Inégalités: 3 milliardaires gagnent ce que 375.000 Marocains consomment en une année

Si l'on en croit le classement Forbes 2017, les trois milliardaires en question seraient Othman Benjelloun, Aziz Akhannouch et Anas Sefrioui (crédit: DR)

À la veille du Forum économique mondial de Davos, Oxfam publie son rapport annuel sur les inégalités dans le monde. Principale conclusion: celles-ci se sont creusées, avec les 1% des plus fortunés qui ont capté 82% de la richesse produite en 2017. « Le Maroc n’échappe pas à cette tendance », note l’ONG. TelQuel.ma vous résume le bilan du Royaume en six chiffres clés.

  • 3 milliardaires gagnent ce que 375 000 Marocains consomment en une année

Selon Oxfam, le patrimoine des « trois milliardaires marocains les plus riches » est estimé à 4,5 milliards de dollars (44 milliards de dirhams). « La croissance de leur fortune en une année représente autant que la consommation de 375.000 Marocains parmi les plus pauvres, au cours de la même période », estime l’ONG, sans toutefois nommer les membres du trio. Si l’on en croit le dernier classement du magazine américain Forbes, il s’agirait d’Othman Benjelloun (BMCE, 1,9 milliard de dollars), Aziz Akhannouch (Akwa, 1,58 milliard de dollars) et Anas Sefrioui (Addoha Douja Promotion, 1,06 milliard de dollars).

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Plus globalement, les 10% de nationaux les plus aisés auraient un niveau de vie 12 fois supérieur aux 10% les plus démunis. Ce taux, relativement stable depuis les années 1990, fait du Maroc la nation du Maghreb la plus inégalitaire, comme l’exprime le « coefficient de Gini » (où 0 représente l’égalité parfaite, 1 le contexte le plus inégalitaire).

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  • 1,6 million de pauvres et 4,2 millions de personnes vulnérables

Plus d’un million et demi de citoyens marocains se trouveraient aujourd’hui dans « l’incapacité de se nourrir suffisamment et de se procurer les biens de base ». 4,2 millions seraient également en situation de vulnérabilité, c’est-à-dire « susceptibles de basculer dans la pauvreté à tout moment ». Cela s’expliquerait notamment par la proportion très élevée (80%) de jeunes travaillant dans le secteur informel, c’est-à-dire sans couverture sociale, médicale ni syndicale.

Le collectif britannique souligne que le taux de pauvreté a pourtant été divisé par trois en treize ans (de 15,3% en 2001 à 4,8% en 2014). En parallèle, la dépense moyenne a progressé de 10.000 à 15.000 dirhams par an, concernant essentiellement les plus modestes.

Les auteurs du document saluent pour cela le rôle joué par l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), ainsi que la récente tenue d’une séance parlementaire dédiée au sujet.

  • 78% de femmes sans emploi

Près de huit Marocaines sur dix seraient actuellement sans activité, contre 65% de leurs compatriotes masculins – dans un secteur de l’emploi marqué par un taux d’inactivité de 53%, ainsi que 75% de chômage chez les jeunes diplômés. Parmi elles, les trois quarts seraient cantonnés au foyer, contre seulement 13% en études.

La gent féminine constitue quelque 80% des 1,7 million de nationaux qui ne sont ni actifs, ni à l’école, ni en formation. « Le Maroc fait ainsi partie des pays du monde avec la plus faible participation des femmes à la vie active, même si elles sont de plus en plus diplômées« , note Oxfam – mettant en exergue d’autres inégalités en matière de corvées domestiques, de droits et de sécurité sociale. En milieu rural, 60 des femmes seraient par ailleurs analphabètes.

  • Un revenu médian 65% moins élevé à la campagne

Dans le monde rural, un Marocain sur deux subsisterait avec moins de 8.678 dirhams par an, contre 14.270 en ville. Dans le premier ensemble, qui constitue la majorité du territoire, 10% vivaient en 2014 sous le seuil de pauvreté, contre 1,6% dans le second. Les régions de Drâa-Tafilalet (14,6%) et de Béni Mellal-Khénifra (9,3%) seraient au plus bas de l’échelle. Celles de Tanger-Tetouan-Al Hoceima (2,2%) et de Settat-Casablanca (2%) au plus haut. Les inégalités entre les milieux urbain et rural se répercuteraient également dans d’autres domaines, comme l’accès à l’eau potable (90% vs 40%) ou encore le raccord au réseau d’assainissement (90% vs 3%).

  • Une scolarisation de 4,4 ans en moyenne

Les enfants marocains passent en moyenne 4,4 ans sur les bancs de l’école, contre 6,3 dans les nations arabes et 7,7 à l’échelle planétaire. Selon le Haut-commissariat au plan (HCP), le système éducatif est à la base de la plupart des inégalités, contribuant « à hauteur de 26,4% » à l’inégalité salariale. Dans un sondage réalisé en 2014, les Marocains étaient plus de 50% à considérer l’éducation comme « le problème majeur du pays » – 70% l’érigeant en priorité des politiques de développement.

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  • Un indice de développement humain plombé de 30%

Le Maroc figure au 123e rang mondial (sur 188) en matière d’Indice de développement humain (IDH), loin derrière la Tunisie (97e) et l’Algérie (83e). À cette statistique, qui combine le produit intérieur brut par habitant (PIB/habitant), le niveau d’éducation et l’espérance de vie à la naissance, on peut ajouter les différences entre riches et pauvres, pour donner l’Indice de développement humain ajusté aux inégalités (IDHI). Dans le cas du Maroc, le résultat se trouve alors abaissé de 30%.

« Le constat des inégalités au Maroc est éloquent et appelle à des mesures ambitieuses. Il appartient désormais au gouvernement et aux différentes institutions du pays de s’attaquer à la racine du fléau, en instaurant un système économique qui bénéficie à toutes et tous, et non à quelques privilégiés », conclut Abdeljalil Laroussi, porte-parole d’Oxfam Maroc.

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