Mouna Maamar, gériatre: "Il n'y a pas d'humanité dans une maison de retraite"

Mouna Maamar, professeure de médecine interne et gériatre, préside l'association de gestion du Centre social pour personnes âgées de Rabat (capture d'écran Youtube)

Selon une étude menée par le Centre social pour personnes âgées de Rabat, plus de 50% des séniors les plus vulnérables de la capitale ne disposent d’aucun revenu. Près d’un quart ne bénéficierait pas non plus du Régime d’assistance médicale (RAMED).

Pour faire face à la précarité des personnes du troisième âge, les populations défavorisées de Rabat font appel à la solidarité familiale, ou refusent carrément de se faire soigner. La professeure Mouna Maamar, présidente de l’association gestionnaire du Centre social pour personnes âgées de Rabat (associé à la Fondation Mohammed V pour la solidarité), nous présente les principales conclusions de son travail de terrain – qui sera publié dans son intégralité en juin – et avance des pistes d’amélioration.

Telquel.ma: Comment avez-vous réalisé votre étude?

Pr Mouna Maamar: Ces recherches ont été conduites auprès des personnes accueillies dans notre structure d’hébergement, mais aussi dans le cadre des six caravanes que nous avons initiées en 2016 et 2017, sillonnant plusieurs bidonvilles de Rabat.

Chaque opération a permis de rencontrer en moyenne 120 personnes de 60 ans et plus, soit un échantillon total de 667 individus. Cette enquête médico-sociale vise à mieux connaître leurs ressources financières, sociales, leurs conditions de vie, le taux de couverture médicale, l’accès aux médicaments, etc.

Notre personnel médical a pu délivrer des traitements adaptés, tandis que les données collectées ont été analysées par notre staff administratif.

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Quelles sont vos principales conclusions?

La population cible est tout d’abord fragile socioéconomiquement. En effet, 52% des interrogés n’ont aucun revenu à la fin du mois. Ils doivent alors compter sur la famille et les enfants pour s’en sortir.

23% d’entre eux ne bénéficient pas non plus de couverture médicale. Ceux-là refusent de se faire soigner, ou bien se rendent dans le centre de santé primaire de leur quartier, où des thérapeutiques peuvent leur être prescrites.

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Que préconisez-vous pour améliorer leurs situations?

Si on veut vieillir dans la dignité, il faut absolument proposer des aides sociales, pécuniaires et médicales, qui permettent de rester le plus longtemps possible à domicile, dans son environnement. Il n’y a pas d’humanité dans une maison de retraite.

La transition démographique fait qu’on ne pourra pas empêcher ces établissements de se développer, mais je pense que les centres d’accueils de jour sont préférables.

Nous souhaiterions plus généralement la mise en place d’un circuit de prise en charge médicale et administrative spécialement dédié à la personne âgée, avec la généralisation du système de retraite et l’instauration d’un revenu minimum vieillesse mensuel.

Enfin, il est nécessaire de continuer à former davantage de gériatres – même s’il convient de revoir à la hausse le chiffre, souvent avancé, de dix médecins spécialistes pour tout le Maroc, car de plus en plus de généralistes sont aujourd’hui sensibilisés à la gériatrie.

Un Observatoire national des personnes âgées a été lancé en février 2016, ainsi qu’un diplôme universitaire en gériatrie et gérontologie. Tout cela va dans le bon sens.

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