progression des effectifs des fonctionnaires civils n’a augmenté que de 9% sur la même période. Cette forte progression de la masse salariale découle surtout « des niveaux de rémunération qui ont augmenté sous l’effet des promotions de grade et d’échelon en plus des différentes décisions de revalorisation salariale qui étaient souvent prises en réponse à des situations conjoncturelles exceptionnelles« , relève encore le rapport.

En effet, dans la fonction publique marocaine, le salaire mensuel net moyen a atteint 7.700 dirhams en 2016, avec une évolution de 51,6% par rapport à 2006. Un salaire bien supérieur aux moyennes du secteur privé où, en 2015, le salaire mensuel net moyen a atteint 4.932 dirhams et le salaire minimum s’élève à 2.568 DH. Comparé à la richesse nationale, le salaire net moyen dans la fonction publique représente environ 3 fois le PIB par habitant (contre 1,2 fois en France, et 1 fois en Espagne).

Enfin, le rapport souligne que « l’amélioration substantielle des revenus des fonctionnaires ne se traduit pas par une amélioration de la perception de l’Administration chez le citoyen« . Un système que la Cour des comptes appelle encore une fois à revoir. Selon elle, les projections relatives à la période 2017-2021 montrent que la masse salariale continuera à augmenter. Ainsi, sur la base d’un taux de croissance moyen similaire aux cinq dernières années (3,6%), le poids de la masse salariale dans le PIB devrait passer de 11,84% en 2016 à 12% en 2018, avant de baisser légèrement à partir de 2019 pour s’établir à 11,5% en 2021.

Nécessité d’une refonte du système

Pour la Cour des comptes, la maîtrise de la masse salariale de l’État appelle, en premier lieu « une refonte du système de rémunération ainsi que du système d’évaluation et de promotion« . Selon elle, la rigidité des dépenses salariales découle principalement du niveau élevé des rémunérations. Une progression des dépenses qui s’explique notamment par la promotion de grade et d’échelon qui mobilisent, chaque année, des budgets consistants. En 2015, cette enveloppe a par exemple atteint 3,56 MMDH.

Pour maîtriser la masse salariale, la Cour des comptes propose tout d’abord de « limiter les recrutements au strict nécessaire (sauf pour les départements en besoin pressant), et ce à travers des redéploiements pour pallier les déséquilibres de répartition du personnel« .

Autre levier de maîtrise: gérer le temps de travail. À missions inchangées, une augmentation de la durée effective du travail pourrait dégager un potentiel équivalent en jours/hommes et atténuer les besoins en personnel découlant des départs à la retraite pour maintenir les recrutements à un niveau supportable. Or, la charge horaire réglementaire n’est pas accomplie d’une façon homogène et la durée effective de travail dans la fonction publique reste mal connue.

Bien que la Cour des comptes rappelle que les mesures instaurées récemment montrent une prise de conscience du phénomène d’absence irrégulière du personnel, elle rappelle aussi que ces dernières ne concernent actuellement que les situations extrêmes d’absence totale, et « se révèlent peu efficaces« .

À titre d’exemple, pour le personnel de l’Éducation nationale, l’ampleur des absences fait perdre au secteur un potentiel important de ses ressources humaines. Selon les chiffres communiqués par le département de l’Éducation, les absences enregistrées en 2016, par exemple, avaient ainsi atteint un total de 406.890 jours. Même chose pour le secteur de la santé où une étude avait montré qu’en moyenne, 42% du temps de travail du corps médical n’est pas exploité à cause des absences.

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