Depuis Fès, le Maroc continue de tisser sa toile diplomatico-religieuse en Afrique

Pendant deux jours le Conseil de la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains s'est réuni à Fès pour discuter de son organisation et de ses objectifs. L'occasion pour le Maroc de tisser un réseau d'imams africains.

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Mohamed Yassif, président du Conseil de la Fondation Mohamed VI des Oulémas africains et Ahmed Taoufiq ministre des Habbous et des Affaires Islamiques, lors de la cérémonie d'ouverture de la première session ordinaire du Conseil, vendredi 8 novembre à Fès. Crédits photos : Margaux Mazellier

C’est dans la soirée du 9 décembre que s’est clôturée la première session ordinaire du Conseil de la Fondation Mohammed VI des Ouléma africains, réuni à Fès depuis le 8 décembre. A l’issue d’une longue journée de négociations, en conclave, les Oulémas des 32 pays membres ont discuté des moyens pour concrétiser les objectifs fixés par le Dahir royal relatif à cette institution.

Lors de cette cérémonie de clôture, plusieurs recommandations issues des travaux du Conseil ont été émises. Mais la réunion était surtout l’occasion pour la Fondation Mohammed VI de poursuivre le tissage de sa toile dans les pays africains .

Tisser la toile

Le Conseil a notamment annoncé son intention de parachever l’ouverture des sièges de l’ensemble des sections nationales de la fondation avant la fin du mois d’avril 2018. Ces structures sont déjà présentes dans plusieurs pays comme au Gabon où l’antenne de la Fondation Mohammed VI compte 12 personnes parmi lesquelles huit ont pris part aux travaux de la session ordinaire. « C’est tout nouveau chez nous. On est encore au stade embryonnaire« , nous explique, Sara*, l’une des membres de la délégation qui préfère rester anonyme.

Même chose en Guinée -deuxième pays à envoyer le plus grand nombre d’imams à l’Institut Mohamed VI de la formation des imams- où l' »antenne » de la Fondation, qui a été créé par vingt personnes il y a quelques temps, en compte aujourd’hui déjà une centaine. « Tous les membres sont des musulmans mais pas forcément des professionnels religieux. Il peut y avoir des avocats, des professeurs, des ingénieurs…« ,  affirme Nourredine Fadiga, membre de la fondation et lui-même fonctionnaire d’État en Guinée. Avant d’ajouter rapidement : « Nous touchons tous les pans de la société mais nous voulons rester en dehors de la politique« .

Un outil diplomatique…

Or si les différentes antennes nationales de la Fondation Mohamed VI se disent apolitique, beaucoup d’alems interrogés sont loin de l’être. C’est le cas de Sara qui évolue dans l’entourage proche du président Guinéen. Lorsqu’on demande à Nourredine de nous en dire plus sur sa fonction, il se lève et lance : « je vous en ai bien trop dit déjà« .

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L’imam Mohamed Nacer Adam, secrétaire général du Cheikh Mohamed Rabii islamic Fundation et membre de la délégation du Nigeria (à droite) ainsi qu’un autre membre de la délégation (à gauche). Crédits photos : Margaux Mazellier

D’ailleurs lorsque l’on  demande à l’imposant imam Mohamed Nacer Adam, secrétaire général du Cheikh Mohamed Rabii islamic Fundation et membre de la délégation du Nigeria, si ce rendez-vous est politique ce-dernier nous fait les gros yeux et répond : « Pas du tout. Il s’agit de lutter contre la radicalisation des jeunes. Mais il s’agit aussi d’une occasion pour renforcer les liens déjà bien solides entre le Nigeria et le Maroc ».

Quelques minutes plus tard, lorsque les représentants des 32 délégations africaines reviennent de leur discrète réunion avec Ahmed Taoufiq, ministre des Habbous et des Affaires islamiques, c’est la même omerta. Impossible de savoir ce qu’il s’est dit lors de cette entrevue.

…mais très opaque

Difficile, voire impossible, de poser la question  au secrétaire général du Conseil, Mohamed Yessef, ou à un membre de la direction de la Fondation. Les différentes interviews nous sont systématiquement esquivées ou refusées. Le directeur de l’Institut de formation des imams refuse également de répondre à nos questions et nous interdit de faire de même avec sa petite délégation composée d’une quinzaine de futures prédicatrices venues d’un peu partout en Afrique.

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La délégation de futures prédicatrices formées par l’Institut Mohamed VI de formation des imams. Crédits photos : Margaux Mazellier

« C’est un sujet très sensible. C’est vrai que c’est plutôt opaque, on communique peu à part par les voies officielles« , nous concède une source au sein de la Fondation Mohamed VI. « Le Maroc investit financièrement dans ces différentes sections nationales de la Fondation pour établir une sorte de réseau de la Fondation. Les imams formés à l’Institut Mohamed VI seront d’ailleurs intégrés ensuite dans celles-ci. C’est de la politique diplomatique« , poursuit notre source.

Selon cette dernière, c’est d’ailleurs grâce à cette diplomatie religieuse que le Maroc a pu, entre autres, retisser des liens avec le Zimbabwe et l’Afrique du Sud où les musulmans représentent pourtant seulement 1,5% de la population. « Notre président, Jacob Zuma, et Mohamed VI se sont rencontrés récemment. On ne sait pas ce qu’ils se sont dit exactement car c’était une réunion privée mais nous soupçonnons qu’il y a eu un échange sur les mouvements extrémistes présents en Afrique du Sud qui ne sont pas très nombreux mais assez importants pour attirer l’attention du roi« , théorise l’imam Ahmed Mukadam, membre de la branche de la Fondation Mohamed VI en Afrique du Sud.

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